Le tourisme social et solidaire en Afrique


Par Hassan FAOUZI *
Vendredi 25 Mars 2011

Dans le secteur du tourisme, l’Afrique est l’une des régions du monde qui a connu la plus forte croissance au cours des dernières années. De 2000 à 2005, les arrivées de touristes internationaux en Afrique sont passées de 28 à 40 millions en 2005 (40,3 millions en 2006), avec une progression annuelle moyenne de 5,6 % contre 3,1 % pour le monde entier (Bélanger, C. E. et al. 2007). De plus, au cours de la même période, les recettes du tourisme international de l’Afrique ont doublé, passant de 10,5 à 21,3 milliards USD, selon les chiffres de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT).
Dans ce contexte, il existe un grand potentiel pour faire en sorte que le tourisme puisse contribuer au commerce et au développement de l’Afrique. C’est aussi dans ce contexte, que le Bureau International du tourisme social (BITS) a créé une section Afrique à l’occasion de son congrès en 2004, avec les objectifs de concourir au développement du tourisme social dans les pays africains où cela est possible et d’aider au développement du tourisme solidaire à destination de l’Afrique.
Le tourisme social et le tourisme solidaire peuvent-ils vraiment représenter des voies accommodées pour développer le potentiel touristique de l’Afrique en complémentarité au tourisme international traditionnel ?
Le tourisme social, comme cela a pu être démontré dans d’autres régions du monde, peut jouer un rôle significatif dans le développement et la croissance du tourisme interne grâce à la mise en place de politiques, de stratégies et d’actions permettant à un plus grand nombre de personnes de participer à l’activité touristique. Le tourisme solidaire peut de son côté contribuer directement au développement des communautés locales et à la réduction de la pauvreté dans les pays en développement (Bélanger, C. E. et al. 2007).
Par ailleurs, les conditions de vie de larges segments des populations des pays du Sud, notamment des pays africains, font en sorte que leurs priorités dans bien des cas vont à la survie et, dans les autres, à l’obtention d’un travail stable, d’un logement décent, d’une éducation suffisante…
Dans ce contexte, le tourisme social peut-il s’implanter et offrir une réponse aux besoins des pays africains ? Ou n’est-il que l’apanage des pays industrialisés ?
Le tourisme social peut avoir un sens en Afrique si elle explore des équations susceptibles de dégager quelques repères prospectifs intéressants. Afin de dégager ces repères, plusieurs chercheurs ont mis le tourisme social en relation avec différents facteurs :
- L’essor des classes moyennes dans plusieurs pays africains : c’est en prenant d’abord en considération la demande d’une classe moyenne nationale naissante, en termes de vacances et de tourisme, que l’on peut envisager le développement du tourisme social.
- Le développement d’un tourisme domestique moins dépendant des aléas extérieurs : le tourisme social est intimement lié au tourisme interne ou domestique qui, tout en se préoccupant de répondre aux besoins de délassement des populations résidantes, diminue la dépendance du tourisme national à l’égard des marchés extérieurs étrangers.
- La clientèle des jeunes comme axe prioritaire : pour des pays africains dont la population est majoritairement jeune, cet axe est à privilégier avec des objectifs d’éducation (les voyages ne forment-ils pas la jeunesse ?).
- La sauvegarde du patrimoine naturel et culturel : sur ce plan, le tourisme social peut être un partenaire de premier plan.
- Le développement local : à une échelle humaine, les équipements de tourisme social sont souvent réalisés en dehors des circuits traditionnels et représentent un espoir pour des économies fragiles.
Le tourisme ne doit pas être accessible seulement aux visiteurs, mais aussi aux populations des territoires d’accueil qui doivent avoir accès à leurs propres ressources touristiques ainsi qu’aux bénéfices du tourisme, ce qui conduit naturellement à la notion de tourisme solidaire. Il serait avantageux pour les pays africains de s’engager, conformément aux attentes de leurs populations, sur la voie de la promotion du tourisme social (Bélanger, C. E. et al. 2007).
Toutefois, il reste un certain nombre de questions en suspens. Dans quelle mesure les gouvernements africains jouent-ils actuellement un rôle dans le développement du tourisme social et du tourisme solidaire dans leur pays ? Dans quelle mesure les acteurs sur le terrain, que sont les associations de tourisme et les ONG, ont-ils mis en place des initiatives intéressantes qui bénéficient aux populations locales tout en favorisant une véritable relation entre les visiteurs et les visités ?
Le tourisme interne occupe une place bien réelle sur le plan des objectifs et des stratégies de la politique nationale du tourisme en Afrique. Il est à la fois utilisé comme outil économique visant à créer des emplois et à stimuler la demande nationale, comme outil social pour favoriser l’accès au voyage de divers segments de la population et comme outil politique en faveur de la paix et de l’intégration nationale.
