Le médialogue marocain Jamaleddine Naji : "Nous devons faire exception par rapport à «nous-mêmes»" (1)


Propos recueillis par Mustapha Elouizi
Jeudi 8 Septembre 2011

Le médialogue marocain Jamaleddine Naji : "Nous devons faire exception par rapport à «nous-mêmes»" (1)
Fin observateur politique, médialogue connu et reconnu, défenseur des droits humains, acteur associatif, chercheur scientifique, Jamaleddine Naji est le genre d’intellectuel qui planche sur des sujets divers de manière profonde et polyvalente. De l’économie, de la politique, du social, de la géostratégie… ses analyses sont toujours contextualisées et bien argumentées. Sur le Printemps arabe, il a une opinion et une vision qui allient facteurs internes et externes. Entretien.
 
 
Libé :Six mois après le début du Printemps arabe, est-il vraiment un printemps et quelles en sont les perspectives ? La démocratie est-elle une denrée à livrer à dose homéopathique?

Jamaleddine Naji :L’un de nos rares économistes qu’il a été donné à la 1ère  génération du Maroc indépendant, de suivre ses cours et d’interagir, de façon critique, avec sa vision futuriste, fut feu Pr Mohamed Lahbabi et son alerte concernant la jeunesse des années 80 («Les années 80 de notre jeunesse», Éditions Maghrébines, 1970 1ère édition préfacée par Abderrahim Bouabid)…Depuis, nul apport de cette qualité qui aurait pu nous alerter sur la jeunesse des années 2000. C’est dire combien le Maroc s’est appauvri en compétences et en analyses de référence propices à rendre, peu ou prou, l’événementiel intelligible, qu’il soit prévisible ou imprévisible, pour nous doter de l’intelligence nécessaire pour comprendre, un tant soit peu, notre réalité. Nous sommes orphelins, les jeunes actuels en premier, de notre université, de notre intelligence sociale comme de la recherche scientifique. Alors, nous sommes condamnés à balbutier des débuts d’analyse à chaud, «on line»…Si on admet, dans cet exercice hasardeux, que l’événementiel marocain actuel s’inscrit dans un «événementiel arabe» (Printemps arabe), il nous faut faire très attention à bien délimiter dans cet événementiel, presque chirurgicalement, ce qui pourrait être compté comme participant à la «mosaïque arabe et ce qui doit être par le moyen du poids local, le contexte du Maroc actuel. Passionnant ouvrage pour nos chercheurs comme pour nos politiques, si jamais ils sont au niveau du défi de compréhension posé. Mais il reste que le Maroc n’est pas une île…le monde arabe non plus. Le Maroc est dans le monde, comme le reste de la mosaïque arabe. Et le monde est plus que jamais la forge d’où se dégagent l’énergie et le souffle de l’histoire de chaque peuple, de chaque contexte. De Londres à Madrid, d’Athènes à Tripoli, de Rabat à Damas, de Rome à Dakar…on assiste à un sursaut générationnel. Sursaut d’une génération à la faveur  d’une fin annoncée : la fin des empires et des oligarchies qu’ils protègent et/ou entretiennent, même par l’indifférence.  Les empires n’ont plus la force de protéger leurs vassaux. Ils n’ont plus ni la puissance ni les moyens, encore moins leur arme principale de régulation/dissuasion : l’équilibre par la terreur idéologique et armée…La logique des deux camps de la guerre froide a bel et bien disparu, laissant les vassaux, les satellites et les dernières républiques bananières, comme les royaumes et principautés de pacotille, à leur sort, face à leurs peuples, à leur jeunesse. Les fiefs d’antan, les «zones d’ombre» et de l’infra-droit n’ont plus de geôliers ou leurs geôliers n’ont plus de protection des grands et des puissants, alors que les périls sont les mêmes, pour ces derniers comme pour leurs maîtres, les empereurs. Qui plus est, les révoltes, les mouvements d’indignation extrême, se démocratisent à l’échelle de la planète. Le récent immense cri du nonagénaire Stéphane Hessel, dernier survivant des auteurs de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, est symptomatique à cet égard : «Indignez-vous!» (www.indigène-editions.fr, traduit en 15 langues, en moins de six mois de parution, 1,5 million d’exemplaires vendus en France)  s’est écrié cette année Hessel à l’adresse des peuples des empires comme aux «peuplades» des vassaux, lui qui a remis au goût du jour, la même année, la révolte sartrienne par son ouvrage «Sartre et la violence des opprimés» et avant, en 2006, « Sartre, le temps des révoltes» (Éditions Stock).
