Rôles des acteurs institutionnels et économiques dans le développement des régions : Les termes du débat


PAR MOUNIR ZOUITEN
Vendredi 15 Janvier 2010

Rôles des acteurs institutionnels et économiques dans le développement des régions : Les termes du débat
Dans un contexte de décentralisation, de déconcentration et de compétitivité entre territoires, la démocratie locale doit s’imposer aujourd’hui comme un choix incontournable. La gouvernance régionale est à présent l’unique moyen d’exercer une véritable démocratie locale pour la bonne raison que son rôle consiste à apporter des réponses concrètes aux problèmes de développement humain sur le long terme. Le choix de la régionalisation est une pièce maîtresse dans la politique de décentralisation. Elle repose sur la problématique de la bonne gouvernance régionale sans laquelle on ne pourrait envisager un réel développement économique. Il s’agit, autrement dit, de la nécessité de concilier le renforcement de la régionalisation et la sauvegarde des équilibres établis du national.
Cet état de fait exige l’ouverture d’un débat national permanent pour une prise de conscience de l’enjeu économique qui résulte de la régionalisation, un débat qui doit déboucher sur une redéfinition du rôle de la Région, de son type et de son mode de gouvernance.
Nous devons mettre en évidence la nécessité d’une prise de conscience des divers opérateurs de notre pays, de l’enjeu de la région et de la gouvernance régionale dans un monde qui penche sérieusement vers une globalisation des échanges et aussi vers une émergence de la nouvelle économie.
Vu les bouleversements rapides que connaît le monde actuel, notre pays doit s’engager résolument et rapidement dans une vision stratégique de régionalisation et de décentralisation qui doit comprendre:
- un découpage régional sur des bases objectives tenant compte du poids de l’histoire et de la langue et des contraintes socio-économiques imposées par l’environnement national et international.
- la mise en place d’un type de gouvernance régionale basé sur la légitimité démocratique, la décentralisation des décisions et des responsabilités.
- une organisation sous forme de partenariat multiple : local/régional, public/privé.
Cette vision doit intégrer aussi le mode de conception et de réalisation des politiques ; elle doit être basée sur le développement des ressources humaines, la réalisation d’infrastructures dans le but d’attirer les investisseurs dans ces régions et enfin sur la nouvelle économie de savoir intégrant enseignement supérieur dans un processus d’innovation et de créativité en phase avec l’évolution mondiale actuelle.

Enjeu spécifique

Le Maroc s’est engagé depuis plusieurs années dans un processus de développement décentralisé. Il a institué, après la longue expérience des communes, la Région comme une entité territoriale devant, à son tour, dynamiser les mécanismes du développement économique, social et culturel du pays.  
Ce choix de la décentralisation et de la régionalisation, est à renforcer. Il est le plus susceptible de réussir la meilleure intégration dans l’environnement concurrentiel mondialisé. Car, en effet, l’ancrage au local et au territoire garantit la maîtrise des performances et leur consolidation et permet, par conséquent, de conquérir les marchés et d’améliorer la compétitivité.
C’est ainsi que les entités déconcentrées et décentralisées créent, par leur action concurrente et stimulante, les conditions d’un nouveau développement. Il est nécessaire, dans cette optique, que la décentralisation politique et administrative soit accompagnée d’une décentralisation économique.
Celle-ci doit libérer les énergies, ouvrir de nouveaux espaces de liberté et de responsabilité. Ceci se confirme et se reflète sur le fonctionnement des entreprises. En dépit de la mondialisation, le territoire d’exercice des entreprises, quelle que soit leur taille, devient un champ incontournable dans la recherche d’une meilleure compétitivité. Dans ces conditions, les caractéristiques (spécificités et ressources) locales de l’espace d’appartenance et d’ancrage des entreprises acquièrent une importance encore plus grande aux yeux de tous les acteurs.
Quant aux PME, puisque, dans un contexte comme celui du Maroc, c’est de celles-ci qu’il s’agit en premier lieu, celles-ci sont un des principaux leviers du progrès et de la croissance. Le vrai tissu actif est en fait celui des PME. Elles ont une logique territoriale et appartiennent à un réseau de nature territoriale. Elles appartiennent au territoire qui les font agir.
La Région devient, ainsi pour les PME, un espace de solidarité capable de générer des ressources spécifiques. Celle-ci, en tant que collectivité locale décentralisée, ne peut, dans ce domaine, jouer ce rôle que si elle cherche à mobiliser les énergies locales et leur permettre de travailler dans un cadre de cohérence et de coordination et de synergie. Le climat ambiant favorable au développement économique ne peut être acquis qu’à cette condition.

