Autres articles
-
Jérôme Despey : A mon arrivée à la présidence du SIA, je voulais vraiment mettre un pays ami à l'honneur comme le Maroc
-
Pr Simon Jonas Ategbo : «Mutualiser les efforts des différentes sociétés africaines de pédiatrie»
-
Fethallah Mohammed : "Le manque de soutien et de formation ainsi que l’absence de relève ont précipité le déclin de la Renaissance Sportive de Settat"
-
Redouane Jiyed : Nous sommes appelés à apporter tout le soutien à la nouvelle génération d'arbitres et leur offrir l’opportunité de démontrer leurs compétences
-
Aurore Vinot : Je suis fascinée par la vitalité et la diversité de la scène artistique marocaine

Parmi les cadres associatifs
réunissant aujourd’hui
d’anciens rescapés du séisme qui
détruisit la ville d’Agadir le 29 février 1960,
le Forum Izorane
que préside Mohamed Bajalat, un ancien
du quartier Founty,
a célébré
dernièrement
le 51ème
anniversaire
de cette terrible catastrophe.
Ce fut surtout une rencontre de
recueillement
et de retrouvailles entre anciens.
Entretien.
Libé : Tout d’abord, pouvez-vous nous dire comment vous est venue l’idée de créer ce Forum ?
Mohamed Bajalat : Nos remerciements d’abord au journal Libé qui est attentif aux réactions de notre société locale. A l’occasion des préparatifs du 40ème anniversaire de la reconstruction de la ville en 2000, j’avais remarqué l’absence des anciens d’Agadir en tant qu’associations et l’idée s’est renforcée lors du 50ème anniversaire lorsque j’ai constaté que même les militaires hollandais, qui sont intervenus durant le séisme à Founty, ont une association, idem pour les anciens Français d’Agadir. Celles des nôtres qui existent se sont limitées au niveau des préoccupations relatives aux anciens quartiers de la ville. Puis certains de nos aînés ont insisté pour sortir à la fois de cette léthargie et de la dispersion. Durant plus de 3 mois, les membres fondateurs (16 anciens) se sont mobilisés pour donner naissance au Forum Izorane d’Agadir.
Est-ce que ce sont uniquement les anciens Gadiris qui peuvent adhérer au Forum ?
Non, le Forum est un espace de rencontres et d’échanges ouvert à tous les Gadiris sans distinction. Le point commun est ‘’la passion pour cette ville’’.
Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de votre plan d’action ?
Dès notre élection en août dernier, nous avons établi deux programmes : l’un, urgent, concernait la structuration de l’Association : mise en place et validation des organes de travail et de suivi du Forum, constitution d’un bureau assez représentatif de toutes les sensibilités, plus 6 commissions et un comité d’Imgharnes (sages), composé essentiellement de nos aînés et qui a un rôle d’arbitrage et de suivi, initiation d’actions médiatiques pour annoncer l’existence de ce Forum, tant localement qu’à l'étranger (par le biais de relais gadiris).
Quant au programme à moyen terme, il s’agit surtout d’actions de :
- sensibilisation des décideurs quant à l’urgence et l’impératif de préserver ce qui reste du patrimoine collectif de la ville et de le valoriser, surtout les sites des anciens quartiers de la ville et honorer officiellement la mémoire de nos morts ;
- préservation du patrimoine architectural de la ville avant et après séisme (bâtiments, places et jardins du HCRA (le Haut commissariat à la reconstruction d’Agadir de 1961 à 1973 ) ;
- dynamisation du partenariat local et international pour reconstituer la mémoire de la ville et la vulgarisation de ses supports auprès du grand public ;
- sensibilisation et implication des jeunes générations dans la transmission de ce legs collectif, identitaire et culturel ;
- participation en tant que représentant de la société civile aux projets socioculturels de la ville.
D’aucuns disent qu’Agadir est une ville sans histoire, voire sans âme. Etes-vous de cet avis ?
C’est révoltant : à la fois par ignorance du passé de cette ville, même si elle demeure la cité pionnière qui s’est initiée à la modernité urbaine, avant même Casablanca, et surtout, par entêtement à vouloir transposer le modèle des villes impériales à Agadir. Enfin, par quelle logique peut-on réduire un passé collectif aux bâtiments ? Certes, le séisme a anéanti une grande partie des immeubles et de leurs occupants, mais non la mémoire de la ville.
Comment votre Association compte-t-elle rétablir la vérité ?
- Un seul argument, documents à l’appui, pour faire valoir une idée juste sur ce passé culturel, sportif et humain d’Agadir d’antan…Aucune ville marocaine n’a connu un passé aussi harmonieux, une tolérance modèle entre ses différents résidents et communautés, puis notre implication effective par des projets concrets et viables.