Les moyens de l’indignation collective (la «révolte» ou «révolution») se démocratisent paradoxalement grâce, entre autres, à l’apport des inventions humaines, qui n’ont et ne connaissent ni frontières physiques ni frontières idéologiques : les inventions de l’intelligence humaine universelle, les moyens de communication et de diffusion collective en l’occurrence. Qu’importe l’usage, la forme ou la finalité ultime de l’indignation originelle, il reste que Lénine et sa bande ont bien profité du télégraphe il y a un siècle, que les Palestiniens ont bien profité de l’avion dans les années 70, que les Russes et leurs voisins satellisés par le KGB ont bien profité de la radio pirate ou clandestine. Et voilà que maintenant Tunisiens et Égyptiens ont ouvert, à nombre d’autres indignés de la planète, la voie de l’usage des TIC et du Net 2.0…De sorte que les butins des voleurs de libertés, de droits, de richesses  et de dignités humaines, ne sont plus à l’abri de l’anonymat et du secret. La mondialisation de l’indigné se propage et peut même muer en mondialisation du «plaignant» devant la Cour pénale internationale, sans que les empereurs d’hier puissent en épargner leurs vassaux et protégés, ils les lâchent ! Demandez au minable Ben Ali, au factice Pharaon d’Égypte, (ex-prisonnier de guerre des Marocains lors du conflit algéro- marocain de 1963), au «fou de lui» de Tripoli ou au myope et sanguinaire ophtalmo de Damas…Ceux-là et d’autres, de même acabit, doivent avoir le sentiment qu’ils sont victimes d’une véritable curie, encerclés de toute part et par diverses fourches : leurs traitres de protecteurs d’hier, leurs hordes des rues, le droit international et ses audaces inédites, les médias et les satellites, le Net et ses innombrables ramifications et extensions, l’ubiquité même de sa force de frappe, les prolifères  sociétés civiles…les déferlantes de jeunes insoumis…Tragique solitude de fidèles serviteurs d’empereurs désormais préoccupés par leur propre sort avant tout! Car, depuis leurs derniers coups de boutoir dans les années 80 (avec leur programme d’ajustement structurel – «PAS» imposé aux économies des pauvres inféodées aux besoins des économies des empires) et les guerres profitables aux marchands d’armes et de pétrole (1ère guerre du Golfe comme exemple type, guerre qui a enfanté des monstres à Kaboul, mais guerres aussi en Afrique et en Amérique latine), les puissances impériales sont sommées de redimensionner leurs appétits et leurs visions sur le monde. En ce début d’un nouveau millénaire, elles se sont bien rendu compte que le déclin travaille déjà leur destin…D’autant plus qu’elles ont fait preuve ces dernières années de perte de repères, de choix contre-productifs pour leurs desseins impériaux : l’imbécile guerre – mais non moins génocidaire- menée par l’imbécile Bush avec la ridicule tétanisation des Nations unies, l’appui, à effet boomerang, en Afghanistan, au Pakistan et bien ailleurs, à l’obscurantisme pas même digne de la pire espèce animale, la démission en eux de la moindre fibre d’humanité devant les génocides (Rwanda, Burundi, Sierra Leone, Libéria, Soudan, Nigeria…), redditions en cascade devant les prestidigitateurs de la finance réelle et virtuelle et des prédateurs des bourses des matières premières si vitales pour les pays pauvres au plan de l’offre et de la demande…Bref, l’automnie des empereurs et des patriarches qu’ils protégeaient  chez – et au dessus- des pauvres est bel et bien installée, il n’est plus uniquement inscrit dans les prévisions…Comme il est bien rampant, depuis au moins deux décennies, le printemps