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Vers l’Indépendance du Maroc : LA RÉSISTANCE ARMÉE ET LA SOLIDARITÉ MAGRHÉBINE (septembre - Octobre 1955)


par Abderrahim Bouabid
Mardi 29 Septembre 2009

Vers l’Indépendance du Maroc : LA RÉSISTANCE ARMÉE ET LA SOLIDARITÉ MAGRHÉBINE (septembre - Octobre 1955)
L’écrit de feu Abderrahim Bouabid que nous publions a été rédigé d’un seul trait, à Missour, au cours de l’hiver 1981-82. Le texte de ce manuscrit évoque une période charnière dans le processus qui a conduit à la fin du protectorat. De l’épisode d’Aix-les-Bains aux
entretiens d’Antsirabé, en passant par l’évocation des mouvements insurrectionnels, l’auteur s’emploie à restituer le climat de
tensions, d’incertitudes et de tâtonnements qui préfigure le dénouement de la crise franco-marocaine dont l’été 1955 reste un moment fort. L’occasion lui est ainsi fournie de donner sa lecture des événements. Surtout et s’agissant de ce qui deviendra a posteriori la « controverse d’Aix-les-Bains », l’auteur développe ses arguments et revient sur le sens, les motivations et la portée de cette rencontre. L’histoire de l’indépendance du Maroc,
est, de ce point de vue, sans doute aussi l’histoire d’un système complexe  d’équivoques et de tensions qui structurent dès son origine le mouvement national. Abderrahim Bouabid nous en fournit ici un aperçu saisissant.


DOCUMENT 6
PRESIDENT DE
L’ISTIQLAL, ALLAL
EL FASSI AU CAIRE :

« Les espoirs suscités au Maroc par la nomination de G. Grandval ne doivent pas être abandonnés »
Le Caire, 19 juillet (par câble).
Allal El Fassi, président de l’Istiqlal marocain, exilé au Caire, a déclaré à France-Soir, à propos des troubles de Casablanca :
- Il est inutile que je désavoue le terrorisme car l’action du peuple révolté échappe au contrôle des organisations politiques. Seul un geste de la France pourrait être efficace.
- Lequel par exemple ?
- Le rétablissement de certaines libertés, la formation d’un gouvernement marocain digne de ce nom.
- Pensez-vous que l’expérience Grandval soit définitivement sabotée ?
- Non. Les espoirs suscités chez nous par cette nomination ne doivent pas être abandonnés sous prétexte de troubles.
- Soutiendrez-vous des réformes partielles ?
- Oui, si elles n’engagent pas définitivement l’avenir du pays. Il faudrait être extrémiste pour refuser des améliorations. Même un retour à l’application correcte du traité de protectorat serait une bonne chose. Il ne saurait pas nous satisfaire mais il prouverait la bonne volonté de la
France.
Jean Lacouture, envoyé spécial permanent,
France-Soir, 20 Juillet 1955

DOCUMENT 6 BIS
G. Grandval
à propos de
Allal el Fassi
(...)
Or, cet irréductible, Si Bekkaï me l’a signalé, vient de faire au correspondant de France-soir en Egypte, le 20 juillet, une déclaration dont la modération m’a surpris au point que j’ai cru devoir en demander confirmation à notre ambassade. Les précisions qu’elle m’apporte ne touchent guère qu’à des nuances. L’Istiqlal, pour Allal el Fassi, n’acceptera de négocier qu’une indépendance totale; mais lui-même formule l’espoir que je parviendrai à remettre en vigueur, dans sa lettre pure et simple, le Traité du protectorat ; « il tiendrait cette mesure pour le premier signe manifeste de la volonté d’entente de la France, et il espère que le Maroc passera prochainement de l’administration directe au simple contrôle ». S’élevant contre la politique du pire, il ne s’opposerait pas à ce que les membres du parti participassent, à titre personnel, à un gouvernement marocain ; il accueillerait également avec faveur un essai de fusion syndicale franco-marocaine, « qui serait de nature à amener la formation à plus ou moins brève échéance d’un climat de compréhensive collaboration entre les deux races ».
(...)
Gilbert Grandval : « Ma mission au Maroc », chap. III « myths et réalités » (extraits),
Paris, Plon, 1956, pp. 134-135.

