Sahara marocain : L’approche biaisée des sociaux-démocrates suédois


Dr. Hamid Lechhab, Autriche
Vendredi 6 Novembre 2015

Le Sahara marocain est la cible permanente des attaques de la majorité des partis politiques de «gauche» européens depuis des années. Il va de soi que quelques partis de droite, et en particulier espagnols et portugais, se livrent au même jeu. A chaque fois, le Maroc se trouve confronté à des attaques inacceptables et injustifiées. La dernière fut celle du parti social-démocrate suédois, qui s’est livré à cœur joie à l’essai de tâter le pouls du Maroc concernant son intégrité territoriale. Si le Maroc a réussi de nouveau à surmonter cet obstacle, cela ne signifie aucunement que les jeux sont faits, mais ce n’est que partie remise.
Si l’on reste simplement au niveau de la dernière attaque suédoise, nous ne pouvons pas ignorer le fait que ledit parti n’a aucune crédibilité, ni morale ni politique, surtout si on creuse profondément dans ses bases idéologiques. Le plus important à signaler ici, c’est que ce parti qui s’autoproclame comme parti de gauche socialiste, n’en a au fond que le nom. Il s’agit clairement et simplement d’un parti mouillé jusqu’aux cheveux dans sa tendance euro-centrique, enveloppé dans une idéologie coloniale latente. Si on prend les propos du «Terminator» social-démocrate suédois Johan Büser, actif dans ce dossier, on touche aisément son eurocentrisme, qui conduit directement à dévoiler sa double morale en ce qui concerne le soi-disant «défense des minorités». Il affirme sans rougir: "Le Sahara … dernière colonie d'Afrique" est occupé "depuis des décennies par le Maroc". Yeux fermés sur la colonisation espagnole de deux villes marocaines et ignorant délibérément le destin des minorités européennes comme «le peuple du voyage» (Roms et Sentis), qui galèrent en Suède  même. Ne portant aucune attention au souhait des Basques et des Catalans de fonder leurs propres Etats, il aiguise son eurocentrisme et essaye de dicter aux autres ce qu’ils doivent faire, ignorant totalement que la majeure partie des Sahraouis s’identifient à leur mère patrie et sont attachés à l’union nationale. «Oubliant» la colonisation française d’Outre-mer, britannique de Gibraltar et autres, il veut détacher une partie d’un peuple de ses racines et son appartenance historique, sous prétexte que cela fait partie des fondements de son parti.
Dans leur défaite totale de régler leurs problèmes internes, qui s’aggravent au fil des jours, les sociaux-démocrates suédois qui dirigent le pays, essaient à n’importe quel prix de créer des conflits extérieurs marginaux pour occuper l’opinion publique suédoise. Le «mythe du modèle social-démocrate suédois», pseudo-cultivé depuis presque un siècle, connaît son déclin à plusieurs égards. La jeunesse suédoise vit un malaise sans précédent, qui se manifeste dans la montée inquiétante du nazisme dans ce pays et l’impasse des jeunes issus de l’immigration, sujets de maltraitance quotidienne. Les émeutes de Malmö de 2008, et celles de Stockholm en 2010 sont encore gravées dans la conscience publique de la Suède et du monde entier. La violence nazie est en sérieuse augmentation en Suède. Les néonazis suédois ont assassiné pas moins de 30 personnes depuis le milieu des années 80.
L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) a publié un rapport accablant sur la Suède. De tous les pays européens, c'est en Suède que les écarts entre riches et pauvres se sont le plus aggravés ces 15 dernières années. Les inégalités sociales s’accentuent dans le système éducatif avec l’augmentation des écoles privées. Certaines écoles publiques sont désertées par les professeurs qualifiés, la qualité est en chute. Cette situation a troublé le congrès du parti, tenu du 25 au 27 mars 2011. Le parti a souligné avec stupéfaction que seuls 22% des électeurs, ayant un emploi, ont voté pour les sociaux-démocrates lors des élections de 2010. Les Suédois boudent le parti, alors qu’entre 1940 et 1968, il récoltait la majorité absolue à lui tout seul. Andreas Johansson de l'Université de Göteborg confirme: «Alors qu'ils pensaient qu'il leur serait facile de reprendre l'avantage à ces élections, après quatre ans d'opposition, ils apparaissent au contraire comme un parti qui ne s'est pas réformé, avec les mêmes vieux visages et les mêmes vieux discours».