de tous les faibles dont la soumission séculaire faisait la force de l’empire : « le progrès progresse », chez Mandela (victorieux de la liberté en1990), dans nombre de contrées à l’ouest de Moscou (avant et après 1989), sur toute l’étendue du continent  latino-américain (sud et centre), dans la majorité des Etats du Sud-Est asiatique et même dans l’empire du Milieu, la Chine, qui, à sa manière, toujours parallèle à la marche du reste de l’humanité (le Chinois ordinaire ne comprend pas toujours pourquoi le reste du monde existe en dehors de la Chine, le « pays céleste »), a maintenant la force et l’appétit suffisants pour s’ériger en empire sur les décombres des empires en décrépitude. Pékin fait le virage gagnant pour, sans concours de quelconque Machiavel, mais par une intelligente, presque diabolique fermentation savamment concoctée entre Confucius, Mao et ses successeurs, les fidèles comme opposants.
Tout ce monde change, alors qu’indéniablement, une petite partie de l’humanité s’obstine à avoir le privilège d’être le grand retardataire : le monde dit « arabe » ! Mais sa jeunesse des années 90 et 2000 a ouvert les yeux sur ce déclin annoncé des empires et des puissants, les empereurs comme les vassaux. Elle a ouvert les yeux sur et dans l’espace public du nouveau millénaire : l’espace du Net et de ses réseaux de contestation et de prise de la parole indignée. Dans le monde des jeunes d’aujourd’hui, tout est possible pour tout le monde, y compris de transformer le virtuel en réel, et le national/local en mondial/international. Ils sont tous dans la même salle d’attente du changement, sur la même « place de la libération » (« Attahrir ») : Espagnols, Égyptiens, Grecs, Marocains, Anglais (grande manifestation des étudiants en décembre dernier),Yéménites, Sénégalais…Tunisiens, Italiens…La faible ou épisodique ardeur des uns, comparée à la ténacité et à la témérité des autres ne doit pas tromper… «La colère est inéluctable» chante Fairouz!
Mais qui secouerait, pour de vrai, les élites et hiérarques arabes des années passées pour leur dire que leur fin est annoncée, qu’ils ne peuvent plus égaler en imagination, en énergie et en rêves leurs cyber enfants qui sont enfants du monde, du globe et non les petits ressortissants d’un Bled ou d’un autre, d’un patrimoine momifié ou d’une mosaïque quelconque? Ils sont enfants de l’indignation totale, mondiale, nulle nationalité, nulle appartenance régionale, ne les limitent ou inhibent leur cri de révolte en ligne, en direct, sur l’histoire de maintenant. Sauf qu’à l’inverse, qui pourrait leur faire entendre raison pour leur dire que leur rêve peut se transformer en cauchemar s’ils ne se débrouillent pas un «Projet», s’ils ne se résignent pas à donner du contenu opératoire et opérationnel à leur principal rêve : la démocratie ? Choix de société, d’un «vivre ensemble» qui présuppose invariablement la mise en avant de valeurs à partager et à respecter, ce qui revient à un «programme idéologique» : l’idéologie de la démocratie du 21ème  siècle est  à inventer et, dans le cas du « monde arabe », avec plus grande peine encore que dans les contrées déjà bien bercées par la démocratie, depuis des années ou des siècles…La nouvelle démocratie, post –ère du réel forgé par le virtuel, du temps de « l’indignation globale » suppose au moins que l’on s’occupe du présent en même temps qu’on se préoccupe du lointain lendemain, comme le font les écologistes…Cela veut dire : que diront et revendiqueront demain les enfants actuels de 10/15 ans dans dix ou quinze ans aux jeunes de 20/ 30 ans d’aujourd’hui qui peuplent les rues et les réseaux sociaux de leurs cris d’indignés ? Ces derniers doivent y penser maintenant avant d’achever les contours de leur rêve, de leur projet. C’est à ce prix aussi que leur projet pourrait survivre et perdurer le temps qu’ils enterrent définitivement, dans les confins du passé, les empires et leurs vassaux et faire éclore la dignité de l’humain partout, aujourd’hui et demain. 