Le tourisme interne, qui connaît un certain niveau de croissance dans plusieurs pays, s’adresse surtout aux familles et aux jeunes dont les principales motivations de voyage sont liées à la visite de parents et d’amis, à des fêtes et, dans une moindre mesure, à des événements sportifs ou à des voyages scolaires. Sa pratique, concentrée sur de courtes périodes de l’année, est quant à elle fortement caractérisée par l’usage de moyens de transport terrestre – autocar et automobile – et de l’hébergement chez des parents et des amis.
Les objectifs visés par le tourisme social sont similaires à ceux du tourisme interne et se traduisent par des initiatives associées au développement et à la diversification de l’offre ainsi que par des actions visant à faciliter directement le départ en vacances de la population.
Si les taux de départ en vacances sont pratiquement inconnus, bien que certains indices puissent indiquer un taux qui pourrait varier de 15 à 30 %, selon les pays, les freins au développement du tourisme social sont quant à eux bien identifiés : le manque de ressources financières, l’absence d’une culture du voyage et des vacances et le manque d’information. Si le premier facteur ne constitue pas en soi une véritable surprise, force est de constater que les deux autres éléments doivent notamment interpeller les autorités en charge des programmes éducatifs (Bélanger, C. E. et al. 2007).
En ce qui a trait au tourisme solidaire, il s’agit d’une réalité bien connue qui bénéficie aussi de l’appui des administrations nationales du tourisme (ANT) ou d’autres organismes publics. Ces appuis, qui vont de l’assistance technique à la commercialisation en passant par la formation, le renforcement des capacités et l’appui à la recherche de financement, ont pour but principal le développement économique des communautés locales, la participation des communautés au développement du tourisme, la réduction de la pauvreté, le développement durable du tourisme en régions et la diversification du produit touristique.
Le tourisme solidaire ou communautaire semble donc trouver un plus grand nombre d’applications que le tourisme social. Cela peut sans doute s’expliquer par le fait que, à la base du concept de tourisme solidaire, le développement économique est davantage pris en compte (Bélanger, C. E. et al. 2007).
D'après ce qui précède, on peut donc conclure ce qui suit :
- La pratique du tourisme interne demeure limitée sur le continent africain, même si elle peut constituer un élément intrinsèque de la politique nationale du tourisme.
- Le tourisme social est pris en compte par plusieurs ANT, malgré la faiblesse relative des stratégies, des initiatives et des moyens mis en œuvre.
- Le taux de départ en vacances des populations africaines est très bas, à cause principalement de problèmes financiers, mais aussi dû à une relative absence d’une culture du voyage et au manque d’information.
- Le tourisme solidaire est un secteur qui intéresse les pouvoirs publics comme une alternative au développement économique des communautés locales.
- La nécessité de développer une forme de tourisme respectueux de la population et de l’environnement ;
- La reconnaissance des populations locales comme étant parties prenantes du développement économique ;
- L’éradication de la pauvreté et le développement de l’autonomie économique et de l’éducation ;
- Le manque d’éducation et de formation des acteurs eux-mêmes et/ou des populations locales ; le manque d’argent, de moyens, d’infrastructures, de volonté politique ; des environnements naturel, social et politique critiques.
- Les outils de communication sous forme de publication sont plus rares, car ils sont évidemment plus coûteux. En dehors de ces outils de communication, les structures attendent beaucoup de la mise en relation avec les partenaires étrangers, notamment européens.
Il est donc important pour les gouvernemets africains d'adopter les points suivants :
- La démocratisation progressive des vacances et du tourisme peut apporter des bénéfices aux populations ;
- Une attention toute particulière accordée aux jeunes et aux familles est plus que souhaitable ;
- La conciliation du développement touristique, de la protection de l’environnement et du respect des populations locales ;
- Un appui aux entreprises d’économie sociale et solidaire, que sont principalement les associations et les coopératives, est une voie à privilégier
- L'impliquation de la population locale en tant qu’actrice de l’activité touristique : emplois de personnes locales, importance du logement chez l’habitant ou au sein de la communauté, rencontres organisées avec les populations locales.
- Créer les outils de communication : annuaire, sites Internet, guide des bonnes pratiques, organisation des séminaires sur les thèmes du tourisme social et du tourisme solidaire
- Mettre sur pied des modules de formation souples et facilement transposables d’un pays à l’autre pour les acteurs du tourisme social
L’étude du tourisme solidaire et social offre de nombreuses perspectives de recherche, encore trop peu explorées à ce jour. Les multiples interactions qui résultent de l’activité touristique, les différentes logiques mises en œuvre par les acteurs en fonction de leurs objectifs propres, les phénomènes d’appropriation, le changement social provoqué par cette forme de tourisme, sont des pistes de recherches passionnantes.

 * Docteur en géographie,
aménagement de l'espace
et paysages - Université Nancy 2 - GEOFAO, Bureau d'étude
et d'ingénierie, Agadir


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