Pourquoi le débat sur l’ingérence est impossible en Algérie


Par Mohamed-Salah Benteboula - Géographe
Lundi 13 Février 2017

La publication d’un rapport déposé par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française,  en conclusion des travaux d’une mission d’information, constituée le 27 avril 2016, sur  la coopération européenne avec les pays du Maghreb, a fait l’objet, depuis quelques jours, d'un débat politique agité en Algérie. Ce rapport élaboré par des députés français  a été enregistré à la Présidence de l'Assemblée  nationale le 18 janvier 2017.
Ce document a pour but de comprendre les mutations survenues depuis 2011  dans la région, les enjeux auxquels le Maghreb est confronté, dans le domaine politique, économique et sécuritaire. Le rapport  ‘’vise à analyser sans indulgence la manière dont la France, avec l’Union européenne, a répondu au défi de l’irruption de cette nouvelle donne.’’
Il faut saluer le travail remarquable de l’Assemblée nationale française démocratiquement élue, qui rédige et publie des rapports éclairants, alors que les députés ou plutôt les dépités algériens préfèrent augmenter leurs primes de rendement  qu’augmenter leur rendement au travail.
La publication du rapport parlementaire a suscité des analyses et des commentaires dans les médias. Ce rapport  d’information examine notamment les dysfonctionnements du régime politique algérien. Des partis politiques  dits d’opposition dénoncent l’ingérence de la France dans les affaires intérieures du pays. Cette opposition confortablement  installée  en Occident est-elle crédible et capable de modifier le rapport de force politique en Algérie, en ayant l’outrecuidance de placer sur le même plan, le traitement des droits de l’Homme  en Algérie et en Occident ? L’opposition entre les deux thèmes, souveraineté algérienne et ingérence, est caricaturale en l’absence d’un Etat démocratique.
Depuis son indépendance, l’Algérie est membre des Nations Unies. Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) est la plus haute instance  en matière de relations internationales, n’en déplaise aux faux opposants algériens établis à l’étranger dont il faut rappeler que la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. De plus, l’article 31 de la Constitution algérienne souligne que ‘’l'Algérie œuvre au renforcement de la coopération internationale et au développement des relations amicales entre les Etats, sur la base de l'égalité, de l'intérêt mutuel et de la non-ingérence dans les affaires intérieures. Elle souscrit aux principes et objectifs de la Charte des Nations unies’’.
Il est utile de rappeler également  que l’article 2 de la Charte des Nations unies indique : ‘’Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII ’’.
Comment assurer  la prévention en cas d’ingérence ou  d’intervention extérieures dans les affaires internes du pays quand le régime politique algérien prépare  les ingrédients d’un chaos ? Selon  l’ONU, ‘‘la souveraineté ne peut plus être invoquée par l’Etat pour refuser toute ingérence extérieure; désormais, ce principe met à la charge de l’Etat la responsabilité d’assurer le bien-être de sa population.’’
Dans ce domaine, le rapport signale ‘’Le souhait affiché par l’Europe de mettre en place une zone de libre-échange avec son voisinage Sud ne se fera pas sans la consolidation de l’état de droit avec la reconnaissance d’une forme de liberté économique, ou encore le respect de la propriété privée.’’
En conclusion, le rapport a souligné l'importance des relations entre les deux pays dans le cadre de  la politique étrangère de l’Union européenne qui ‘’s’est accommodée d’un dialogue avec les régimes autoritaires au nom du principe de non-ingérence et de stabilité de son voisinage. Cet état de fait a changé à partir de 2011, et la politique européenne semble insister désormais davantage sur la conditionnalité.’’
Néanmoins, l’application du principe de conditionnalité doit ‘’accompagner les réformes entreprises dans chacun d’entre eux en matière d’ouverture politique ou de progression de l’Etat de droit’’.
Les questions de sécurité et de développement constituent un enjeu commun. Or, comment lutter contre le terrorisme en l’absence d’un Etat de droit? Qui est responsable de protéger les Algériens des violations flagrantes des droits de l’Homme?
Le destin de l’Algérie et de la France sont liés, ne serait-ce que par l’amplitude des relations entre les deux continents, la langue commune dont il faut rappeler que le français est l’une des deux langues de travail du secrétariat des Nations unies. Faute d’un vrai investissement intellectuel (linguistique notamment) au sein de l’Assemblée nationale populaire, ce document parlementaire a au moins le mérite de la clarté. Ce rapport parlementaire de 170 pages est absolument passionnant à lire.
Au gré des conflits qui secouent le Maghreb, l’idée d’ingérence doit être débattue en Algérie. Ne dit-on pas que ‘’l’idée dépend du nombre de ses partisans’’ ?


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