Le sens de l’Histoire


* Par Abdelmalek Kettani Président d’Alternatives
Lundi 28 Février 2011

Le sens de l’Histoire
Les affres de la nébuleuse Trabelsi, l’immense précarité d’une frange importante de la société égyptienne… ont été, entre autres, les catalyseurs des soulèvements des populations à Tunis et au Caire. La mauvaise gouvernance, érigée en système, bouleverse le paysage sociopolitique de la région et interpelle des pans entiers de la société arabe.
L’Histoire  du Monde arabe  a connu une accélération majeure ces dernières semaines. Suite aux évènements récents, rien ne se passera plus  comme avant et  nul ne pourra continuer à vivre avec les mêmes certitudes que par le passé.
En effet,  la Révolution dite «de Jasmin» en Tunisie, conduisant à la chute définitive du régime du président Ben Ali, que d’aucuns n’attendaient, ni aussi rapidement, ni de cette façon,  est inédite dans les annales des «révolutions».  Par ailleurs, le soulèvement populaire  que connaît l’Egypte dont les péripéties et drames se déroulent d’heure en heure et dont l’issue reste incertaine est sans précédent à ce jour. Ces évènements ont sérieusement mis à mal les paradigmes politiques et les théories développées par les stratèges locaux et internationaux.
Les grandes puissances, avec  leurs services de renseignements et leurs diplomates en place dans les pays en question, n’ont, semble-t-il, pas appréhendé et évalué à leur juste mesure le bouillonnement social et l’état d’exaspération avancé que connaissent les populations de la région du fait de la mauvaise gouvernance et du manque patent et flagrant de sanctions exemplaires pour ceux impliqués dans les scandales financiers à répétition et dont les détails ont été exposés « ad noseum» dans la presse.. ..  L’impunité,  la corruption, le clientélisme et la gabegie qui sévissent privent cruellement la jeunesse et les populations marginalisées de perspectives de vie, prometteuses et dignes, sur les plans politique, économique mais surtout social.
Maintenant que cette «vague « dévastatrice est enclenchée, sans aucune certitude quant à une issue favorable et une situation meilleure pour ces mêmes populations, plusieurs «experts»  et apprentis sorciers, mus par des raisons diverses et variées, souvent innommables, prévoient un « effet domino» dans nombre de pays souffrant de situations sociales estimées similaires et comparables. Tous s’érigent, encore une fois, comme des oracles d’une apocalypse inéluctable, dont nul ne peut appréhender honnêtement toutes les conséquences  sauf que l’on peut d’ores et déjà prédire qu’elles seront catastrophiques pour l’ensemble des populations et ce, pour des années à venir : investissements étrangers, tourisme,  emploi, export …
Il est cependant clair que le «status quo ante»  n’est plus tenable pour beaucoup de pays et j’ose espérer que ces mouvements seront une opportunité unique et historique de remise en question pour les leaderships qui ont à cœur la stabilité de leurs pays et le bien-être durable de leurs populations.
Avec une jeunesse et une population de plus en plus «connectée», des blogs, des réseaux sociaux dynamiques non  « censurables », des chaînes satellitaires diffusant   l’actualité, avec plus ou moins d’objectivité et en direct,  «les cache-misère» ne sont plus possibles.
Ainsi, les leaderships dont les motivations sont autres, et dont «le modus operandi», hérité des années 70-80-90, est basé sur la censure, la torture et les manœuvres dilatoires, sont face à une seule alternative : Engager au plus vite des réformes de fond (encore faut-il qu’il leur reste un zeste de crédibilité….) et faire de la gouvernance moderne, démocratique et  transparente, leur seul mode opératoire et leur sacerdoce faute de quoi ils devront s’accrocher coûte que coûte, au prix du sang, des larmes et des acquis  de leur peuple et aboutiront  à terme à une issue aussi désastreuse qu’inéluctable.