Après le tremblement de terre de 1960, de nombreux architectes et urbanistes de différentes nationalités et de différentes écoles ont participé à la reconstruction de la ville dont Benmbarek, Zévaco, Tastament, Azzaguri, Cohen… Ce qui nous a valu des édifices publics et autres à l’architecture futuriste avec un cachet typique à cette ville renaissante. Quel est votre sentiment à ce propos ?
Certes, lors de la reconstruction, Agadir était un véritable laboratoire de compétition urbaine et artistique. De jeunes architectes à l’époque, de nationalité française pour la plupart, mais marocains de coeur et de culture, nous ont livré des joyaux, tant sur le plan urbanistique qu’architectural, qui sont devenus aujourd’hui, des lieux attractifs pour les visiteurs avertis. Agadir aurait pu être un modèle pour tout le pays au niveau de l’aménagement urbain et de l’innovation architecturale s’il n’avait pas été mis fin à cette expérience. Allez comparer avec les villes nouvelles de Tamesna ou Tamansourte ! C’est un aspect primordial occulté qui doit être médité par nos décideurs. Pourquoi une telle réussite ? J’affirme que certains de nos architectes actuels ne manquent ni de technicité, ni d’audace, mais, bénéficient-ils des mêmes conditions de travail ? Puis, il y a la question qui fâche : qui fait et gère réellement la question de l’urbanisme aujourd’hui ?
L’Hôtel de ville, la poste, l’immeuble ‘’A’’, la mosquée du Liban, les villas du secteur résidentiel, le collège Souss Al Alima, la caserne de la Protection civile, la cité suisse, la cité hassanie, les Hôtels Atlas, les Almohades, Marhaba, la coupole du marché de gros, le marché municipal, l’habitat amélioré, le nouveau Talborjt, la cité Prince Héritier etc. Pensez-vous que la ville garde toujours ce cachet de cité futuriste qui la caractérisait dans les années soixante et soixante-dix ?
Ça saute aux yeux que le challenge a été perdu en cours de route! Depuis la fin des années soixante-dix, et à cause du flux migratoire vers Agadir d’une part, et parallèlement aux orientations nationales d’autre part, donc la dissolution du HCRA comme seule entité responsable de l’urbanisme et de l’aménagement, le tissu urbain de la ville est devenu progressivement un ‘’patchwork’’ dominé par le souci de l’habitat de masse à travers une juxtaposition de lotissements-dortoirs, souvent sans équipements socioculturels, voire sans connexion étudiée avec le reste de la ville. Cela s’est aggravé avec l’apparition, dès fin 80, de l’habitat dit ’’clandestin’’ à Bikarrane et sur les collines surplombant la ville.
Site classé depuis les années quarante, la Kasbah d’Agadir O’fella a subi, et continue à subir bien des malheurs : installation d’antennes, pollution, délinquance…sans aucun respect pour les lieux. Quelle action comptez-vous mener pour préserver ce haut lieu de l’histoire de la ville?
Agadir, c’est Agadir O’fella pour le visiteur, car c’est le symbole phare de la ville. Mais c’est aussi pour nous le cimetière involontaire de nos morts. Nous ne pouvons plus accepter sa profanation délibérée. Les autorités compétentes doivent prendre des décisions urgentes pour mettre fin à cette atteinte, non seulement aux âmes de nos disparus et à leurs descendants, mais surtout à l’image de la ville. Faut-il rappeler qu’Agadir O’fella est un site classé depuis 1944 !? Les Français ont même interdit toute construction intra-muros, voire l’interdiction d’introduire toute végétation autre que les espèces endémiques. N’y a-t-il pas d’autres collines à proximité pour toutes ces antennes illégales qui saccagent cette terre de martyrs ?
Quelles sont les projets immédiats du Forum Izorane ?
Le renforcement de nos organes. On s’est rendu compte que les dossiers sont lourds à gérer, et j’en profite pour lancer un appel à tout (e) Gadiri(e) ou toute compétence pouvant nous aider dans ce domaine. Puis, il y aura bientôt une assemblée extraordinaire pour entériner notre programme pour les 3 années à venir avec un rendez-vous solennel le 29 février 2012, et bien sûr, nous poursuivrons nos contacts permanents avec les autorités, les élus et les partenaires sociaux locaux et étrangers en France, en Belgique, et au Canada pour concrétiser nos objectifs.
Un dernier mot ?