Nos médias marocains, comme arabes, ne sont pas de la partie…
 
 En tant qu'observateur et médialogue, comment évaluez-vous l'accompagnement médiatique de ces événements et «révolutions historiques»?

Un accompagnement indigne, sous-développé et  inqualifiable mais, en fait, bien prévisible dans la mesure où l’audace, qui est la qualité ultime du journalisme, est produite par deux sources complémentaires dont notre journalisme, marocain, comme l’arabe, est démuni depuis toujours : une riche et une permanente connaissance du réel que permet un suivi audacieux au quotidien et une inlassable recherche de l’information qui compte dans la vie des gens et des peuples (qu’on appelle «information de qualité »), et une vision conquérante de la connaissance (par l’information) que nourrit une volonté de braver le futur, de l’accompagner, de l’anticiper, voire d’en influencer le cours par la révélation d’informations…D’un côté, vous avez la journaliste Martine Laroche-Joubert, de la chaîne publique française, qui est sur le terrain libyen depuis le début, il y a des mois, améliorant sans cesse sa connaissance de ce terrain qui importe à son public parce que la France y est impliquée, et de l’autre, vous avez l’absence systématique du service public du Maroc, pays comptant des centaines de milliers de ressortissants en Libye et pays en guerre latente avec le fou de Tripoli depuis des décennies…La Libye «fait partie du Maroc » au plan géopolitique comme aux plans économique et sociopolitique de par son émigration massive et de longue date, et pourtant nos médias, audiovisuels comme écrits, l’ignorent, alors que la rue marocaine vibre quotidiennement à son propos…Comme  nos médias sont absents de l’Égypte, pays dont la culture, la symbolique et le dialecte sont au moins aussi présents que les nôtres sur nos écrans, sur nos ondes, quotidiennement…L’Égypte aussi fait partie du Maroc, mais aucun journaliste marocain branché dessus « on line » pour nous en raconter les soubresauts actuels, ni pour nous expliquer les tests de laboratoire sur la démocratie auxquels se livrent, péniblement, nos voisins immédiats, les Tunisiens…En s’interdisant  que nos médias, écrits et audiovisuels, soient sur toutes les «places de libération» qui nous sont proches ou qui peuvent être prémonitoires pour notre devenir, nous les condamnons d’avance à être à contre-courant de l’histoire, à se ranger, malgré eux et d’emblée, dans le camp des «baltajia», à faillir à leur mission de nous aider à comprendre mieux ce qui nous arrive et ce qui risque de nous arriver en comprenant mieux ce qui arrive à nos semblables, à nos voisins, à ce qui se trame et  bout dans le monde en même temps que notre réel et notre virtuel! Hormis quelques petits joueurs qui s’adonnent  au journalisme «assis», loin du terrain, comme des enfants inconscients et inconsistants s’adonnent à des jeux qui flattent leurs petits muscles et leurs premières grimaces, à la quête, légitime après tout, d’affirmer leur présence mais sans conséquence notoire sur le sort des grands, nos médias, marocains, comme arabes, ne sont pas de la partie…Ils sont aux abonnés absents. L’histoire avance sans eux, juste à côté, sur la toile de l’Internet, à l’exception de quelques chaînes satellitaires dont les motivations sont davantage au service de desseins de régimes politiques qu’au service d’objectifs purement professionnels…Mais ça, c’est une autre histoire…Elle est bien connue d’ailleurs.

Après validation de la Constitution, Le Maroc a-t-il réussi enfin sa transition? Constitue-t-il vraiment une exception dans un monde arabe instable et quels sont les changements à attendre au niveau de ses structures profondes ? La forte demande sociale, politique et morale pourra-t-elle être satisfaite par le seul texte constitutionnel ?