Des expériences qui confirment la pertinence des dimensions territoriales au niveau de la création d’entreprise

Les expériences dans plusieurs pays (France, Allemagne, Espagne, Italie, USA, Canada,…) confirment la pertinence des dimensions territoriales au niveau de la création d’entreprise et dans les capacités d’innovation, d’adaptation et d’évolution des entreprises.
En effet, le dynamisme des entreprises tire son origine des processus d’apprentissage qu’elles mettent en œuvre dans leurs relations avec les territoires. Ces derniers, dans leur fonction dynamisante, se construisent par interactions avec le monde des entrepreneurs (reconnaissance, réciprocité, coopération, partenariat, innovations, échanges d’information, diffusion, etc.). Il s’agit à la fois d’une accumulation de savoir-faire et de savoir-être. Tout territoire est histoire et mémoire. Il devient ainsi un creuset de croyances partagées entre les multiples acteurs impliqués (entreprises, PME, collectivités locales, organismes de financement, universités, associations, etc.). Le voisinage se reconnaît dans la reconnaissance, c’est la mesure de la distance et de la légitimité territoriale.
Ainsi, les territoires qui réussissent sont ceux qui se construisent par des réseaux d’échanges permanents favorisant des modes de coordination autour de valeurs communes. La recherche de ce sens commun local devient capitale. Car les agents économiques ont besoin de repères cognitifs collectifs mobilisateurs. L’émergence de ces systèmes de représentation présuppose la communication interculturelle, des relations horizontales et des approches transversales et concrètes. Reconnaissance et écoute obligent. Ce n’est qu’à ces conditions que se construisent des sites et gestes des acteurs et fonctionnent comme des moteurs de cohésion territoriale.
Les institutions locales, dont notamment la Région, deviennent des dépositaires de cette identité collective. Celle-ci ne peut se construire que si l’on privilégie l’action solidaire impliquant l’ensemble des acteurs territoriaux. Ces derniers doivent opérer, à leur échelle, par des compromis entre le développement et la solidarité.
Sous d’autres cieux, cette démarche s’est concrétisée par des  recompositions des territoires locaux et la mise en place des Systèmes Productifs Localisés (SPL). Il s’agit, en fait, des stratégies régionales qui se sont déployées en France, en Italie et ailleurs et qui se sont appuyées, pour dynamiser les Régions, sur les principes  suivants :
-    un territoire peut s’inscrire dans une logique de développement s’il présente les propriétés d’un milieu économique dynamique et innovant ;
- l’innovateur est l’acteur inséré dans son milieu ;
- la culture partagée des différents acteurs les renforce dans une dynamique d’aller de l’avant de façon soudée ;
- l’innovation est le résultat d’un processus qui s’intègre dans le patrimoine commun ;
- l’innovation, à elle seule, n’est pas suffisante pour garantir le développement endogène d’un territoire. Celui-ci doit pouvoir s’adapter aux mutations de l’environnement économique ;
- l’adaptation peut être mesurée par la solidarité spatiale qui peut être évaluée par plusieurs paramètres tels que :
- la densité relationnelle du milieu ;
- sa trajectoire historique ;
- et son degré d’ouverture sur l’extérieur ;
- si le territoire est en mesure d’innover et de s’adapter, il doit également posséder une capacité de régulation.
Le territoire est, dans cette perspective, le lieu où s’organisent les relations entre acteurs. Il est le point de rencontre entre les formes de marché et de régulation sociale. Les processus de changement ne dépendent pas seulement des contraintes accumulées du passé, mais aussi de la construction sur le long terme des anticipations des agents. S’il y a une anticipation à construire, c’est justement cette construction sociale des marchés qui est l’un des processus à même de produire des formes localisées d’organisation productive.
La question qui se pose est celle du secret de ces « alchimies » entre les territoires et les acteurs économiques notamment les PME. L’approche ouverte sur la diversité des pratiques innovantes locales nécessite une intervention efficace d’acteurs publics et d’institutions aux côtés d’acteurs privés. Cette exigence réclame de nouvelles capacités de la part des coordinateurs administratifs localisés. Les compétences sont les seules, aujourd’hui, capables d’inventer des approches inédites pour obtenir la participation effective de toutes les parties prenantes. Il est important d’amener les institutions publiques locales à réagir et à exercer leur fonction incitatrice. Sans marquer trop de retard par rapport aux événements. Rien ne peut se faire sans des coordinateurs de tous ordres, formés à ce type de mission et impliqués à la fois dans le local et le global. Ces compétences, qui s’inscrivent dans cette nouvelle tendance et cette nouvelle manière de gouverner et d’élaborer des choix avec leurs partenaires locaux, doivent également bénéficier d’un environnement institutionnel de soutien, d’une flexibilité sur le plan financier et d’une liberté d’initiative budgétaire.