Un seul souhait urgent : arrêter immédiatement la profanation des anciens sites de nos disparus, leur offrir un véritable lieu pour reposer dignement et permettre à leurs parents de s’y recueillir. Et pourquoi ne pas inaugurer un espace commémoratif en hommage à plus de 16.000 martyrs ? Je suis optimiste, car pour les avoirs côtoyés, je sais que le wali et le président de la commune urbaine d'Agadir sont tous deux favorables à ce projet.
réunissant aujourd’hui
d’anciens rescapés du séisme qui
détruisit la ville d’Agadir le 29 février 1960,
le Forum Izorane
que préside Mohamed Bajalat, un ancien
du quartier Founty,
a célébré
dernièrement
le 51ème
anniversaire
de cette terrible catastrophe.
Ce fut surtout une rencontre de
recueillement
et de retrouvailles entre anciens.
Entretien.
Libé : Tout d’abord, pouvez-vous nous dire comment vous est venue l’idée de créer ce Forum ?
Mohamed Bajalat : Nos remerciements d’abord au journal Libé qui est attentif aux réactions de notre société locale. A l’occasion des préparatifs du 40ème anniversaire de la reconstruction de la ville en 2000, j’avais remarqué l’absence des anciens d’Agadir en tant qu’associations et l’idée s’est renforcée lors du 50ème anniversaire lorsque j’ai constaté que même les militaires hollandais, qui sont intervenus durant le séisme à Founty, ont une association, idem pour les anciens Français d’Agadir. Celles des nôtres qui existent se sont limitées au niveau des préoccupations relatives aux anciens quartiers de la ville. Puis certains de nos aînés ont insisté pour sortir à la fois de cette léthargie et de la dispersion. Durant plus de 3 mois, les membres fondateurs (16 anciens) se sont mobilisés pour donner naissance au Forum Izorane d’Agadir.
Est-ce que ce sont uniquement les anciens Gadiris qui peuvent adhérer au Forum ?
Non, le Forum est un espace de rencontres et d’échanges ouvert à tous les Gadiris sans distinction. Le point commun est ‘’la passion pour cette ville’’.
Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de votre plan d’action ?
Dès notre élection en août dernier, nous avons établi deux programmes : l’un, urgent, concernait la structuration de l’Association : mise en place et validation des organes de travail et de suivi du Forum, constitution d’un bureau assez représentatif de toutes les sensibilités, plus 6 commissions et un comité d’Imgharnes (sages), composé essentiellement de nos aînés et qui a un rôle d’arbitrage et de suivi, initiation d’actions médiatiques pour annoncer l’existence de ce Forum, tant localement qu’à l'étranger (par le biais de relais gadiris).
Quant au programme à moyen terme, il s’agit surtout d’actions de :
- sensibilisation des décideurs quant à l’urgence et l’impératif de préserver ce qui reste du patrimoine collectif de la ville et de le valoriser, surtout les sites des anciens quartiers de la ville et honorer officiellement la mémoire de nos morts ;
- préservation du patrimoine architectural de la ville avant et après séisme (bâtiments, places et jardins du HCRA (le Haut commissariat à la reconstruction d’Agadir de 1961 à 1973 ) ;
- dynamisation du partenariat local et international pour reconstituer la mémoire de la ville et la vulgarisation de ses supports auprès du grand public ;
- sensibilisation et implication des jeunes générations dans la transmission de ce legs collectif, identitaire et culturel ;
- participation en tant que représentant de la société civile aux projets socioculturels de la ville.
D’aucuns disent qu’Agadir est une ville sans histoire, voire sans âme. Etes-vous de cet avis ?
C’est révoltant : à la fois par ignorance du passé de cette ville, même si elle demeure la cité pionnière qui s’est initiée à la modernité urbaine, avant même Casablanca, et surtout, par entêtement à vouloir transposer le modèle des villes impériales à Agadir. Enfin, par quelle logique peut-on réduire un passé collectif aux bâtiments ? Certes, le séisme a anéanti une grande partie des immeubles et de leurs occupants, mais non la mémoire de la ville.
Comment votre Association compte-t-elle rétablir la vérité ?
- Un seul argument, documents à l’appui, pour faire valoir une idée juste sur ce passé culturel, sportif et humain d’Agadir d’antan…Aucune ville marocaine n’a connu un passé aussi harmonieux, une tolérance modèle entre ses différents résidents et communautés, puis notre implication effective par des projets concrets et viables.
Après le tremblement de terre de 1960, de nombreux architectes et urbanistes de différentes nationalités et de différentes écoles ont participé à la reconstruction de la ville dont Benmbarek, Zévaco, Tastament, Azzaguri, Cohen… Ce qui nous a valu des édifices publics et autres à l’architecture futuriste avec un cachet typique à cette ville renaissante. Quel est votre sentiment à ce propos ?