DOCUMENT 7

L’ISTIQLAL :

la méconnaissance des aspirations nationales et le régime d’oppression ont conduit à des explosions regrettables. Rabat 24 août, - Avant de prendre l’avion à destination d’Aix-les-Bains, M. Mohammed Lyazidi a fait la déclaration suivante au nom de l’Istiqlal :
« Nous sommes invités par le gouvernement français en qualité de membres de comité exécutif du parti de l’Istiqlal, à nous rendre à Aix-les-Bains pour consultations au sujet de la politique au Maroc.» La position de notre parti à l’égard de la procédure en cours est connue. Nous avons cependant cru devoir accepter cette invitation qui nous permettra d’exposer encore une fois et directement aux représentants du gouvernement français notre point de vue sur la crise des rapports franco-marocains.» il demeure bien entendu que ce n’est pas à une conférence de la table ronde que nous sommes conviés, ni à des négociations, celles-ci devant relever exclusivement d’un gouvernement marocain représentatif, constitué dans un cadre de légitimité et de légalité, après la solution préalable de la question du trône.» D’autres personnalités marocaines ont été invitées, les représentants d’une certaine tendance dite traditionnelle paraissent en constituer la majorité, alors qu’ils ne représentent en fait qu’eux-mêmes. Un déséquilibre est ainsi crée au détriment des tendances réelles et authentiques de l’opinion publique marocaine, la classe ouvrière par exemple a été complètement omise.
« Dans ces conditions ne serait-on pas fondé à se demander si pareil déséquilibre ne fausserait pas le sens des consultations en cours et ne mènerait pas à des conclusions pouvant retarder le dénouement d’une crise qui dure depuis des années, et dont nous déplorons chaque jour les ravages.
« On ne saurait nier en effet, que la méconnaissance de nos aspirations nationales et le régime d’oppression ont conduit à des explosions regrettables. Ceux qui n’ont pas hésité à attenter à l’amitié du Maroc et de la France en la personne de notre souverain légitime S.M Mohammed V, portent aussi leur part de responsabilité dans les graves événements de ces derniers jours qui ont coûté la vie à d’innocentes victimes marocaines et françaises, devant lesquelles nous nous inclinons avec une douloureuse émotion.» Nous conservons l’espoir que la raison finira par triompher des passions, que les efforts déployés par le gouvernement français et la confiance suscitée par M. L’ambassadeur Gilbert Grandval continueront à sortir le Maroc du cycle infernal de répression et de violence.»
Cette déclaration est signée non seulement de M.M. Mohammed Lyazidi et Mehdi Ben Barka qui sont partis ce matin mais de M.M. Hadj Omar Abdeljalil et Abderrahim Bouabid qui se trouvent déjà à Aix-les-Bains.
Le Monde, 25 août 1955.

DOCUMENT 8
Aix-les-Bains :
le “cas” Grandval, continue à dominer les entretiens.
Aix-les-Bains, le 25 août,

(....) si l’on revient aux entretiens franco-marocains, que l’on a un peu perdu de vue mercredi en raison de l’entracte créé par le voyage de M. Edgar Faure à Paris, il est certain que la responsabilité du départ de M. Grandval inquiète vivement les nationalistes du PDI et de l’Istiqlal.
Avec le PDI la conversation s’est achevée mercredi au cours d’un déjeuner sur les bords du lac du Bourget, dans une atmosphère extrêmement détendue. Avec l’Istiqlal, les entretiens n’ont commencé que ce matin. M. Robert Schuman, qui présidait par intérim la délégation française, ayant préféré le retour du président du conseil pour entamer cette «pièce importante» du programme d’Aix-les-Bains.
En quittant l’hôtel Splendid, M. Bouabid membre de la commission exécutive de l’Istiqlal, a déclaré que ses amis et lui avait soulevé d’une part le problème du trône, d’autre part celui des rapports organiques franco-marocains. Beaucoup de questions leur ont été posés, ils ont remis aux ministres un mémoire résumant leur position et indiquant les solutions, acceptables par eux, par le peuple marocain, solutions qui supposent d’une part le règlement du problème dynastique et d’autre part l’établissement de rapports franco-marocains sur de nouvelles bases.
L’Istiqlal a dit encore M. Bouabid, donne son adhésion à la solution de conciliation qui consisterait à différer le retour sur le trône de Sidi Mohammed Ben Youssef. La condition que soient restaurées la légalité et la légitimité violées par l’installation sur le trône de Ben Arafa.
M. Bouabid qui doit retourner à Genève pour y rencontrer M. Balafrej, secrétaire général de son parti, a enfin souligné que le gouvernement français a lui-même fixé une date pour la réalisation de son plan et qu’en conséquence, il était indispensable que les solutions soient au moins amorcées à la date du 12 septembre.
Si Bekkaï qui est reçu dans l’après-midi, doit tenir aux «cinq» un langage analogue, insistant lui aussi sur l’urgence des décisions à prendre et sur la possibilité de trouver des solutions de solutions de conciliation.(...)
Claude Ezratty, Envoyé spécial
Le Monde, 26 août 1955, (extraits).

