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Ce qui est inédit, c’est que cette condamnation ferme a émané de tous les groupes politiques au sein du PE qui ont unanimement lancé un appel à la junte militaire : Libérez Boualem Sansal.
L’Algérie, un Etat voyou
Marion Maréchal (Groupe des Conservateurs et Réformistes européens) a marqué les débats par un réquisitoire cinglant contre la junte militaire algérienne qui n’hésite pas à embastiller un écrivain.
«Guidé par sa haine de la France, le régime d’Alger se comporte comme un Etat voyou prêt à tout pour exercer une pression diplomatique», a martelé la députée européenne dans son discours au Parlement européen, qualifiant l’arrestation arbitraire de Boualem Sansal de «prise d’otage qui ne dit pas son nom».
Elle a également critiqué l’hypocrisie des élites algériennes en disant : «Pendant qu’en Algérie un écrivain est emprisonné, les hiérarques du régime continuent d’envoyer leurs enfants faire leurs études en France et de venir se soigner dans nos hôpitaux».
Marion Maréchal a même avancé une proposition provocatrice et sarcastique en appelant à un deal avec le régime répressif algérien. «Revenons à de vieux usages diplomatiques et proposons à l’Algérie un échange de prisonniers. Il y a 3.500 vrais délinquants et criminels algériens dans les prisons françaises. Nous sommes prêts à les échanger contre l’innocent Boualem Sansal», a-t-elle proposé non sans ironie.
Quel est le crime de Boualem Sansal?
Au nom du groupe de l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates, l’eurodéputé Raphaël Glucksmann a assuré que «Boualem Sansal est en prison». Selon lui, « cette phrase absurde condamne à elle seule le pouvoir qui l'enferme».
Et Raphaël Glucksmann de s’interroger : «Quel est le crime de Boualem Sansal? Un crime terrible, un crime impardonnable: son crime est d'écrire, de penser, de parler, de rêver en homme libre. Et c'est assez pour constituer, je cite, une «atteinte à l'intégrité territoriale». Une trahison qui vous fait encourir, peut-être, la perpétuité. A quel point faut-il douter de soi pour avoir si peur des mots d'un écrivain de 75 ans?».
«Le régime algérien qui l'embastille ressemble ce soir à tous ces régimes, à travers l'histoire, qui ont persécuté, arrêté, déporté les poètes dont les plumes et les âmes refusaient de se soumettre. Ceux qui font aujourd'hui, en France, le procès intellectuel de l'écrivain plutôt que de porter le fer contre ses geôliers sont les dignes héritiers de la cohorte de bureaucrates de la pensée, qui instruisaient jadis le procès en réaction des dissidents soviétiques au lieu d'élever la voix contre leurs bourreaux», a martelé le député européen dans son intervention.
De son côté, François-Xavier Bellamy, eurodéputé du Parti populaire européen (PPE), a exprimé sa satisfaction face à cette rare unité au sein du PE dans cette affaire. «A la demande de tous les groupes parlementaires européens, nous montrons par cette résolution le soutien unanime de tous les pays et partis d’Europe» à cet écrivain désarmé face à un régime répressif.
Appel à la libération d’un peuple tout entier, le peuple algérien
«Les formations politiques ont rarement l’occasion d’être unanimes pour défendre une même cause. La liberté de Boualem Sansal ne mérite en réalité aucun débat, mais un vote unanime», a, pour sa part, affirmé Sarah Knafo, membre du Groupe «L'Europe des nations souveraines» (ENS). Et la députée européenne d’ajouter : « Chers collègues, je vous appelle, de tout mon cœur, à exiger la libération de Boualem Sansal. Il est des heures où il faut laisser la politique de côté et nous ranger, sans arrière-pensée, du côté de la liberté, du talent et du courage».
«Au nom des écologistes, je demande la libération immédiate de Boualem Sansal. La liberté d'un écrivain n'est jamais qu'une question individuelle. Elle est le baromètre de la liberté d'un peuple. Liberté pour Boualem Sansal. Liberté pour le peuple algérien», a assuré Marie Toussaint, membre du Groupe des Verts/Alliance libre européenne.
Et d’ajouter : «Au-delà de l’appel à la libération de Boualem Sansal, c’est un appel que nous lançons à la libération d’un peuple tout entier, le peuple algérien qui depuis des décennies étouffe. Il étouffe sous le poids d’une gérontocratie qui s’accroche au pouvoir sous un système verrouillé qui refuse d’entendre des aspirations légitimes à la démocratie, à la transparence, à une vie meilleure ».
La privation de liberté d'un écrivain est un acte grave
Par ailleurs, l’avocat de Boualem Sansal, François Zimeray, a affirmé, dans un communiqué envoyé à l'AFP, que l'écrivain franco-algérien a été entendu par le parquet antiterroriste d'Alger et a été placé sous mandat de dépôt.
Boualem Sansal, « qui s'était rendu à Alger en confiance, est aujourd'hui placé en détention en vertu de l'article 87 bis du code pénal algérien qui réprime l'ensemble des atteintes à la sûreté de l'Etat», a assuré l’avocat français mandaté par les éditions Gallimard pour défendre l’écrivain franco-algérien.
«La privation de liberté d'un écrivain de 80 ans à raison de ses écrits est un acte grave », a observé l'avocat.
«Quelles que soient les blessures invoquées et les sensibilités heurtées, elles sont indissociables de l'idée même de liberté, chèrement conquise en Algérie ; il y a là une disproportion manifeste dont les auteurs n'ont vraisemblablement pas mesuré la portée », a-t-il précisé.
« S'il doit y avoir enquête, celle-ci ne justifie nullement que soit prolongée la détention de Boualem Sansal», a encore commenté François Zimeray.
Boualem Sansal, qui a critiqué les dirigeants algériens à de nombreuses reprises, a été arrêté mi-novembre alors qu'il arrivait dans son pays natal depuis la France.
A rappeler que les Prix Nobel de littérature Annie Ernaux, Jean-Marie Le Clézio, Orhan Pamuk et Wole Soyinka, ainsi que plusieurs écrivains dont Salman Rushdie et Roberto Saviano, ont appelé à la « libération immédiate » de Boualem Sansal, dans une tribune publiée samedi dernier sur le site de l'hebdomadaire Point cité par l’AFP.
«Exigeons la libération immédiate de Boualem Sansal et de tous les écrivains emprisonnés pour leurs idées», ont-ils écrit dans ce texte initié par son compatriote Kamel Daoud, Prix Goncourt 2024 et chroniqueur au Point.
«Nous ne pouvons pas rester silencieux. Il y va de la liberté, du droit à la culture et de nos vies à nous écrivains ciblés par cette terreur », ont-ils ajouté.
Par ailleurs, trente lauréats du Grand prix de l’Académie française ont lancé dans une tribune collective publiée par Le Figaro un appel pour la libération de Boualem Sansal. «Nous ne pouvons concevoir qu’un écrivain qui n’est coupable de rien, sinon d’écrire et de penser, soit arrêté et disparaisse», ont-ils martelé.
Mourad Tabet