Plan de sauvegarde européen : Pour une Union économique cohérente et robuste


Par Jean-Jacques Rey *
Lundi 17 Mai 2010

Plan de sauvegarde européen : Pour une Union économique cohérente et robuste
Comme beaucoup d’Européens, je me suis réjoui des décisions prises pour calmer les turbulences financières qui n’ont cessé de s’aggraver au cours des semaines précédentes. Bravo aux chefs d’Etat et de gouvernement et aux ministres des Finances d’avoir pris la mesure de l’urgence et de l’ampleur de la situation, et d’avoir surmonté les difficultés et obstacles qui n’ont pas dû manquer au cours de leurs délibérations. Je me dissocie des grincheux et des sceptiques qui continuent à semer la méfiance, et salue au contraire la performance de cohésion accomplie.
Tout le monde convient que les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Pour moi, on a fait le premier tiers du travail, et encore, un petit tiers. Les deux autres tiers doivent permettre de donner toute sa cohérence à l’Union économique, et comportent un gigantesque programme fiscal et politique. Le week-end dernier, l’Union européenne, peut-être sans le vouloir, a mis fin à une union monétaire conçue avec le chacun pour soi dans le domaine économique et budgétaire, et est entrée dans un modèle de solidarité, non par philanthropie, mais par reconnaissance de son propre intérêt et de la réalité des faits.
Il est important de parfaire le premier tiers en expliquant clairement les fondements techniques et juridiques du nouveau mécanisme financier mis en place. Il est évident que les marchés testeront les décisions prises et que la confiance ne peut reposer que sur leur robustesse éprouvée.
Le deuxième tiers auquel il convient de s’atteler sans retard dans les intentions, sachant que la mise en œuvre devra être étalée dans le temps, consiste à doter l’Union des ressources propres qui la dispenseront, à l’avenir, du processus laborieux consistant à faire la collecte auprès des Etats membres, avec le concours incertain de tous les Parlements nationaux. L’Europe a suffisamment d’ambitions, pour elle-même et dans le monde, pour que ses citoyens y contribuent en même temps qu’ils en tirent profit. Point n’est besoin, pour cela, d’aggraver la pression fiscale globale : on doit pouvoir identifier, dans les masses de recettes et dépenses consolidées de l’ensemble de l’Union, celles qui, moyennant les harmonisations indispensables, devraient logiquement relever de la responsabilité de l’Union, et celles qui, logiquement, devraient rester l’apanage des Etats. Le transfert pourrait être étalé sur une période de dix ans, voire davantage, comme l’étaient à l’origine les droits de douane (mais dans leur cas, voués à la diminution ou la disparition). S’il faut un plafond aux ressources transférées à l’Union, il devrait être plus proche de 5 % que de 1 %. Sur ce socle pourrait être reconstruite une stricte discipline budgétaire des Etats, sans doute plus crédible que le Pacte actuel de stabilité et de croissance.
Le troisième tiers manquant est le processus politique permettant de mettre en œuvre la totalité de ce programme et de ses conséquences en conformité avec les exigences démocratiques qui ne peuvent s’accommoder du droit de veto, mais requièrent le contrôle sans faille du Parlement européen. L’autorité budgétaire européenne doit pouvoir s’exercer sans interférence des enjeux électoraux locaux ou nationaux dans un Etat membre, plaçant les responsables en insupportable conflit de loyauté. Est-ce alors l’union politique ? Sans doute encore un peu plus que ce n’est déjà le cas, mais l’Union conserve son caractère sui generis qui autorise une grande variété de qualifications terminologiques. Faut-il revoir encore le Traité de Lisbonne et rouvrir ce processus diabolique ? Sans doute oui, mais la gravité des événements récents devrait conduire à penser l’impensable.
J’ai encore deux interrogations à ce sujet : un tel programme est-il pour l’Union ou pour la zone euro? Ma nette préférence va à l’Union, qui doit accepter une forme de responsabilité à l’égard de l’euro, même lorsqu’une autre monnaie y conserve le cours légal. Le Conseil européen est-il prêt à ratifier le modèle d’une union économique et monétaire solidaire ou faut-il craindre, comme on le craint encore pour la crise financière de 2008, que les résolutions prises pour changer le modèle ne s’effritent à l’usure, et, dans le cas particulier, que les champions du chacun pour soi budgétaire ne retrouvent le haut du pavé ? Attention à revenir à la case départ.

* Directeur honoraire de la Banque nationale de Belgique



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