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Nucléaire, Golfe : L'Iran semble jouer l'apaisement


Jeudi 27 Juin 2019

Téhéran semble jouer l'apaisement mercredi après une première réaction très ferme à l'annonce de sanctions américaines à caractère éminemment politique sur fond de tensions exacerbées dans le Golfe et sur la question nucléaire iranienne.
Le président Hassan Rohani s'est entretenu par téléphone avec son homologue français Emmanuel Macron et l'a assuré que son pays ne cherchait "la guerre avec aucun pays", pas même les Etats-Unis, selon l'agence officielle Irna. Sur la question de l'accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 à Vienne, et menacé depuis que les Etats-Unis en sont sortis unilatéralement en mai 2018, M. Rohani a cependant répété à M. Macron la déception des Iraniens face à ce que Téhéran estime être l'inaction des Européens.
Notant que l'adhésion de son pays à ce pacte "était conditionnée aux promesses européennes visant à assurer les intérêts économiques de l'Iran", écrit Irna, M. Rohani a averti que son pays serait amené à réduire davantage les engagements auxquels il a souscrit s'il "ne parvient pas à bénéficier" de l'accord. Ces propos contrastent avec le contenu d'une note rédigée par l'amiral Ali Shamkhani, secrétaire général du Conseil suprême de la sécurité nationale, publiée mardi par l'agence Fars, proche des ultraconservateurs. Dans ce document, l'officier écrit qu'il n'y a plus rien à attendre des Européens et que la République islamique appliquera "résolument" la deuxième phase de son "plan de réduction" de ses engagements en matière nucléaire dès le 7 juillet.
En d'autres termes, l'Iran recommencerait dès cette date à enrichir de l'uranium à un degré prohibé par l'accord de Vienne (la limite est fixée par ce texte à 3,67%) et relancerait son projet de construction d'un réacteur à eau lourde à Arak (centre), mis en sommeil. Les propos de M. Rohani laissent plutôt entendre qu'il reste du temps pour inverser le cours des choses. Par l'accord de Vienne, Téhéran s'est engagé à ne jamais chercher à se doter de l'arme atomique, et à limiter drastiquement son programme nucléaire en échange de la levée partielle des sanctions internationales qui asphyxiaient son économie.
Mais le président américain Donald Trump, qui accuse l'Iran de chercher à obtenir l'arme atomique et d'être responsable de tous les maux du Moyen-Orient, a engagé son pays dans une campagne de "pression maximale" sur la République islamique. Les sanctions extraterritoriales américaines réimposées depuis août 2018 contre Téhéran ont conduit les principaux clients de Téhéran à renoncer officiellement à lui acheter du brut et isolent l'Iran du système financier international, privant ainsi le pays des bénéfices qu'il attendait de l'accord de Vienne.
En réaction, Téhéran a annoncé le 8 mai qu'il cessait de se sentir tenu par deux seuils fixés par l'accord de Vienne concernant ses réserves d'uranium enrichi et d'eau lourde. Téhéran a également adressé un ultimatum jusqu'au 7 juillet aux autres Etats parties au pacte de Vienne (Allemagne, Chine, France, Grande-Bretagne et Russie) pour l'aider à contourner les sanctions américaines, faute de quoi l'Iran passerait à la deuxième phase de son "plan de réduction" de ses engagements.
Téhéran a déjà indiqué que ses réserves d'uranium (faiblement) enrichi devraient passer au-dessus de la limite des 300 kg jeudi. Cela risque d'amener l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à constater une violation iranienne alors que cette agence onusienne a jusqu'ici certifié que l'Iran respectait ses engagements pris à Vienne. Paris a jugé mardi qu'une "violation iranienne" du pacte serait "une grave erreur".
Les incertitudes autour de l'avenir de cet accord interviennent dans un contexte d'extrême tension entre Téhéran et Washington. Mardi, l'Iran a accusé les Etats-Unis d'avoir "fermé de façon permanente la voie de la diplomatie", au lendemain de l'annonce de nouvelles sanctions américaines.
La réaction de l'Iran est "insultante", a répliqué le président Trump. Les sanctions américaines de lundi, d'une portée essentiellement symbolique, visent le numéro un iranien Ali Khamenei tandis que le chef de la diplomatie Mohammad Javad Zarif, visage de la politique iranienne de détente voulue par M. Rohani, devrait être placé sur la liste des sanctions "cette semaine". Ces sanctions viennent s'ajouter à une spirale d'accusations et d'incidents, dont des attaques d'origine inconnue contre des pétroliers et la destruction le 20 juin d'un drone américain par l'Iran dans la région stratégique du Golfe.
Mardi, la Russie a dénoncé les nouvelles sanctions américaines comme "déstabilisatrices" et a dit disposer d'informations selon lesquelles le drone américain abattu se trouvait "dans l'espace aérien iranien", comme l'assure Téhéran. Washington affirme que l'incident a eu lieu dans l'espace aérien international. M. Trump a prévenu mardi que toute attaque iranienne contre des intérêts américains ferait l'objet de représailles "écrasantes". Selon Irna, M. Rohani a lui déclaré à M. Macron que Téhéran répondrait "avec détermination" si les Etats-Unis veulent pénétrer illégalement dans les eaux territoriales iraniennes".

Le brouillard de la guerre sur le net

Des responsables américains ont affirmé qu'une cyberattaque ordonnée par la Maison Blanche avait neutralisé des systèmes de lancement de missiles iraniens. Mais, comme toujours dans les cyberconflits, la réalité de ce qui s'est passé sera quasiment impossible à établir, préviennent des experts. Sous couvert de l'anonymat, des sources officielles ont assuré à des médias américains qu'une offensive lancée par le Cyber Command de l'US Army était parvenue à mettre hors service les systèmes informatiques de l'unité aérospatiale des Gardiens de la Révolution iraniens, chargée des tirs de roquettes et de missiles.
C'est une arme sol-air de cette unité qui a abattu, le 20 juin, un drone de surveillance de l'US Navy au-dessus de la mer d'Oman, contribuant à exacerber les tensions dans le Golfe. Téhéran, par la voix de son ministre des Télécommunications, Mohammad Javad Azari-Jahromi, s'est empressé d'affirmer "qu'aucune" cyberattaque de représailles n'avait "réussi, alors qu'ils (les Américains, NDLR) font beaucoup d'efforts en ce sens".
"Le problème, c'est que dans ce genre d'histoire, tout le monde bluffe", assure à l'AFP Julien Nocetti, de l'Institut français des relations internationales (Ifri). "C'est caractéristique en matière cyber: le flou est permanent". "Il ne faut pas dévoiler votre jeu. Si vous le faites, vous révélez vos capacités d'action et de renseignement. C'est un jeu de chat et de souris extrêmement subtil.
Ce n'est pas surprenant que les Iraniens affirment que cela a échoué. Nous n'avons aucun moyen de vérifier la véracité des dires de part et d'autre. C'est ce qui est déroutant", dit-il.

 


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