Son initiateur, Hamada Eddarwich dévoile tout les dessous de l'Opération Gjeijimatt


Propos recueillis par Ahmadou El-Katab
Vendredi 5 Février 2010

Son initiateur, Hamada Eddarwich dévoile tout  les dessous de l'Opération Gjeijimatt
Artisan du congrès Gjeijimatt, tenu le 14 décembre 2007, à une vingtaine de kilomètres de Tifariti où se tenait le 12ème congrès du Polisario, Hamada Eddarwich avait organisé, juste après, une autre opération  qui consistait en l'acheminement d'une centaine de Sahraouis vers la mère patrie. Ces Sahraouis croyant en la
proposition d'autonomie faite par le Souverain et convaincus que ce serait l'unique solution
pouvant mettre fin au conflit du Sahara ont tout abandonné pour rejoindre la mère patrie.
Au bout de deux années de silence, Ould Darwich lève
le voile sur les tenants et
aboutissants de cette opération. Il répond en exclusivité
aux questions de Libé.


Libé : Dans quelques jours, cela fera  deux ans que vous avez rallié la mère patrie  après le congrès de Gjeijimatt. Quel bilan faites-vous de ces deux ans ?

Hamada Eddarwich : En effet, dans quelques jours, nous célèbrerons le deuxième anniversaire de notre ralliement à la mère patrie en réponse à l'appel Royal «  La patrie est clémente et miséricordieuse » lancé par le défunt Roi Hassan II, le deuxième anniversaire de l'organisation du congrès de Gjeijimatt, c'était le 14 décembre dernier.
Le bilan que je fais de ces deux années est mitigé, mi-figue, mi-raisin.
D'une part, nous avions été accueillis avec beaucoup de faste et entourés de beaucoup d'attention par les pouvoirs publics et je saisis l'occasion ici, pour les remercier du fond du cœur. Cela avait été pour nous une preuve éclatante de la miséricorde et de la générosité du Royaume.
D'autre part, après un an d'attente, les éléments du groupe ont été logés et perçoivent régulièrement des émoluments mensuels. Seulement, aucun document ne fixe ni la nature  des logements ni  celle des montants. Or, l'administration est régie avant tout par un principe d'écriture. A cela, il faut ajouter un certain nombre d'indélicatesses dont nous avons été l'objet de la part de certains responsables sahraouis, dès notre arrivée à Laâyoune. Alors qu'ils sont censés être les premiers défenseurs de nos intérêts, compte tenu des responsabilités qu'ils exerçaient à l'époque et la nature des rapports sociaux supposés avec nous.
En résumé, le sentiment que nous avons est que la patrie a été et demeure clémente et miséricordieuse. Mais nos frères dont nous grossissons les rangs et auxquels nous apportons un plus, n'ont pas su être à la hauteur de l'évènement qui restera une première dans l'histoire du conflit et ce pour deux raisons :
- C'est la première fois en 33 ans de conflit que le Polisario est attaqué ouvertement sur ce qu'il considère comme son territoire au-delà du mur de protection, par des Sahraouis qui crient haut et fort leur marocanité et approuvent le plan de règlement proposé par S.M. le Roi.
- C'est la première fois qu'un ralliement en masse est organisé.

Comment l'idée de ce congrès vous est-elle venue et qui étaient les intervenants dans son
organisation ?

Avant de répondre précisément à la question, je voudrais revenir un peu en arrière pour vous retracer le cheminement qui a fini par aboutir au congrès de Gjeijimatt.
Je me trouvais à Tifariti pour y assister aux festivités marquant le 30ème anniversaire de la proclamation de la pseudo-RASD au cours desquelles le Polisario et ses protecteurs algériens n'ont pas lésiné sur les moyens. J'ai suivi le discours Royal aux environs de Tifariti en compagnie d'amis et cousins du Polisario. Nous avons discuté pendant plusieurs jours de l'initiative Royale, des nouvelles responsabilités et prérogatives attribuées aux Sahraouis dans le cadre de l'élaboration et de la vulgarisation de la proposition Royale. J'ai réussi à convaincre un bon nombre de mes interlocuteurs de niveaux et d'horizons différents, du fait que cette proposition est la seule susceptible de mettre fin au conflit et qu'elle prend en compte toutes les dimensions historiques, sociales, économiques et culturelles de l'ensemble sahraoui. Nous avons  réfléchi à l'idée de nous inscrire dans cette dynamique. Nous avions alors listé l'ensemble des conditions qui doivent être réunies pour nous permettre de nous engager résolument dans la voie. Je dévoilerai plus tard tous ces détails.
Alors il fallait savoir à quelle porte frapper et qui devait être notre porte-étendard.
Le choix s'était porté sur ma modeste personne en raison, entre autres, de ma liberté de mouvement, de mon statut, de mes moyens matériels, de mon cursus et du fait de ma paternité quant à l'initiative elle-même.
J'ai accepté cette responsabilité avec ce qu'elle comporte comme risques et sacrifices.
J'ai alors considéré que la porte qui m'était la plus accessible était celle du Corcas, en raison des missions qui lui sont dévolues, de la facilité de contact que me procurait mon appartenance tribale que je partage avec le président de cette institution.
J'ai donc effectué un premier déplacement à Rabat en octobre 2006. Je me suis entretenu longuement avec le président du Corcas. Nous nous étions entendus sur les grandes lignes qui ont été affinées  au cours d'une seconde rencontre qui a eu lieu au cours du mois de novembre 2007.
Entre les deux rencontres, nous avions tenu des dizaines de réunions à Nouakchott, Zouerate, Lahveyra et en plein désert pour débattre de tous les détails.
Le 12ème congrès du Polisario devait avoir lieu à la mi-décembre 2007 et c'est là qu'est venue l'idée de tenir un congrès concomitant pour exprimer le ralliement d'une importante frange de Sahraouis du Polisario au Royaume du Maroc et son soutien à la proposition Royale d'autonomie. Le challenge était osé et sa réussite  allait provoquer une forte secousse côté Polisario.
Pour être honnête et sincère, l'idée ne venait pas de nous mais du Corcas et là je rends à César ce qui lui appartient.
Je vous affirme qu'au départ, il s'agissait d'une manifestation d'une autre nature à laquelle nous n'étions pas associés et qui était initiée par un haut responsable du gouvernement de l'époque et à laquelle j'avais refusé de me mêler.
J'ai été sollicité plus tard pour l'organisation d'un congrès opposé à celui du Polisario puisque personne d'autre n'avait ni la notoriété, ni le courage, ni les moyens matériels et humains pour réussir une œuvre de ce genre.
Je vous prie d'excuser mon manque de modestie qui se justifie par le fait qu'après deux ans, on m'a rapporté et j'ai lu tellement de contre-vérités et d'inexactitudes sur ce qui s'est passé.

