Erdogan perd une bataille. Les élections législatives de ce dimanche en Turquie l’ont donné affaibli. Ses frères du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) ont essuyé une défaite cuisante, en perdant leur majorité absolue au Parlement turc. Treize ans après une mainmise islamiste sur le Parlement, Erdogan devra composer avec d’autres formations. Lui qui avait tant appelé ses fidèles à réussir le coup des 400 sièges, sera obligé de partager le pouvoir, dans le cadre d’une coalition. Un ratage électoral qui affiche désormais le déclin d’une tyrannie individuelle.
Visiblement, Erdogan avait fait de ce scrutin un référendum autour de sa propre personne. Il n’aura finalement pas «ses» 400 députés. Il n’aura pas la possibilité de changer le système parlementaire du régime. Il ne pourra pas constitutionnaliser sa tyrannie. Sa volonté de présidentialiser le régime ne sera qu’un rêve volatilisé lors d’une belle journée de dimanche.
Certes et suite au dépouillement de 98% des bulletins, les conservateurs sont arrivés sans surprise en tête du scrutin, mais ils n’ont recueilli, cette fois-ci, que 41% des suffrages et 259 sièges de députés sur 550. Ce qui les oblige, après treize ans de règne sans partage, à former un gouvernement de coalition. Usés par les critiques qui les ciblaient, en raison du déclin des indicateurs économiques et des déviances autoritaires de leur chef de file, les islamistes ont perdu beaucoup de terrain face aux partis de l’opposition.
Par ailleurs, une autre Turquie semble se constituer en perspective. Les gauchistes du HDP ont bien travaillé leur campagne. Les leaders du mouvement se sont défaits de l’esprit de dispersion en se serrant les coudes. "Ces résultats représentent la victoire de la liberté sur la tyrannie, de la paix contre la guerre". C’est ainsi que s’est exprimé, devant la presse, le député du parti kurde HDP (Parti démocratique du peuple), Sirri Sureyya Önder. Il faut dire que le succès du HDP est dû à sa capacité d’avoir su convaincre une grande frange de Turcs non Kurdes.
Les «Amis» des peuples ont dépassé la barre des 10% des voix nécessaires pour être représentés au Parlement, en obtenant 12,5% et 78 sièges. Ils peuvent même atteindre les 80 sièges, lors de l’annonce des résultats définitifs. Jusqu’ici, les camarades du HDP comptaient seulement 29 sièges dans l'Assemblée sortante, élus sous l'étiquette indépendante pour contourner le seuil obligatoire des 10%.
Les deux autres principaux concurrents du parti au pouvoir, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l'action nationaliste (MHP, droite), obtiennent respectivement 25,2% et 16,5% des voix, soit 131 et 82 sièges.