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Retrait du Mediator du marché marocain : La fin ou le commencement d’une polémique ?


Hassan Bentaleb
Lundi 20 Décembre 2010

Retrait du Mediator du marché marocain : La fin ou le commencement d’une polémique ?
Au Maroc, le débat autour du Mediator, médicament composé de Benfluorex, indiqué comme adjuvant pour les patients en surpoids atteints de diabète de type 2,  n’a pas eu lieu et son retrait du marché est passé presque inaperçu.  Le communiqué du ministère de la Santé, datant du 25 novembre dernier, informant du retrait immédiat de l’autorisation de commercialisation de ce médicament n’a fait la une que de quelques journaux, sans plus.
Pourtant, il s’agit bel et bien d’une question de santé publique. Le Mediator aurait causé en France le décès de près de 500 personnes au minimum des suites d’atteintes cardiaques graves (des valvulopathies) et l’hospitalisation de quelque 3.500 personnes pour des lésions cardiaques. Mais qu’en est-il au Maroc ? Y a-t-il eu des décès ? Pourquoi les autorités sanitaires marocaines ont-elles aligné leur position sur celle de la France et ont tardé à retirer ce médicament du marché alors que ses effets indésirables étaient connus depuis fort longtemps ? Qu’en est-il de notre système de surveillance et de contrôle des médicaments ?
Pour le département de la Santé, le Médiator n’est plus commercialisé sur le marché national depuis décembre 2009. Cette décision a été prise suite à une évaluation  en 2009 du rapport bénéfice-risque de la spécialité pharmaceutique à base du principe actif Benfluorex, commercialisée sous la dénomination Mediator et après la consultation de la Commission nationale consultative de pharmaco-toxico-réacto-matériovigilance et des essais thérapeutiques, et suite au signalement  au niveau international du risque avéré de maladie cardiaque de type valvulopathie chez des personnes traitées par cette spécialité pharmaceutique, et du jugement défavorable de la balance bénéfice-risque  de ladite spécialité dans l’indication validée au niveau de l’AMM « traitement adjuvant au régime adapté chez les diabétiques en surpoids».
Le ministère de la Santé a précisé qu’une large campagne d’information a été menée auprès des professionnels de santé, dont les prescripteurs des secteurs public et privé. Une information largement démentie par des pharmaciens et des médecins interrogés, car s’il est vrai que l’alerte concernant le Mediator a été donnée suite aux recommandations de l’OMS en 2009 et qu’une commission nationale composée de spécialistes et d’experts marocains a décidé le retrait du Médiator du marché marocain, il s’avère que ladite campagne d’information n’a pas eu lieu, puisque depuis 2009 et jusqu’à l’interdiction totale de ce médicament, le Mediator a continué à être commercialisé sur le marché national, même en quantités limitées alors que ses dangers présumés étaient méconnus par plusieurs professionnels de  santé.
« On n’a rien reçu, ni un bulletin ni un message de qui ce soit. Ni du ministère de la Santé ni de l’Ordre des pharmaciens, encore moins de syndicat. On a continué à faire des commandes de Mediator comme c’est souvent le cas et à chaque fois on reçoit des réponses négatives, mais personne ne nous a informés que ce dernier a été interdit pour ses effets indésirables. Je crois que seuls les grossistes et les laboratoires étaient au courant», nous a certifié Mohamed Meftah, pharmacien casablancais. Des propos confirmés par une autre pharmacienne casablancaise : « On avait eu des informations que ce médicament a été retiré de la commercialisation, mais ces informations ne datent que de quelques mois et en plus on ne savait pas pourquoi jusqu’à l’éclatement du débat sur ce médicament en France ».
De leur côté, plusieurs médecins en cardiologie et en diabète nous ont témoigné également qu’ils n’ont été jamais informés par les services du ministère de la Santé sur les effets indésirables de ce médicament.  « Personne ne m’a informé. Et la fameuse campagne d’information, c’est la première fois dont j’ai entendu parler».        
Mais pourquoi le Maroc a-t-il tardé à retirer ce médicament du marché national et a-t-il aligné sa position sur celle de la France alors que des documents datant d’entre 1997 et 2009 émanant de l'Agence du médicament traitant du Mediator, ont confirmé que leurs demandes régulières des enquêtes ou des compléments d'information sur le Mediator sont restées sans suite et que le Benfluorex (nom chimique du Mediator) a fait l'objet d'une enquête «officieuse» dès 1995 en raison de parenté structurale avec les anorexigènes amphétaminiques qui sont tous ou presque désormais interdits, mais que tout traîne en longueur. Pourquoi donc le Médiator  est-il maintenu contre vents et marées ?
Une autre question et non des  moindres : y a-t-il eu des victimes du Mediator au Maroc ? Le Centre d’antipoison et de pharmacovigilance Maroc (CAPPM) persiste et signe : aucun cas de décès ou d’hospitalisation de personnes atteintes de lésions cardiaques n’a été identifié dans tout le pays. Même son de cloche du côté de certains cardiologues qui  nous ont affirmé qu’aucun cas n’a été signalé.
Pourtant, dès 1999, un premier cas de maladie cardiaque grave chez un patient prenant du Mediator a été signalé à Marseille et en 2003, un cas similaire en Espagne entraîne, en 2005, le retrait du médicament dans ce pays. En France,  une nouvelle étude, récemment réalisée par l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire  des produits de santé) sur une longue période, établissait le nombre de morts attribuables au Mediator  entre 1.000 et 2.000.
Mais, s’il n’y avait pas de décès, qu’en est-il du sort des patients qui prennent Mediator ? Le ministère a-t-il informé ces personnes de se rendre chez leur médecin ?  Ces malades doivent-ils arrêter définitivement d'en prendre? Y a-t-il, a priori, lieu de remplacer le Mediator par un autre médicament ?
Silence radio. Le communiqué du ministre de la Santé ne pipe mot. Contacté par nos soins à plusieurs reprises, le secrétariat de la Direction des médicaments et de la pharmacie nous a demandé une autorisation du ministre, mais  le téléphone de ce dernier était aux abonnés absents.
Sommes-nous à l’abri du danger ? Notre système de surveillance et de contrôle du marché du médicament est-il viable?
Au Maroc,  c’est la division de la Direction du médicament et de la pharmacie, au sein du ministère de la Santé, qui se charge de contrôler la mise au point et la qualité des médicaments. Elle a pour mission de contrôler les médicaments pour l’octroi des ADSP, d’enquêter sur les médicaments génériques, d’évaluer les dossiers pharmaceutiques, d’auditer le contrôle qualité dans les laboratoires pharmaceutiques, de participer aux inspections des officines, grossisteries et industries pharmaceutiques et aux contrôles inter-laboratoires organisés par le Conseil européen de la qualité du médicament ainsi que le suivi de la qualité des principes actifs et produits finis importés par une étude systématique des bulletins d’analyses. Elle est composée de 22 pharmaciens, 38 docteurs scientifiques, 20 préparateurs en pharmacie et 4 techniciens de laboratoire.
A côté de cette direction, il y a également le Centre antipoison et de pharmacovigilance Maroc qui garantit a posteriori la sécurité d’emploi des médicaments. Son travail se concentre sur le signalement des effets indésirables par les professionnels de santé et les industriels.
Les professionnels de santé indiquent les effets indésirables aux  centres régionaux de pharmacovigilance, situés dans des structures hospitalières, et qui ont chacun leur propre compétence géographique. Les évènements sont évalués et enregistrés, puis transmis au centre.
Pourtant, des questions demeurent : Ces établissements disposent-ils d’infrastructures scientifiques nécessaires ? Ont-ils les moyens financiers pour mener à bien leur mission ? Disposent-ils de cadres bien formés et de  ressources adéquates ? Bénéficient-ils de soutien politique ? Sont-ils à l’abri des influences des laboratoires ? Sont-ils  protégés contre les enjeux économiques et financiers très importants que représente ce secteur ? Quelle que soit la réponse, il faut savoir que le risque zéro n’existe pas, même dans les pays les plus développés. Les scandales concernant le contrôle des médicaments sont récurrents et les exemples, la thalidomide en Amérique du Sud et dernièrement Mediator en  France,  sont plus qu’édifiants.
Il  reste que la gestion des risques associés à l’utilisation des médicaments nécessite, selon l’Organisation mondiale de la santé, « une collaboration étroite et efficace entre les principaux acteurs intervenant dans ce domaine ». Les administrations de  santé, les responsables des politiques de santé, les politiciens, les professionnels de santé et le public sont appelés à  unir leurs efforts pour anticiper et décrypter les dérives sans cesse croissantes et récurrentes.  

