Négociations sur le climat : Les agriculteurs en première ligne


Dr. Mohammed-Saïd KARROUK
Lundi 6 Avril 2009

Négociations sur le climat : Les agriculteurs en première ligne
A l’occasion des négociations des Nations Unies en cours à Bonn et relatives à un accord international sur le changement climatique, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a exhorté récemment les décideurs à inclure l’agriculture dans les négociations en vue d’un nouveau traité appelé à remplacer le Protocole de Kyoto de 1997.
“Les terres agricoles sont en mesure de stocker et de piéger le carbone. Les agriculteurs qui vivent de la terre, en particulier dans les pays pauvres, devraient donc intervenir dans la fixation du carbone pour atténuer l’impact du changement climatique”, selon Alexander Mueller, sous-directeur général de la FAO.
L’agriculture est responsable d’environ 14% des émissions de gaz à effet de serre et de 17% des changements d’utilisation des terres comme la déforestation.
Si l’agriculture contribue aux émissions de gaz à effet de serre, les agriculteurs et leurs familles, plus particulièrement dans les pays pauvres, deviendront également victimes du changement climatique qui aggravera leurs conditions de vie ainsi que la faim et la malnutrition.
Les communautés rurales dépendantes de l’agriculture dans un environnement fragile seront confrontées à un risque immédiat et accru de pertes de récoltes et de bétail. Les plus vulnérables sont les populations vivant sur le littoral, dans les plaines inondables, en montagne, sur les terres arides et en Arctique, ajoute en substance M. Mueller.
“C’est la raison pour laquelle l’agriculture doit être insérée dans les négociations sur le changement climatique. Les mécanismes de financement existant dans le cadre du Protocole de Kyoto ne permettent de réaliser qu’une infime partie du potentiel de mitigation de l’agriculture. Ils ne sont donc pas suffisants”, souligne-t-il.
La production agricole et l’élevage rejettent dans l’atmosphère des gaz à effet de serre tels que le méthane émis par les bovins et les terres humides, en particulier les rizières, l’hémioxyde d’azote rejeté par les engrais, et le carbone imputable à la déforestation et à la dégradation des sols.
Ces deux derniers facteurs de changements d’utilisation des terres sont la conséquence dévastatrice de pratiques agricoles non durables et sont responsables de grandes quantités de rejets de carbone dans l’atmosphère qui contribuent au réchauffement de la planète.
Compte tenu de la demande accrue de nourriture et des modifications des régimes alimentaires, les émissions annuelles de gaz à effet de serre dues à l’agriculture devraient augmenter au cours des prochaines décennies.
“Cependant, des millions d’agriculteurs du monde entier pourraient aussi devenir des agents de changement en contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre”, selon M. Mueller.
En conservant davantage de carbone dans le sol - processus connu sous le nom de “fixation du carbone” - ils pourraient réduire les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, accroître la résilience du sol et augmenter les rendements agricoles.
La réduction du travail du sol, l’accroissement de la matière organique du sol, l’augmentation du couvert végétal, la meilleure gestion des pâturages, la restauration des terres dégradées, les plantations d’arbres, la modification des espèces fourragères et l’utilisation durable de la diversité zoogénétique, une utilisation plus efficace des engrais, l’amélioration de la gestion de l’eau et du riz, sont autant de possibilités qu’ont les agriculteurs pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre dans l’agriculture.
“Des investissements massifs dans l’agriculture sont nécessaires pour transformer les méthodes non durables de production, pour former les agriculteurs aux pratiques d’atténuation du changement climatique et pour améliorer l’accès global au crédit et à l’information”, selon M. Mueller.
“Ces investissements renforceront la résilience de l’agriculture face au changement climatique, tout en améliorant sa productivité et sa durabilité, contribuant ainsi à une meilleure sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté”, ajoute-t-il. “Les mécanismes actuels de financement, tels que le Mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto, sont inappropriés et n’offrent pas de leviers suffisants incitant les agriculteurs à s’impliquer dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.”
Par exemple, le piégeage du carbone dans le sol, qui permettrait de réaliser près de 90% du potentiel de mitigation de l’agriculture, sort du cadre du Mécanisme de développement propre. Cette exclusion ne profite certes guère à l’atténuation du changement climatique, à la sécurité alimentaire et au développement durable.
Les marchés du carbone offrant de fortes incitations aux fonds carbone publics et privés des pays développés pour acquérir des réductions d’émissions provenant de l’agriculture des pays en développement pourraient fournir d’importants investissements dans le développement rural et l’agriculture durable des pays en développement.
Des normes et labels de produits pourraient être développés pour certifier l’impact de mitigation des biens agricoles.

Professeur de Climatologie
Directeur Exécutif du Comité National IGBP (Global Change)
Université Hassan II, FLSH
Ben M’Sick
Centre de Recherche de Climatologie (CEREC)


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