Ce courant politique se définit comme étant réformiste et non marxiste. Huntford a publié un ouvrage en 1972 où il dénonce le système comme étant un «nouveau totalitarisme». Cela se manifeste par les mandats très longs des Premiers ministres qui restent au pouvoir une dizaine d’années en général, voire 23 ans dans le cas de Tage Erlander. La base de son électorat est surtout composée d’ouvriers et d’employés du secteur public. Il entretient, en effet, et cela depuis sa création, des liens étroits avec la Confédération suédoise des syndicats, (LO). Ce syndicat a créé le parti social-démocrate en 1889. Jusqu’à la fin des années 70, tous les membres de LO étaient automatiquement affiliés au parti et jusqu’aux années 80, la plupart des ministres sociaux-démocrates étaient membres de LO. Cela explique pourquoi les travailleurs et les syndicats ouvriers ne sont quasiment jamais en opposition avec les réformes du gouvernement. Depuis son arrivée au pouvoir, le parti ne rencontre véritablement pas d’opposition. Son pragmatisme est clair: s’ouvrir rapidement au libéralisme quand il l’estimait bien, comme pour les questions sur la sécurité, ou encore, à partir des années 80, où il adopte de nombreuses pratiques pro-capitalistes, ne refusant pas la voie alternative proposée par le néolibéralisme.
Pour nombre d’observateurs, la Suède représente une société mixte, un cas paradoxal, puisqu’elle est dirigée par un gouvernement socialiste et une économie capitaliste. L’alliance entre les sociaux-démocrates et la bourgeoisie industrielle est sûrement la caractéristique principale du modèle suédois. Contrairement aux autres partis socialistes européens de l’époque, les socialistes suédois ne luttaient pas contre le système capitaliste. De même qu’ils n’ont jamais développé l’ambition de l’appropriation collective des moyens de production. Certains accusent d’ailleurs la social-démocratie suédoise d’avoir trahi l’idéal socialiste en nationalisant peu et en ne planifiant pas.
Dès les années 70, le modèle suédois commence à s’essouffler et dès le début des années 90 sa crise se confirme : crise économique et budgétaire qui a fortement marqué les esprits. La Suède était devenue le pays occidental avec le déficit des finances publiques le plus élevé, et le plus haut niveau de prélèvements obligatoires. La fiscalité directe reste élevée avec des prélèvements obligatoires qui représentent 53 % du PIB. L’impôt sur le revenu concerne tous les individus, avec un taux qui atteint rapidement 59 % selon le niveau des impôts locaux. Quant à la fiscalité indirecte, elle est l’une des plus élevées en Europe avec notamment une TVA à 20 % et des taxes sur le tabac et l’alcool importantes. Curieusement dans un pays socialiste, les bénéfices des entreprises ne sont imposés qu’à 28 %.
Le modèle suédois a perdu beaucoup de son attractivité ces dernières vingt-cinq années: il allait à l’encontre des courants idéologiques dominants et la profonde crise économique des années 90 a mis à mal l’image que les Suédois avaient d’eux-mêmes et de leur modèle social. Le centre d’intérêt s’est déplacé en Suède vers des aspects moins positifs de l’histoire suédoise du XXe siècle: son attitude peu honorable pendant la Seconde Guerre mondiale (voire de la collaboration avec le IIIe Reich), la politique de stérilisation forcée, et plus généralement les violations des droits de l’individu au nom de la collectivité.
Les critiques du modèle social-démocrate se multiplient depuis des années et surtout des proches de ce modèle. L’ouvrage de Thomas Boström: « Inifrån – Makten, myglet, politiken (Vu de l’intérieur – Pouvoir, intrigues et politique), a provoqué des polémiques importantes au sein de la famille social-démocrate. Cet ex-ministre de la Justice sous le gouvernement de Göran Persson se demande dans ce livre: pourquoi les militants ne pourraient-ils pas élire directement le président du parti ? Il plaide pour une démocratisation renforcée du parti.
Dans son article: «Le modèle suédois à bout de souffle», (Marianne, septembre 2014), Régis Soubrouillard annonce lui aussi la fin du modèle social-démocrate suédois. Mais c’est Gilles Vergnon: «Le modèle suédois …» (Rennes, PUR, 2015), qui perce en profondeur le mythe des sociaux-démocrates suédois. Pour lui, tout autre parti dans les années 30 aurait pu conduire la Suède à ce qu’elle est devenue jusqu’aux années 70. La définition de «la social-démocratie» qu’il propose, met l’accent sur le fait qu’elle n’est pas un simple synonyme du socialisme, et vu sa pratique sur le terrain, elle n’a rien à voir avec la culture socialiste classique. Cette clarification permet de mieux comprendre les interventions en trop des sociaux-démocrates quand ils sont au pouvoir. L’«Etat-nurse» prend ainsi tout son sens, une fois remis dans une perspective historique. On remarquera d’ailleurs que les critiques d’un Etat présent à toutes les étapes de la vie d’un individu s’inscrivent dans le temps long de la pratique social-démocrate.
Si le parti social-démocrate suédois croit vraiment aux droits des minorités, il serait bien conseillé de demander plutôt à organiser un référendum dans les camps de Tindouf pour les citoyens marocains, otages depuis des décennies. Ils doivent décider librement de leur sort. S’ils veulent rentrer chez eux au Maroc ou fonder leur «république» … à Tindouf, car c’est la terre qui leur revient, vu qu’ils y vivent depuis des décennies.


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1.Posté par kader le 08/11/2015 18:31
Instructif pertinent et clair je vous remercie

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