Le Mediator en bref

Le Mediator est initialement classifié et prescrit en tant qu’hypolipidémiant. Son indication a été validée en 1987 en tant qu’adjuvant dans les régimes adaptés aux personnes avec des hypertriglycéridémies. Puis en 1990 est validée une nouvelle indication en diabétologie: «Adjuvant au régime adapté pour les personnes diabétiques en surcharge pondérale». En 1998, le laboratoire a sollicité auprès de l’Afssaps une nouvelle indication thérapeutique dans le traitement du diabète de type 2 en première ligne. Cette indication n’avait alors pas été accordée, pour insuffisance de données d’efficacité, notamment par rapport à d’autres traitements antidiabétiques oraux de type 2 comme la metformine. La démarche de réévaluation des études d’efficacité a alors été poursuivie et a conduit en 2007 à retirer l’indication comme adjuvant au régime dans les hypertriglycéridémies, sur la base d’une nouvelle étude effectuée dans l’intervalle. En 2009, une nouvelle étude visait à rechercher les potentiels effets pouvant conduire à des hypertensions artérielles pulmonaires et des fuites valvulaires cardiaques. Ce sont les résultats de cette étude qui ont contribué à la décision de retrait du marché de ces spécialités en novembre 2009.

L’exemple de la thalidomide

La thalidomide, apparue en 1957, était largement prescrite en tant que remède prétendument inoffensif contre les nausées et vomissements matinaux incoercibles de la grossesse. Son utilisation devait cependant être rapidement associée à une anomalie congénitale entraînant de graves malformations à la naissance chez les enfants de femmes ayant pris ce médicament pendant leur grossesse. En 1965, la thalidomide avait été retirée du marché dans la plupart des pays. Elle continua néanmoins à être utilisée pour le traitement de la lèpre et, plus récemment, ses indications furent étendues à un éventail beaucoup plus large de pathologies. Ces utilisations ne sont autorisées que sous contrôle strict et avec l’avis d’un spécialiste. En dépit de ces précautions, entre 1969 et 1995, 34 cas d’embryopathie due à la thalidomide ont été enregistrés dans des zones d’endémie lépreuse d’Amérique du Sud dans le cadre de l’étude collective latino-américaine sur les malformations congénitales.



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