Mohamed Bakanzize, directeur du Centre pédagogique d’information et d’aide à l’orientation de Chtouka-Aît Baha : “L’aide à l’orientation est devenue une discipline pédagogique à part entière”


ENTRETIEN REALISE PAR IDRISS OUCHAGOUR
Samedi 28 Mai 2011

Mohamed Bakanzize, directeur du Centre pédagogique d’information et d’aide à l’orientation de Chtouka-Aît Baha  : “L’aide à l’orientation est devenue une discipline pédagogique à part entière”
L’aide à l’orientation scolaire est devenue une discipline
incontournable pour la réussite des cursus scolaires et des
carrières
 professionnelles
des apprenants. 
Elle contribue
également, par la mise en place
d’une «interface»
de contact entre les élèves et le monde
du travail, à faciliter l’opération 
d’insertion
professionnelle
des lauréats
à travers les
repérages précoces des compétences
et leur recrutement,  directement à la fin des études. 
Le cas du CPIAO
de Biougra offre
 une expérience exemplaire en
la matière.
Dans l’interview
suivante, son
premier responsable met en relief
ces éléments.

Libé : Quels sont les principaux changements intervenus en matière d’orientation scolaire?

Mohamed Bakanzize: L’année 1987 a marqué un tournant  décisif entre deux modus operandi en termes d’orientation scolaire. Avant cette date, les écoles étaient dépourvues de conseillers en orientation. L’information ayant trait à cette matière se faisait rare,    voire inexistante.  Aussi, pour choisir une filière ou un nouveau cursus scolaire,  les apprenants n’ont pas de choix que de se rabattre sur les avis de leurs camarades ou  en appeler  aux suggestions de leurs parents et enseignants. Et ces «orientations» n’aboutissent pas souvent, ne reposant pas sur une approche appropriée. Ce n’est qu’après la date sus-citée,  que  la prise de conscience de l’importance  de la matière de conseil et d’aide à l’orientation  auprès des  apprenants   apparaît auprès des   décideurs.    Pour enfin doter tous les établissements scolaires d’un service compétent où exercent des conseillers agréés.  Aujourd’hui, on voit que toute l’information nécessaire à la conception des choix et à l’assistance  à la  prise des décisions   d’orientation,  est abondante à souhait et est mise à la disposition des élèves.    Bien plus, le plan d’urgence du MEN à travers son projet dit E3P7, vient  renforcer la généralisation de ses structures (dites espaces d’orientation) et leur dotation en éléments humains et matériels requis au bon fonctionnement.

Peut-on dire que l’orientation scolaire est devenue  une activité pédagogique à part entière ? 

Tout à fait.  Les exigences  de la   carte scolaire avaient longtemps pris le dessus dans les opérations d’orientation scolaire en imposant aussi les contingentements préfixés  des effectifs destinés aux filières existantes. Aujourd’hui,  tout procède d’une véritable approche pédagogique où le conseiller en orientation, soumis à une formation  continue,    constitue la pierre angulaire. L’action de l’orientation n’est plus une pratique ponctuelle limitée;  il s’agit là d’un processus d’accompagnement  selon une méthode qui fait preuve de pédagogie. Autant dire une discipline à part entière est née  à l’école.

Quels sont les critères sur lesquels les orientateurs fondent  leurs décisions?

C’est une opération qui prend conjointement en considération plusieurs paramètres telles la note et la moyenne de l’élève qui dénote déjà ses capacités à assimiler les contenus cognitifs reçus et leur  appropriation.  Bien sûr, l’élève est soumis à des tests et entretiens pour découvrir et dégager la réelle mesure de ses compétences et aptitudes. En plus,   chaque apprenant doit développer un projet personnel et professionnel pour faciliter son choix et son projet dans la vie. C’est donc après l’analyse pédagogique de la synthèse des résultats  acquis qu’on peut déterminer la trajectoire scolaire à conseiller à l’élève. Par ailleurs,  l’animation de tables rondes, les forums et autres portes ouvertes portant sur le thème de l’orientation sont organisés en faveur des apprenants,  en sus de l’animation quasi permanente des séances de consultations et concertations avec les élèves dans les écoles par nos  cadres.  Du reste, nous mettons les élèves,    directement via des forums,   où sont  invitées des entreprises et sociétés,    au contact avec le monde du travail et j’avoue que beaucoup d’entre eux sont embauchés de la sorte.  Je rappelle que le 1er palier d’orientation se situe à la 3ème année collégiale où s’offrent quatre choix au niveau du tronc commun. Le 2ème, au niveau du tronc commun permettant le choix de neuf branches et enfin à la 1ère année du Bac,  ou  un éventail de choix de 14 filières est proposé à l’élève.

Mais qu’est-ce qui fait qu’une orientation soit mauvaise et conduise vers l’échec scolaire?

