Parole aux artistes Mohamed Choubi : La mission première de l’art, c’est d’élever le goût de tout un peuple !


Propos recueillis par Mustapha Elouizi
Jeudi 17 Mai 2018

Parole aux artistes Mohamed Choubi : La mission première de l’art, c’est d’élever le goût de tout un peuple !
Il est très important d’ouvrir grandes les portes de la contribution
aux artistes, en leur permettant de s’exprimer sur des questions
d’ordre public ! Leur regard est certes singulier et leur manière
d’évaluer est libérée des a priori, en général, ce qui donne à leurs
propos une valeur essentielle à la critique publique.
Mohamed Choubi est parmi les comédiens et artistes qui ont un
franc parler qui dérange ou importune. Cela lui cause des ennuis
professionnels et personnels, mais il est convaincu que c’est là
sa mission et son rôle.


Libé : Quel rôle jouent les arts dans les sociétés actuelles?
Mohamed Choubi : Il est certain que l’art peut jouer un rôle dans le développement d’un peuple. Aussi forte que soit l’avancée technologique, technique, et économique, la donne culturelle et artistique semble incontournable pour refonder une société équilibrée. L’art a une mission primordiale, à savoir l’élévation du goût public, pour que les autres choses de la vie se réalisent d’abord dans les règles de l’art, comme on dit. Puis, il est nécessaire d’éduquer la société, à travers ses institutions de socialisation, notamment l’école et la famille. Malheureusement chez nous, les arts et les artistes ne sont pas une priorité pour les décideurs, c’est un simple passe-temps et une occupation récréative. L’on n’est pas encore convaincu qu’il y a lieu de nourrir un peuple de culture et d’art, en parallèle de ses besoins élémentaires.
Je travaille sur tous les genres dramatiques et créatifs dont j’ai appris les bases à l’ISADAC et lors de la période du théâtre amateur qui est une vraie école pour tous les comédiens et acteurs.
J’ai ainsi été initié à la personnification à la brechtienne (démarche artistique qui s’engage à laisser le comédien personnifier un personnage et un rôle avec lequel il tient beaucoup de distance), et à la stanislavski, qui repose notamment sur cette unification entre le comédien et le personnage. Deux démarches, deux écoles qui s’imposent, jusqu’ici dans tous les genres de théâtre et de cinéma dans le monde.

Quels sont les changements survenus sur le champ artistique marocain?
Au fil du temps, l’on a vécu au rythme d’un changement dramatique. Un changement de méthode, de fond et de conception. Pour le champ artistique marocain, il est nécessaire de dire qu’il a été largement biaisé par les pratiques quelque peu mercantilistes des producteurs. Que ce soit au cinéma, à la télévision, l’on se trouve assez loin des périodes précédentes. Les salles de cinéma ne sont plus ce qu’elles étaient, puisqu’elles sont devenues tel un café où l’on regarde nonchalant des sitcoms et des sketchs. L’on est plutôt loin des films de cinéma où l’on trouve un certain regard, une manière de voir ! L’on banalise tout un champ, au grand dam des arts et des artistes, mais au profit bien évidemment des mercantilistes, lesquels trouvent une occasion pour se remplir les poches. Si nos villes ont été ruralisées, le champ de la création a été biaisé !

Qu’est-ce qui préoccupe le champ artistique marocain ?
L’art engagé est juste un rêve, sinon une chimère pour les générations présentes et futures. A part une poignée de films et de pièces de théâtre respectueux des normes et des standards artistiques, le reste est un grand marché étalant notamment des produits de toutes sortes, sauf les œuvres artistiques. Après la politique, le populisme a également gagné du terrain dans le domaine artistique.  On dirait que c’est la devise actuelle incontournable pour passer, se faire accepter chez les responsables et se faire apprécier. L’on crée un goût de très mauvais aloi, un goût amer, qui ne tend plus à l’élévation subliminale des arts dramatiques.  Même les festivals et rencontres artistiques commencent à créer de toutes pièces des stars en papier … le biaisé, les artifices et l’inachevé. De même que les navets meublent l’espace public artistique et ponctuent les agendas, un peu partout… tout un parcours manque à ceux et celles qui veulent lutter pour des actions artistiques alternatives.

Repères

Natif de Marrakech, Mohamed Choubi est un comédien qui s’était initié aux arts dès 1977 dans le cadre des activités scolaires. Il avait par la suite rejoint le théâtre des amateurs, où il avait appris une multitude de techniques pendant une période de six ans. Avec cette expérience de jeune comédien, Choubi avait pensé que pour affiner son talent et son don, il devait passer par une institution académique ; c’est pourquoi, il avait rejoint l’Institut supérieur des arts dramatiques. Après des années de formation, il a été affecté au sein d’un établissement public, où il avait exercé pendant huit ans, mais son dévouement à l’art l’a poussé à démissionner et à se consacrer entièrement à son métier d’artiste aussi bien au théâtre qu’à la télévision et au cinéma.


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