Rôles des acteurs institutionnels et économiques dans le développement des régions : Dans quelle mesure la régionalisation est-elle possible ?


Par Driss Benali
Jeudi 21 Janvier 2010

Le Maroc est un vieux peuple mais une jeune nation. C'est un vieux peuple qui existe depuis les Idrissides, mais c'est une jeune nation dans ce sens que la centralisation est un phénomène récent qui date de la colonisation. La centralisation ne s'est faite qu'au 20ème siècle, conséquence que la décentralisation est aussi très récente.
Par ailleurs, nous avons hérité de la période coloniale française avec tout ce que cela comporte comme prise de décisions. L'héritage colonial français a montré son efficacité au départ.
Quand on voit l'infrastructure marocaine en l'espace de 40 ans, on constate que le Maroc a pu développer une infrastructure exceptionnelle. L'héritage commun n'a pas été négatif et ce n'est pas parce qu'aujourd'hui on parle de régionalisation qu'il faut jeter le central aux orties.
J'ai quelques éléments à présenter avant de donner un point de vue sur ce qu'est la régionalisation. On a tendance à croire que la régionalisation et la mondialisation risquent de ne pas faire bon ménage. Or, ce que l'on constate c'est qu'avec la mondialisation, le recul de l'Etat aide parfois la région à devenir beaucoup plus flexible pour intégrer la mondialisation. On l'a vu dans plusieurs pays (décentralisés ou pas), la Chine par exemple où l'on remarque aisément que la région de Shanghai est fortement développée par rapport au reste. Cette région a plus intégré la mondialisation.
On peut le dire aussi à propos de plusieurs pays. L'éclatement de la Yougoslavie est dû au fait que la Slovénie et la Croatie ont été fortement poussées par les Allemands qui ont tout de suite demandé la scission par rapport au reste ; les inégalités sont possibles et la régionalisation quand une nation n'est pas encore fort intégrée peut déboucher sur cet aspect du sujet.
Pour ce qui est de la gouvernance, gérer c'est la capacité de prendre un certain nombre de mesures au jour le jour pour gérer une situation et gouverner c'est la capacité d'agir sur les structures pour l'échange. De ce point de vue, la région joue un grand rôle en ce sens qu'elle a plus de flexibilité et de chance de réussir que l'Etat-nation. L'Etat-nation a des pesanteurs qui le rendent peu apte à jouer un rôle dans la gouvernance. Il ne s'agit pas seulement de prendre des décisions sur les structures mais de les prendre au moment opportun. Ce qui fait que la régionalisation est beaucoup plus appropriée pour ce genre de décisions.   

Dans quelle mesure la régionalisation est possible, quelle régionalisation pour l'avenir ?

D'abord, il y a un besoin d'une élite locale forte, avec de grandes personnalités et un grand leadership. Ce n'est pas l'élite makhzénienne domestique qui peut faire évoluer une régionalisation. Il faut bien entendu que celle-ci abandonne certaines de ses prérogatives et accepte la mondialisation dans le sens de laisser une élite s'affirmer, s'autonomiser,  prendre des décisions. Les Cheikhs, eux, constituent une élite locale mais ce n'est pas une élite de modernité en ce sens que son rôle fondamental est de maintenir un statut.
Par ailleurs, il faut que la régionalisation constitue un leadership fort, mais aussi un pouvoir réel. La régionalisation ne se décrète pas. C'est une chose qui doit émaner de la société, émaner d'en bas. L'élite et le contre-pouvoir font l'efficacité des décisions. En l'absence de contre pouvoir, il ne faut pas croire que la démocratie pourra résoudre tous les problèmes. Elle peut exister mais elle est très inefficace d'un point de vue décisionnel.
Un pouvoir et un contre-pouvoir réel sont nécessaires pour la réussite démocratique le contre-pouvoir réel doit s'exprimer à travers un certain nombre de comportements, reposant sur trois éléments essentiels : Ressources, hommes et institutions. Avec la mondialisation, le savoir fait la force. La détermination des ressources doit être claire pour permettre à la région de s'affirmer.
La culture partenariale est un élément essentiel («fini le temps des militants, c'est celui des partenaires»). Celle-ci repose sur une capacité et une maîtrise communicative importante qui exige de la pratique. Il faut donc doter l'individu d'informations, de connaissances de manière à ce que des décisions puissent être prises.
L'autre élément, c'est la spécialisation de la région, autrement  une région  n'est efficiente qu'à partir du moment où elle se spécialise. Cette spécialisation n'est pas seulement nationale, mais aussi internationale. En jouant sur ces avantages comparatifs « rôles définis », la région est plus apte à s'adapter à la mondialisation que la nation du point de vue économique, et ceci grâce à sa flexibilité.
Créer des centres et des pôles de développement pour pouvoir fournir un espace économique dynamique (ex. : Silicon Valley, Californie, premier Etat économique des USA, montre la capacité des décideurs à anticiper le développement économique et à se doter des structures capables de l'aider).
Renforcer les capacités managériales de la région qui ne peut exister que si elle dispose d'une gestion digne de ce nom lui permettant de jouer son rôle.
La région peut être un meilleur moyen pour gérer les conflits et économiser certains coûts sociaux, en permettant une meilleure allocation de ressources et aussi une meilleure démocratie. La région permet de mieux gérer les conflits de manière civilisée. Ces conflits font partie d'une collectivité.  La régionalisation permet de faire l'économie de gaspillage de coûts sociaux générés par le conflit entre un Etat fortement centralisé et certaines régions.  


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