DOCUMENT 9
Retranscription de la déclaration du président E. Faure à l’issue des entretiens d’Aixles- Bains.

- « Monsieur le président avant de quitter Aix-les-Bains pouvez vous nous dire vos dernières impressions avant de regagner Paris. »
- « Oui je vais maintenant regagner Paris, après ce séjour de cinq journées à Aix-les-Bains, interrompu par le voyage à Paris que j’avais fais mercredi. La conférence d’Aix-les-Bains, ce que l’on a pu dire, le terme est d’ailleurs inexact, les consultations, sont pratiquement terminées.
Cependant, il reste maintenant aux ministres compétents M. Pierre July et à leurs collaborateurs à mettre au point un certain nombre de questions délicates et difficiles, dans le cadre des principes généraux que nous avons pu vérifier. Je voudrais rappeler ici, quelle a été la pensée qui a présidé à ces rencontres d’Aix-les-Bains, et comment par conséquent nous pouvons les apprécier actuellement. Cette pensée a été de créer une rencontre franco-marocaine, de permettre à une délégation gouvernementale française, composée du Président du conseil et de quatre ministres dont vous connaissez les qualifications, de recevoir personnellement un certain nombre de personnalités représentatives, appartenant à des tendances très variées, très différentes de l’opinion marocaine. Car le Maroc comme la France, d’ailleurs comme tous les pays, n’est pas Un, mais sa diversité pose des problèmes plus préoccupants évidemment que dans un pays comme le nôtre.
Nous avons reçu des personnalités, telle que celle du makhzen le grand vizir dont vous connaissez la longue carrière, le pacha de Marrakech le Glaoui, d’autres pachas et caïds ; nous avons reçu des personnalités modérées ; nous avons également reçu des personnalités représentatives des partis politiques ; du PDI et du parti de l’Istiqlal. Nous avons avec toutes, eu des entretiens loyaux, ouverts, sincères, sans note sans procès verbal ; nous avons cherché à nous atteindre, à nous comprendre. J’estime en effet, et ma conviction est renforcée par ces entretiens, que si nous voulons régler la question délicate du Maroc ; si nous voulons aller vers un avenir qui nous convienne, il faut absolument que nous obtenions une réconciliation de ces tendances de l’opinion marocaine. Il faut que nous arrivions à coopérer, et notamment je le précise, avec les partis politiques dont j’ai parlé tout à l’heure. Partis qui sont compris sous l’étiquette nationaliste, mais dont les représentants nous ont confirmé qu’ils ne niaient nullement l’oeuvre française au Maroc ; ne la récusaient pas ; et nous ont confirmé qu’ils étaient d’accord pour admettre la permanence des liens entre nos deux pays, sans renoncer à leur idéal qui est noble et à leur aspirations. Dans ces conditions, j’estime qu’il faut aller de l’avant. Il n’est pas possible, il n’est pas pensable que nous puissions échouer dans cette oeuvre qui d’ailleurs sera très difficile, mais là est la seule possibilité. Nous ne pouvons rester dans l’immobilisme, regarder uniquement vers le passé. La France ne reniera jamais ses amis traditionnels qui conservent toute son affection. Elle désire d’autre part, ouvrir le colloque le plus large, obtenir l’entente la plus sincère, avec tous ces éléments modernes nouveaux qu’elle a éveillée elle-même, aux aspirations dont ils se réclament, et aux perspectives de civilisation contemporaine.
Je vais continuer mon travail à Paris pendant que M. July et nos collaborateurs poursuivent le leur à Aix-les-Bains.
Je vous parle d’une façon un peu décousue, car je n’ai pas préparé cette audition; mais je tiens à vous dire que j’ai consacré une trés grande partie évidement de ma pensée et de mon temps à cette oeuvre difficile. Je sais que je rencontre de fortes critiques, très vives, quelque fois pénibles, d’ailleurs alternées et contrastées, mais je n’en poursuivrais pas moins ma tâche, avec la foi dans l’avenir les relations franco marocaine, de nos deux pays qui doivent rester indissolublement liés ».


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