C’est pertinent que de poser cette question. Il y a plusieurs facteurs  contribuant à l’échec de cette opération pédagogique, tels le manque d’information de l’élève ainsi que lorsqu’il est mal informé. Il y a également les influences d’autrui comme les parents ou les amis. Ceux-ci peuvent désorienter l’apprenant en lui conseillant une filière prometteuse mais sans savoir si l’élève en a les compétences requises pour réussir.  C’est le cas , par ailleurs, des choix non mérités.  Autant qu’une  fausse représentation sur une  filière.  De même  que la prise au sérieux de certains stéréotypes et clichés sur certaines filières,    faussement répandus parmi les élèves. Sans oublier l’intervention d’événements tragiques imputés à la fatalité (accidents, mort, maladie..) au cours de la scolarisation de l’apprenant, qui compromettent ou bouleversent la normalité de l’opération d’orientation.   A cela peut s’ajouter un autre facteur : La mésestimation du rôle de l’orientation dans l’équation de la réussite scolaire, souvent perçue chez certains élèves.   Sans oublier aussi le fait que beaucoup d’élèves ne font pas la différence entre ce qu’ils aiment étudier et ce qu’ils désirent faire dans leur vie professionnelle. Toutefois, je dois attirer à ce propos l’attention sur le fait que l’orientation scolaire est une affaire qui ne concerne pas uniquement les cadres d’orientation,  mais également, les parents, profs, inspecteurs, entreprises, associations des parents, etc.;  autant dire tous les intervenants dans la chose éducative.   
Certes  les décisions des  conseillers en orientation engagent les devenirs  scolaire et professionnel des élèves,   mais ces derniers disposent  toujours de la faculté de changer de choix au niveau des autres paliers d’orientation et rectifier ainsi l’erreur.

Pouvez-vous  nous décliner  la configuration générale de la carte d’orientation dégagée l’an dernier par votre centre à Biougra?

Au niveau de notre CPIAO de Biougra, 2049 élèves ont été conseillés et aidés à être aiguillés dans leurs cursus,  et ce, au premier palier d’orientation.  45% d’entre eux,  soit 1044 apprenants,  sont orientés vers le tronc commun lettres, alors que 51%, à savoir 1300 élèves le sont vers le tronc commun sciences. Ceci au moment où 52 élèves uniquement ont opté pour le tronc commun technologie. Au niveau du 2ème palier d’orientation, au tronc commun sciences : 5% des élèves ont choisi la filière économie, 8% les sciences maths.  Toutefois, la grande part des élèves (86%) ont préféré les sciences expérimentales. Alors que pas plus de 1% se sont orientés vers les branches techniques. Pour ce qui est du troisième palier, plus précisément la 1ère année Bac sciences maths,  on trouve que 79% des élèves ont opté pour sciences maths A, 21% pour sciences maths B. Au moment où,  pour la 1ère année sciences expérimentales, 52% des lycéens ont préféré les sciences vie et terre,  pour que 47% d’entre eux passent à la branche dite physique-chimie, alors que 1%  uniquement choisit les  sciences agricoles. Pour ce qui est   de la 1ère année lettres,  50% des élèves sont orientés vers la branche littéraire et autant vers les sciences humaines. Enfin, les sciences économiques ont été choisies par 63% des élèves et 37% ont opté pour la gestion et comptabilité. On remarque que l’orientation vers le tronc commun technologique reste très faible à cause de l’inexistence de lycée technique à Biougra,  en plus du fait que le nombre de bourses et places disponibles sont insuffisants à  Agadir.  Il faut signaler également que le manque de certaines filières  comme les  sciences maths B et toutes les autres branches et filières afférentes au lycée technique, contribuent à détourner certains  choix en orientations.

Comment sont les conditions de travail au CPIAO de Chtouka Aït Baha?

On travaille avec une équipe dynamique et motivée. On n’a pas à se plaindre des moyens pour le bon accomplissement de notre mission. Tous les cadres d’orientation sont dotés d’un PC portable, modems de connexions Internet, imprimante, téléphone portable,  fournitures de bureau, etc. Pour ce qui des ressources humaines, trois autres conseillers en orientation seront affectés bientôt dans certains centres d’orientation non encore couverts, ce qui évitera les débordements de travail pour l’équipe  en place. Le projet E3P7 sera d’un grand apport pour nous aider à accomplir correctement notre  mission. Puisque 3 espaces d’orientation sont construits et 8 autres le seront bientôt vers fin septembre 2011. C’est dire qu’on va vers une couverture totale de l’ensemble du territoire scolaire de notre région. L’esprit d’équipe qui règne entre nous, a permis la réalisation sous de bons auspices de notre 1er forum de l’orientation de Chtouka Aït Baha, pendant 3 jours. On a eu près de 2000 visiteurs de 7 écoles privées, 18 écoles publiques et autres institutions, Fac, etc.

Quels sont les diplômes les plus demandés au niveau du marché d’emploi à Agadir?

La nature de la demande reste  versatile, au gré des penchants qui se font et se défont du marché de la demande d’emploi, lequel est assujetti aux dispositions du milieu économique ambiant. Du coup, on ne peut pas dégager une tendance homogène et stable. Mais on remarque, généralement, que sont recherchés tous les diplômes sollicités par les nouveaux métiers (l’offshoring, NTI, art graphique, infographie…), ainsi que les métiers sollicités par les trois secteurs d’activité économique : tourisme, agriculture et pêche, qui constituent le fer de lance de l’économie de la capitale du Souss.

Y a-t-il une corrélation entre l’action de l’orientation et le taux des insertions professionnelles  dans la région?

Il est établi que l’embauche des diplômés dans la région s’élève à 70% des lauréats des écoles  locales.   C’est un chiffre qui montre notre prise en compte des exigences du marché local de travail dans l’acte d’orientation. Cela est le résultat des contacts établis entre l’école et son environnement dans le cadre de son ouverture sur ce dernier;  notamment le milieu des entreprises et sociétés économiques qui modèlent  la  nature des demandes d’emploi du  marché local.   Et là, je veux souligner, de ce fait,  qu’une part non négligeable des recrutements s’opère  lors des stages et forums organisés par les écoles. 


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