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Parole aux artistes : Azzelarabe Alaoui Mharzi, l’art n’est pas uniquement un simple moyen pour distraire le “guerrier” en repos !


Propos recueillis par Mustapha Elouizi
Mardi 12 Juin 2018

Il est très important d’ouvrir grandes les portes de la contribution aux artistes en leur permettant de s’exprimer sur des questions d’ordre public.
Leur regard est certes singulier et leur manière d’évaluer est libérée des a priori, en général, ce qui donne  à leur propos  une valeur essentielle pour la critique publique.
Persévérant. C’est la qualité connue et  reconnue qui fait la différence chez Azzelarabe Alaoui Mharzi qui avait pourtant commencé sa vie
professionnelle par le journalisme. Mais son
penchant pour l’art, le cinéma en particulier, l’avait arraché momentanément à cette carrière médiatique. Izouran, Androman, et plusieurs films documentaires sont les œuvres d’un artiste
visionnaire, primé  dans plusieurs festivals
nationaux et internationaux. Entretien.


Libé : Quel rôle devrait jouer aujourd’hui l’artiste dans la vie publique?
A A. Mharzi : Pour vous répondre, il serait utile de distinguer la notion d’art chez le grand public et sa sémantique chez l’élite. Pour le grand public, l’art est synonyme de célébrité, abstraction faite de la nature et de la portée de cette renommée. Pour cette grande majorité, tous ceux qui sont célèbres sont des artistes, et ce n’est pas important qu’ils soient proches ou non des préoccupations du peuple. Leur réputation, ces gens-là la gagnent comme une chance en loterie.  L’artiste chez l’élite est tout autre. Il s’agit d’une personne responsable de la production d’idées et de la création de conceptions apportant une valeur ajoutée à l’existence et au monde de l’esthétique. Vu sous cet angle, l’artiste est un porte-parole au nom de tout ce qui est positif… c’est bel et bien l’artiste et l’intellectuel organique, selon les termes de Gramsci.

Les politiques publiques aident-elles les artistes  à saisir des opportunités en matière de création?
Il faut bien rappeler que l’artiste dans les sociétés tiers-mondistes, pays arabes compris, revêt surtout l’aspect d’un clown dont on a besoin, le temps d’une récréation.
Il est par conséquent éloigné et marginalisé des politiques publiques, n’étant pas utile ni prioritaire ! Au Maroc, les politiques publiques sont plutôt des politiques d’urgence sans stratégie globale et future… et du coup, elles ne peuvent pas donner jour à des opportunités en faveur des artistes ni leur permettre d’atteindre l’universalité, souffrante qu’elle est, à cause des planifications d’urgence !

Quels sont les moyens à même de transformer les espaces publics en endroits artistiques ?
Eriger les espaces publics en lieux artistiques est d’abord l’apanage de l’artiste ; l’initiative ne peut normalement émaner d’ailleurs.
Beaucoup d’idées et de conceptions ne demandent pas pour se concrétiser des fonds ni des coûts élevés pour diffuser les valeurs de  beauté, d’art et d’amour, ce qui est à même de combattre l’extrémisme et l’ignorance. Seul handicap : la bureaucratie et les idées réactionnaires prévalant dans plusieurs milieux.
Il suffit de constater le nombre de salles de cinéma fermées et les manœuvres de leurs propriétaires pour les démolir et ériger des immeubles et des complexes commerciaux à leur place, mais cela ne permet pas de contrer le grand danger qui nous menace ! Où en est l’Etat de cette situation absurde ? Pourquoi ne négocie-t-il pas pour récupérer ce patrimoine culturel et humain et le remettre en fonction ? La réponse est claire : l’art n’est pas une priorité… ce n’est qu’un moyen de distraire le guerrier en repos !

L’art au service de la société, mais aussi au service de la région. Que faites-vous pour faire connaître vos régions respectives ?
L’art est au service de la société, que ce  soit au niveau régional ou national. La délimitation régionale est soumise à la nature de la planification et la mise à disposition des moyens pour sa réalisation. L’art, aussi local soit-il, exprime une tendance universelle qui puise dans le fond philosophique humain  et est du coup au service de l’humanité entière, abstraction faite de la spécificité de la région. Pour ce qui est de ce rapport entre l’art et la région, il y a lieu de soulever cette nécessité de respecter certaines particularités locales à mettre en valeur et à faire parvenir aux échelles supérieures !

L’industrialisation de la culture sert-elle vraiment l’action artistique, ou au contraire, la réduit-elle à une marchandise consommable et éphémère ?
L’industrie culturelle et artistique comporte deux facettes : l’une en relation avec le développement, dans la mesure où l’on assiste à la naissance d’un mouvement culturel et artistique continu et à dimension publique manifeste… cela permet de créer un marché permanent à même de promouvoir les moyens techniques de travail pour donner jour à un produit artistique en peu de temps.
La deuxième facette, quant à elle, va dans le sens de la banalisation de l’art, et le produit artistique devient, par conséquent, une simple marchandise comme d’autres sans âme aucune, tout comme cette manie industrielle par exemple de dupliquer la toile de « La Joconde » dans les marchés chinois. L’on est persuadé que personne d’entre ces duplicateurs n’a vu l’original ni apprécié sa singularité !

De quelle nature est votre présence sur les réseaux sociaux  (personnelle, professionnelle, les deux …) ?
Ma présence sur les réseaux sociaux est davantage déclinée sous forme professionnelle. Mes pages connaissent désormais de plus en plus un flux non négligeable. Cela me permet de communiquer de manière fluide et rapide avec l’opinion publique, mais aussi de s’imposer, en tant qu’artiste, comme une force propositionnelle au sein de la société. Ces espaces sur les réseaux sociaux sont aussi une tribune pour informer le grand public des nouveautés professionnelles. Mais ma présence personnelle sur ces réseaux  est plutôt modeste.

Quel est votre dernier travail artistique ?
 « Kikilis, douar lboum » (Faubourg du hibou) est l’intitulé de mon dernier long-métrage qui tourne autour de la psychologie des gardiens des prisons  secrètes durant les années de plomb. Le film a été bien accueilli lors de sa dernière projection au Festival de Tanger, comme étape nécessaire. Je suis en phase de préparer sa diffusion dans sa version internationale aux festivals internationaux.

Comment réagissez-vous aux questions de l’opinion publique ?
Je suis toujours à l’écoute du pool de la société et notamment l’opinion publique cinématographique. Mon objectif premier est de tisser des liens avec mon entourage en vue de bien communiquer, mais aussi pour développer mes qualités et techniques artistiques, d’autant plus que je suis certain que l’artiste ne peut travailler en marge des opinions et critiques du public qui est le récepteur de toute œuvre créative et artistique.


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