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​A Leicester, le fléau de l’exploitation des petites mains du textile


Jeudi 6 Août 2020

Seul un bruit de machine à coudre échappé d’une fenêtre brise le silence. L’immeuble semble abandonné, mais il abrite un atelier. A Leicester, à la faveur d’une résurgence du virus qui a provoqué le reconfinement de l’agglomération, des accusations d’esclavage moderne dans le textile ont refait surface.
Devant l’imposant bâtiment, situé dans l’un des quartiers connus pour abriter de nombreuses fabriques de vêtements, quelques employés chargent des dizaines de cartons dans un camion.
Tout autour, de nombreuses enseignes, parfois défraîchies, indiquent la présence d’autant d’ateliers de confection. Au total, la ville en compte environ 1.500.
“La plupart des usines de Leicester sont de petits ateliers, souvent logés dans des bâtiments délabrés avec peu d’investissements dans la sécurité des bâtiments ou dans une ventilation moderne”, souligne l’ONG Labour behind the label dans un rapport fin juin.
Certains salariés travaillent même à domicile, comme semble le faire cette femme sortant d’une maison des sacs transparents remplis de tissus multicolores. Un homme les charge à l’arrière d’une voiture.
Selon l’ONG, entre 75% et 80% de la production textile de la ville serait destinée à Boohoo, groupe britannique spécialisé dans la “fast fashion” éphémère et bon marché.
Avec le coronavirus et les congés d’été, beaucoup d’entreprises ont fini par fermer leurs portes, même si, au début du confinement, des témoignages ont fait état d’ateliers bondés, malgré les risques sanitaires.
Lors du pic de la pandémie, “certains travailleurs ont été testés positifs au coronavirus et on leur a demandé de continuer à venir travailler parmi leurs collègues”, assure à l’AFP Meg Lewis, directrice de campagne chez Labour behind the label.
“Il n’y a aucune preuve épidémiologique que les usines ont été un facteur majeur” de la diffusion du virus, note cependant Adam Clarke, conseiller municipal, qui évoque la densité de population, la pauvreté et la proportion de minorités, plus touchées par le Covid-19.
Un “mauvais cocktail” qui a forcé le gouvernement à décréter le reconfinement de la ville de 355.000 habitants fin juin, ainsi que celui de sa banlieue, un cas unique en Angleterre. Selon des témoignages récoltés par Labour behind the label, et corroborés par plusieurs médias britanniques, les salaires oscillent parfois entre 2 et 3 livres de l’heure, soit bien en dessous du revenu minimum de 8,72 livres (9,66 euros).
Eclaboussé par le scandale, Boohoo s’est dit “horrifié” par ces allégations et a promis une enquête. Une mesure insuffisante pour Meg Lewis qui enjoint au groupe de réfléchir avant tout à ses pratiques commerciales, alors que certains modèles de robes sont vendus moins de 5 euros sur son site internet.
Le sujet des salaires reste tabou parmi les employés et la peur prédomine.
“Pas d’anglais”, élude une jeune femme d’origine asiatique avant d’accélérer le pas. “Je ne peux pas en parler”, répond un jeune homme perché sur une benne. Après avoir échangé quelques mots dans une langue étrangère avec son collègue, il ajoute “10 pounds par heure”.
Mais selon Ali (le prénom a été modifié), chauffeur Uber et ancien gérant d’une entreprise de confection, il est courant de trouver des emplois à 3-4 livres de l’heure. C’est justement à cause de cela qu’il affirme avoir quitté son associé.
“Maintenant, il n’y a plus que du travail illégal” parmi la trentaine d’employés que compte son ancienne entreprise, déplore-t-il auprès de l’AFP. “Des Indiens, des Bangladais.”Des populations vulnérables, qui sont autant de cibles faciles et n’ont parfois pas de statut légal, selon Meg Lewis.
Dans ces conditions, difficile de savoir le nombre exact de victimes de cet “esclavage moderne”.
Mi-juillet, un député conservateur local a affirmé que jusqu’à 10.000 personnes, soit l’ensemble des travailleurs du secteur, pourraient être concernées, pointant du doigt la responsabilité de la ville.
Un commentaire qu’a peu goûté Adam Clarke, élu travailliste (gauche), pour qui ce phénomène reste minoritaire.
Entre le 1er mai et le 20 juin, 51 inspections ont été réalisées par la direction de la Santé et de la Sécurité qui a relevé neuf infractions, mais aucune “suffisamment grave” pour justifier des poursuites.
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