D'aucuns racontent que vous avez reçu beaucoup d'argent pour organiser le congrès. Qu'en est-il exactement ?

Ecoutez, les sources de l'affabulation sont intarissables. Surtout en milieu sahraoui et par les temps qui courent.
Ce qui est établi et irréfutable, c'est que pour préparer une manifestation telle que celle de Gjeijimatt, il faut surtout des ressources humaines. C'est-à-dire des Sahraouis ayant la conviction, le courage, la témérité et le sens du sacrifice pour aller exprimer leur marocanité et leur soutien à la proposition Royale d'autonomie de l'autre  côté du mur de protection, face au Polisario dans un coin du désert où celui-ci sévit et agit comme bon lui semble.
Je vous rappelle que personne n'est venu  vulgariser la proposition marocaine d'autonomie ou essayer de nous convaincre de son bien-fondé.  Personne n'est venu nous chercher et l'ensemble des participants au congrès que j'ai organisé et encadré n'ont jamais eu le moindre contact avec qui que ce soit au Maroc, jusqu'au jour de leur arrivée sur le sol national, le 27 février 2008.
Une grande partie des congressistes de Gjeijimatt n'a, d'ailleurs, toujours pas regagné le Royaume, car seule la première vague est arrivée.
Que ceux qui prétendent que nous avons reçu de l'argent le prouvent et à nous de justifier le contraire, preuve à l'appui. Si avec l'argent on pouvait organiser un évènement du type Gjeijimatt, pourquoi avoir attendu 33 ans de conflit pour qu'ait lieu cet évènement et pourquoi ne pas en organiser un, tous les 27 février ?
N'en déplaise à nos détracteurs et à ceux qui ont échoué là où nous avons réussi, nous sommes les seuls à avoir fait allégeance à SM le Roi au nez et à la barbe du Polisario et de l'Algérie sans craindre la menace de leurs mitrailleuses lourdes.
Qui d'autre le peut ? Nous voudrions bien le voir.
Pour me résumer sur cette opération, Gjeijimatt c'est en grande partie moi et je ne suis pas un inconnu. Tout le monde sait que j'ai toujours mis mes moyens - qui étaient substantiels- au service de mes convictions  qui n'ont jamais fait  l'objet d'un quelconque marchandage.

Quels rapports entretenez-vous avec le Corcas et comment jugez-vous l'action de cette institution ?

Comme je l'ai dit, j'ai organisé l'opération Gjeijimatt qui est une opération  initiée et pensée par le Corcas et je suis l'artisan du ralliement de la frange Oulad Moussa dans le cadre de cette opération qui n'en est qu'à ses débuts.
La porte par laquelle nous sommes entrés est celle du Corcas qui n'est, à mon sens, qu'un élément d'un ensemble de structures qui composent notre pays. Cette structure n'est pas  exécutive, mais jouit d'une grande crédibilité et de missions précises qui lui sont dévolues par SM le Roi.
A ce titre, je reste encore en relation avec cette institution en attendant mon intégration qui n'a pas encore abouti à ce jour.
 Nos rapports sont courtois et respectueux même si les retards ne sont pas confortables. Mais je reste très confiant car ce que j'attends, je l'attends de SM le Roi et qui, sans doute, ira au-delà de mes attentes.
En ce qui concerne mon jugement sur l'action, je ne peux me prononcer que sur ce qui nous a concernés en tant que groupe de ralliés. Nous avons, pour notre part, rempli et avec brio la totalité des engagements qui étaient les nôtres et attendons avec sérénité l'aboutissement de notre intégration et la contribution que nous sommes déterminés à apporter dans l'œuvre d'édification des projets que SM le Roi a pensés pour les provinces sahariennes. Nous ne sommes pas venus pour des vacances et avons laissé des milliers de personnes que nous sommes résolument engagés à rapatrier vers le sol national.



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