Tunisie : la première révolution Network


PAR NAJIB LAÏRINI *
Mercredi 16 Février 2011

Le régime policier tunisien n’a pas résisté longtemps à la pression et a révélé ses failles suite à la fuite précipitée de Ben Ali en Arabie Saoudite.

L’effondrement d’un mythe 

Le système politique de Ben Ali était fondé sur un cercle très restreint de soutiens liés aux clans Ben Ali et Trabelsi, de telle sorte que dès le moment où la pression devenait insoutenable, le régime politique ne pouvait plus compter sur l’appui traditionnel de l’appareil d’État comme les forces sécuritaires (police, armée et renseignement). Contrairement au régime égyptien où il y a un embryon institutionnel autour du régime Moubarak et où la corruption est moins concentrée dans les cercles immédiats du pouvoir, dans la Tunisie de Ben Ali, les institutions étaient des coquilles vides.

Fin d’un discours entretenu par l’Occident 

La révolution tunisienne a été menée par une jeunesse éduquée, laïque et branchée sans figure centrale. Le monde a assisté à une révolte pour la liberté et la démocratie où les islamistes sont très minoritaires. Dans la rue on voyait des jeunes laïcs nous ressemblant réclamant le départ du dictateur et l’instauration d’un régime démocratique.
Au contraire c’est la répression entretenue par le régime autoritaire qui générait la montée de l’islamisme, dernier rempart contre l’oppression
Les populations arabes sont divisées et manquent de leaders : la rue s’organise grâce aux réseaux sociaux électroniques. La première révolution Facebook dans le monde.

La goutte qui a fait déborder le vase

Un fait divers a constitué l’amorce de la révolution tunisienne. La persécution d’un marchand ambulant ((diplômé universitaire) par la police enclencha le mouvement social révolutionnaire après l’immolation par le feu du jeune vendeur de légumes.
La situation politique explosive était latente.  Les Tunisiens subissaient les contrecoups de la crise financière et économique qui avait ébranlé le système international depuis 2008. Les effets de cette crise se manifestaient surtout dans les secteurs clefs de l’économie du pays par le haut taux de chômage, la baisse des recettes touristiques et l’effondrement des investissements étrangers (européens et des pétromonarchies arabes). Le chômage qui frappa l’Europe eut également un effet négatif sur les envois de devises de la diaspora tunisienne établie dans l’Union Européenne.

Réinventer une nouvelle société démocratique 

La société civile tunisienne avec la participation de toutes ses composantes doit relever un défi de taille : construire un nouveau système politique pluraliste et d’état de droit. L’urgence pour les Tunisiens aujourd’hui c’est de commencer à préparer l’après-révolution et de bâtir une société dont les valeurs fondamentales seront les libertés et  les droits de l’homme.
 Les Tunisiens, toute tendance confondue, ont comme tâche première de solidifier leur unité et de travailler ensemble en ouvrant un nouveau chapitre de l’histoire de leur pays. Pour cela, les règlements de comptes et les purges sont à proscrire sans pour autant s’empêcher de réclamer la restitution des biens publics détournés par les responsables de l’ex-régime politique conformément aux règles de la justice internationale.

L’impact de la crise égyptienne

L’heure est au travail pour redémarrer l’économie du pays ébranlée et rétablir l’ordre public indispensable au rétablissement du climat de confiance pour les affaires.
Le régime Moubarak est un allié important de l’administration américaine (2 milliards $/an d’aide américaine, la deuxième après Israël) et un pilier de l’équilibre géopolitique régional au Moyen-Orient (premier Etat arabe à voir reconnu Israël). De ce fait, la chute du régime pourrait se avoir des répercussions très inquiétantes aux plans régional et international.
Quelque soit la trajectoire que suivra la révolution tunisienne, une certitude demeure : cette révolution a démontré qu’un dictateur dans un pays arabe peut chuter sous la pression de la jeunesse arabe ayant les mêmes aspirations que toutes jeunesses du monde, la soif de liberté. C’est une première et un précédent dans le monde arabe.

* PhD (relations internationales), Département de science politique, Université de Montréal



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