Certes, lors de la reconstruction, Agadir était un véritable laboratoire de compétition urbaine et artistique. De jeunes architectes à l’époque, de nationalité française pour la plupart, mais marocains de coeur et de culture, nous ont livré des joyaux, tant sur le plan urbanistique qu’architectural, qui sont devenus aujourd’hui, des lieux attractifs pour les visiteurs avertis. Agadir aurait pu être un modèle pour tout le pays au niveau de l’aménagement urbain et de l’innovation architecturale s’il n’avait pas été mis fin à cette expérience. Allez comparer avec les villes nouvelles de Tamesna ou Tamansourte ! C’est un aspect primordial occulté qui doit être médité par nos décideurs. Pourquoi une telle réussite ? J’affirme que certains de nos architectes actuels ne manquent ni de technicité, ni d’audace, mais, bénéficient-ils des mêmes conditions de travail ? Puis, il y a la question qui fâche : qui fait et gère réellement la question de l’urbanisme aujourd’hui ?
L’Hôtel de ville, la poste, l’immeuble ‘’A’’, la mosquée du Liban, les villas du secteur résidentiel, le collège Souss Al Alima, la caserne de la Protection civile, la cité suisse, la cité hassanie, les Hôtels Atlas, les Almohades, Marhaba, la coupole du marché de gros, le marché municipal, l’habitat amélioré, le nouveau Talborjt, la cité Prince Héritier etc. Pensez-vous que la ville garde toujours ce cachet de cité futuriste qui la caractérisait dans les années soixante et soixante-dix ?
Ça saute aux yeux que le challenge a été perdu en cours de route! Depuis la fin des années soixante-dix, et à cause du flux migratoire vers Agadir d’une part, et parallèlement aux orientations nationales d’autre part, donc la dissolution du HCRA comme seule entité responsable de l’urbanisme et de l’aménagement, le tissu urbain de la ville est devenu progressivement un ‘’patchwork’’ dominé par le souci de l’habitat de masse à travers une juxtaposition de lotissements-dortoirs, souvent sans équipements socioculturels, voire sans connexion étudiée avec le reste de la ville. Cela s’est aggravé avec l’apparition, dès fin 80, de l’habitat dit ’’clandestin’’ à Bikarrane et sur les collines surplombant la ville.
Site classé depuis les années quarante, la Kasbah d’Agadir O’fella a subi, et continue à subir bien des malheurs : installation d’antennes, pollution, délinquance…sans aucun respect pour les lieux. Quelle action comptez-vous mener pour préserver ce haut lieu de l’histoire de la ville?
Agadir, c’est Agadir O’fella pour le visiteur, car c’est le symbole phare de la ville. Mais c’est aussi pour nous le cimetière involontaire de nos morts. Nous ne pouvons plus accepter sa profanation délibérée. Les autorités compétentes doivent prendre des décisions urgentes pour mettre fin à cette atteinte, non seulement aux âmes de nos disparus et à leurs descendants, mais surtout à l’image de la ville. Faut-il rappeler qu’Agadir O’fella est un site classé depuis 1944 !? Les Français ont même interdit toute construction intra-muros, voire l’interdiction d’introduire toute végétation autre que les espèces endémiques. N’y a-t-il pas d’autres collines à proximité pour toutes ces antennes illégales qui saccagent cette terre de martyrs ?
Quelles sont les projets immédiats du Forum Izorane ?
Le renforcement de nos organes. On s’est rendu compte que les dossiers sont lourds à gérer, et j’en profite pour lancer un appel à tout (e) Gadiri(e) ou toute compétence pouvant nous aider dans ce domaine. Puis, il y aura bientôt une assemblée extraordinaire pour entériner notre programme pour les 3 années à venir avec un rendez-vous solennel le 29 février 2012, et bien sûr, nous poursuivrons nos contacts permanents avec les autorités, les élus et les partenaires sociaux locaux et étrangers en France, en Belgique, et au Canada pour concrétiser nos objectifs.
Un dernier mot ?
Un seul souhait urgent : arrêter immédiatement la profanation des anciens sites de nos disparus, leur offrir un véritable lieu pour reposer dignement et permettre à leurs parents de s’y recueillir. Et pourquoi ne pas inaugurer un espace commémoratif en hommage à plus de 16.000 martyrs ? Je suis optimiste, car pour les avoirs côtoyés, je sais que le wali et le président de la commune urbaine d'Agadir sont tous deux favorables à ce projet.