Ressources humaines qualifiées et NTI sont plus qu’indispensables pour
les différentes régions territoriales

 Par ailleurs, il est aujourd’hui attesté que les télécommunications peuvent jouer un rôle prépondérant dans l’intégration spatiale des économies. Elles influent sur la vie relationnelle des espaces, et par conséquent, sur l’intégration et le développement régional. Les moyens de télécommunication sont l’une des conditions indispensables à l’aménagement du territoire. L’uniformisation au niveau d’équipement en termes de télécommunication ne peut qu’atténuer les disparités régionales. Les réseaux constitués sont à même de permettre aux acteurs publics locaux de faire jouer synergies et complémentarités en tissant des relations partenariales (les territoires câblés).
Ces deux exigences (ressources humaines qualifiées et NTI) sont considérées aujourd’hui plus qu’indispensables pour les différentes régions territoriales car le monde globalisé est, en fait, une mosaïque composée d’une multitude de régions et de localités qui ne sont pas, loin s’en faut, nécessairement équivalents. La ‘’glocalisation’’, néologisme qui désigne l’articulation accrue des territoires locaux à l’économie mondiale, souligne la persistance d’une inscription spatiale des phénomènes économiques, sociaux et culturels. Les territoires et leurs spécificités deviennent ainsi les sources d’avantages concurrentiels.
 
* Prochain article :”La région, centre d’impulsion du développement local” par Mekki Zouaoui


Séminaire

Les 28 et 29 juin 2002, la section de Rabat de l’Association ‘’Club Convergence 21’’ avait organisé, à Rabat au siège de la MAP, en partenariat avec la Région de RSZZ, un séminaire international sur « la régionalisation et le développement». Le séminaire s’est démarqué par la diversité de ses intervenants et de ses participants nationaux et internationaux : chercheurs, décideurs, dirigeants politiques, membres de la société civile, opérateurs économiques … Ce séminaire avait connu un vif succès et une affluence considérable de par l’importance du sujet et aussi par  l’envergure de ses intervenants.
Les participants à la rencontre avaient débattu essentiellement « des rôles des acteurs institutionnels et économiques dans le développement des régions ».
Etant donné l’actualité du sujet avec le lancement des travaux de la Commission sur la régionalisation, Libération propose à ces lecteurs une partie des communications orales inédites qui avaient été présentées dans le cadre de ce séminaire.


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