L’auteur est né en 1945. Il poursuivit ses études jusqu’à l’obtention d’un diplômes d’études
supérieur en littérature arabe, préparé au sujet du poète préislamique Taabbata Charrane. Après, il exerça le métier d’enseignant à la faculté des lettres et des sciences humaines de Rabat, avant d’être muté à celle d’Aïn Chok. Sa patience pour l’écriture
commença depuis qu’il comprit qu’écrire est une manière de s’affirmer. Ses premières nouvelles apparurent dans des
revues et journaux
nationaux, au début des années soixante-dix, du siècle précédent. Il
publia jusqu’à présent trois recueils de
nouvelles qui sont :
« Revoir les personnes chères» (1984).
«Ni vu ni connu (1987). «Le chasseur
d’autruches» (1993).
Mais nous aimions écouter plutôt la voix de Laâlami : nous avons ri lorsqu’il chanta la première fois :-«Vers mon pays bien aimé», à cause de la différence entre sa voix grossière et rauque et le souvenir qu’on avait de celle d’Om Kaltoum : aiguë et exceptionnelle -et précisément dans cette chanson-. Mais avec le temps, on aima sa voix. Peut-être même qu’on l’ait trouvée plus belle et plus profonde que celle d’Om Kaltoum. Sa voix rugueuse et rauque acquit avec le temps une douceur et une fraîcheur semblable aux larmes d’un lion. Peut-être parce que nous l’avions assez entendue. Ou peut-être parce qu’elle était chargée de sa nostalgie pour l’extérieur, pour la liberté et les parents … ou par notre nostalgie à nous.
Dans cette cellule étroite, j’étais devenu écrivain grâce à ce stylo que les camarades réussirent à obtenir pour envoyer secrètement une lettre aux élèves et les inciter à déclencher une grève générale jusqu’à notre libération…
Je me servis du même stylo pour écrire une petite histoire que je lus aux camarades qui me qualifièrent de petit bourgeois qui écrit des histoires d’amour au lieu de parler du peuple. Je cessai d’écrire, et oubliai cette histoire née morte. La voilà qui gisait là, sur une étagère en bois, coincée dans une cellule plus étroite que celle où elle fut écrite.
Je pris la nouvelle confiée à une vieille enveloppe scellée dont le dos porte la note suivante :-«L’oiseau est sur l’arbre, et rien entre les mains».
Je me rendis compte de l’étrangeté de ma position, et je me dis à moi-même : Je n’ai jamais vu quelqu’un plus fou que toi : tu t’assieds sur la selle des toilettes, tu étends les pieds sur un banc en bois, tu te sers un jus d’orange, et tu rumines le passé ? C’est curieux !Il me répondit : c’est toi la source de cette curiosité. Tu portes ta fin à ton insu. Comme j’étais au courant de l’histoire du journal Al Motalamiss-, j’ouvris l’enveloppe et lis ma nouvelle :
L’oiseau sur l’arbre et rien entre les mains.
1-
Mon père dit : il faut le laisser jouer jusqu’au matin.
Mon oncle dit : Mais il faut lui donner des figues, du pain et du beurre parce qu’il les aime.
Mon oncle maternel dit : exactement, et faire venir Zahra pour qu’elle joue avec lui. A ce moment-là, moi qui étais sujet de cette discussion, j’étais absorbé à tirer mon véhicule/jouet, vers la ville pour vendre les melons. J’entendais cependant ce qu’ils disaient en faisant semblant d’être pris par mon jeu. Pour donner plus de vraisemblance à ma comédie, je levais la voix, imitant le ronronnement du moteur, tout en imaginant que Zahra prenait place à côté de moi dans la cabine, en riant au point qu’on voyait sa dent cassée dont ma mère disait qu’elle fut ainsi à cause de la consommation du sucre. Ma mère plaisantait naturellement; car le sucre ne rongeait pas les dents des enfants. Ce sont plutôt les dents des enfants qui croquent le sucre …
Zahra disait qu’elle avait vu chez ses oncles des voitures fabriquées en bonbons dont ses cousins jouaient et qu’ils mangeaient une fois leur plaisir satisfait. En réalité, j’aimais les bonbons, ainsi que le pain et le beurre. Mais ce que j’aimais le plus, c’était jouer avec Zahra. C’est pour cela que je supprimai de ma mémoire mon père et mes oncles ; c’était des gens vieux et sévères, et il était impossible qu’ils disent ce que je les imaginais avoir dit. J’appelai Zahra. qui s’assit près de moi et fit sortir sa poupée. Elle me jeta un coup d’œil rapide, puis posa la poupée sur les melons dans la benne du camion et me dit :-«Fuyons ! Allons en ville !»
Je ris en remarquant qu’elle pensait dorénavant comme moi. On monta dans le véhicule et primes la direction de la ville, laissant derrière nous les adultes enveloppés dans la poussière.
A suivre