Quid  de notre pays ? Depuis l’avènement de S.M Mohamed VI en 1999, le Maroc a fait, avec des ressources relativement limitées, des pas de géant reconnus sur le plan mondial, tant sur le plan politique (libertés individuelles, d’expression, IER, lois sur les partis politiques, gouvernance locale, régionalisation, droits de la femme, etc.) qu’économique  (investissements étrangers, infrastructures autoroutes, électrification rurale, plan énergétique, TGV , tourisme, plan vert, Halieutis,  automobile, aéronautique etc.…) ou encore social (habitat social, lutte contre l’habitat insalubre, INDH, réforme du champ sportif..). Autant de réalisations érigées sur la chaîne maghrébine Nessma, comme modèle dont la Tunisie devrait s’inspirer pour réussir sa phase post-révolution. Une expertise marocaine parfaitement extrapolable pour un meilleur rayonnement de l’image du Maroc dans son environnement.
 En 11 ans, notre pays s’est engagé résolument et de façon déterminée et irréversible, dans une dynamique vertueuse, aidé en cela, et en reconnaissance des efforts et de la volonté des plus hautes autorités de notre pays, par nos alliés et partenaires américains et européens avec entre autres, l’accord de libre-échange, le Millenium Challenge Fund (USA) et le statut avancé (UE).
Sans programmes sérieux de réformes et gages de résultats tangibles à terme, il est inconcevable que ces partenaires investissent des sommes aussi colossales dans notre pays, à tous les niveaux, afin qu’il puisse se hisser à la hauteur des défis qui sont les siens et jouer son rôle de modèle pour la région.
Cependant, force est de constater que notre pays souffre aussi et encore de plusieurs maux majeurs que personne ne peut  contester. L’Histoire du Maroc émergent  n’a commencé que depuis peu et les réalisations, bien que perfectibles et dont une grande partie est en cours, sont de l’avis général remarquables.
Il est évident que beaucoup reste à faire sur le plan des systèmes éducatif, judiciaire, de santé publique, de la lutte effective contre la corruption, de l’égalité des chances, de la diplomatie… La mobilisation de tous est de mise dans la conjoncture actuelle.
En effet, cet engagement sans faille, au nom de l’intérêt supérieur du Maroc et de toute sa population, est crucial pour le maintien et le renforcement de cette dynamique vertueuse de notre pays  qui suscite l’envie de nos détracteurs et de nos ennemis et l’émulation chez nos amis.  Dans cet objectif, il faut illico presto  mettre de côté les intérêts corporatistes et opportunistes étroits qui bloquent toutes velléités et volontés réelles de réforme.
 Ainsi, et dans cette phase charnière de l’Histoire, il appartient aux partis politiques, à la société civile (associations, syndicats, patronat, etc.. ),  aux intellectuels et aux citoyens patriotes en partenariat avec l’institution monarchique, garante de l’unité et de la stabilité du Maroc, de jouer le rôle historique qui est le leur, en proposant et en militant activement pour que d’autres réformes structurelles, politiques, économiques, et sociales, incontournables, voient le jour dans les meilleurs délais.
Le temps de la figuration et des joutes politiciennes, souvent stériles et contre-productives est révolu et caduc. L’heure est à l’engagement, au travail et à la créativité afin de dépasser les maux qui nous taraudent encore. Nous en avons les moyens humains, politiques et financiers, compte tenu de la crédibilité sans faille dont jouit le Maroc auprès de ses partenaires et alliés.
2012 est à nos portes et il est du devoir de la classe politique de porter aux avant-postes des femmes et des hommes qui  rompent de façon claire avec le passé afin de continuer sereinement sur le continuum du progrès et de la modernité.
La réussite ne dépend que de nous et de notre capacité à dépasser avec sagesse et sérénité les antagonismes de personnes et les ambitions personnelles étroites souvent sans fondement, ou fondées sur des desseins peu avouables.
Une consultation élargie est plus que jamais nécessaire avec tous les partenaires afin d’élaborer  la «feuille de route» des dix prochaines années, en établissant les priorités et en suscitant l’adhésion du plus grand nombre dans le dialogue et la diversité, mais sans tomber aucunement dans le «consensus anesthésiant» de jadis et ce afin d’éclairer, guider et susciter un engagement accru des populations dans la vie politique et  réussir avec brio cette phase importante de la construction soutenue et harmonieuse de notre société, sur le plan démocratique, économique, social, et culturel.
 N’en déplaise aux Cassandres et aux apprentis sorciers, toutes autres approches, ou plutôt gesticulations, dans le contexte actuel au Maroc, vont à l’encontre du sens de l’Histoire.


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