Le mot transition est une mode qui a trop vieilli. La mesure du temps est plus que jamais sociale. Les discours politiques, les institutions, les jeux et procédures politiques sont  juste le dessin brouillon de l’ingénieur. Un croquis à gros traits. Le terrain et les matériaux de construction, les machines, les engins et les ouvriers pour construire sont le réel, la véritable preuve de « transition ». La transition c’est la construction, pas la perspective ou la promesse, encore moins le serment de foi. La transition se juge dans le quotidien des gens. On pourra parler de transition quand, non seulement on vivra tous dans des « villes sans bidonvilles », mais aussi quand policier, gendarme, douanier, fonctionnaire, juge, médecin ou infirmier, promoteur immobilier… n’exigeront pas de vous une « sucrerie », quand aucun automobiliste ne brûlera, même à minuit, un stop ou un feu rouge, quand pas le moindre denier public ne sera « avalé » par la gorge de celui qui en a la responsabilité de gestion, quand aucun jugement de justice ni un produit médiatique ne seront suspectés d’accointance avec un quelconque pouvoir ou groupe de pression ou d’intérêts, quand aucun droit du travail, des hommes comme des femmes, ne sera bafoué ou amputé, quand aucun rêve de création, ni aucun projet de vie, ne seront interdits, minorés ou phagocytés, quand l’essentiel de la vie collective sera animé et conduit par la majorité : la jeunesse. Le réel est une continuelle transition dans la démocratie. Les avancées successives et incessantes de la démocratie reviennent en fait à du travail de maintenance de ses acquis fondamentaux. C’est pourquoi on dit que la démocratie, le régime le moins mauvais, est «perfectible», c’est-à-dire qu’il se consolide par la maintenance, la rénovation, sans cesse, de son édifice…Mais cela suppose que l’édifice existe d’abord, dans une forme valablement habitable…Le Maroc, à cet égard, ne fait pas tellement exception, par rapport à ses comparables sur la «mosaïque arabe». Mais il peut faire exception s’il s’emploie à faire exception par rapport à lui-même. Quitte à faire exception par rapport à ses réputées «exceptions ou spécificités», par rapport à son histoire de peuple de «seigneurs déchus» qui ne veut pas reconnaître qu’il n’est plus, depuis des siècles, un empire, qui opte résolument pour la rupture avec lui-même, c’est-à-dire avec tout ce qui a fait qu’il soit ainsi, aujourd’hui, au même point de retard sur la marche de l’histoire que le reste des pays de la mosaïque arabe qui pourtant, bien souvent, ne peuvent prétendre aux mêmes potentialités que lui dans la conquête des horizons de la liberté, de la démocratie et de la dignité humaine. Faisons exception par rapport au « nous-mêmes » de maintenant pour qu’on puisse vraiment faire exception, demain, dans ledit monde arabe.   
 
La gouvernance est désormais en panne d’idées

La nouvelle dynamique sociétale après le 20 février conditionne l’espace public désormais. Quelles mesures l’Etat devrait-il prendre impérativement à votre sens ?

Dans la perspective de cette rupture avec soi, à l’aune du rêve, encore juvénile, de la démocratie, l’État, comme le reste des mécanismes et entités de gouvernance, ne peut et ne doit qu’être à l’écoute. A l’écoute de la majorité, les jeunes. C’est à ces derniers de se transformer en forces de propositions, d’éclaireurs du futur de par leur implication dans la construction de l’avenir qu’ils veulent, légitimement, différent de l’avenir qu’on leur prévoyait ou qu’on voudrait leur imposer. Pour cela, aux jeunes de comprendre que leurs rêves doivent muer en projet de société, en un «vivre ensemble» dont la force réelle est dans le local, dans la quotidienneté, dans la proximité, à eux de s’engouffrer, par le travail, la vigilance et la proposition, dans la vie collective telle qu’elle se déroule dans le réel quotidien, qui est la matrice fécondatrice du réel de demain : leur collectivité locale leur appartient, leur dispensaire local leur appartient, leur école locale leur appartient…Le sentiment d’appartenance à la collectivité locale doit les pousser à s’approprier la chose publique au niveau pratique local. Depuis l’implication dans les élections locales jusqu’à la création de médias locaux, en passant par l’interpellation, pacifique, légale  et citoyenne, des autorités, des élus, des institutions, des citoyens, de la gouvernance telle qu’elle se traduit, depuis le centre institutionnel lointain (les pouvoirs constitutionnels), sur le terrain de la vie concrète des gens autour d’eux. L’expérience réussie de l’ancrage de la démocratie dans les anciennes démocraties latino-américaines ne nous enseigne pas d’autres choix. Le Brésil, l’Argentine, le Chili, et d’autres, ont mis vingt ou trente ans  à aligner les briques de la démocratie depuis la base, le local, jusqu’aux parlements, les palais de justice et les palais du gouvernement et des présidents. Quant au niveau macro-institutionnel (Constitution, Parlement, gouvernement), le secret de son link avec le réel de tous les jours, est dans la vigilance concernant l’interprétation des textes (la Constitution et les lois), leur application et leur enrichissement/réforme continuellement au moyen de propositions permanentes et insistantes, mais avec expertise pertinente. La gouvernance est désormais en panne d’idées et elle n’est plus arrogante dans sa certitude traditionnelle d’imaginer les solutions aux problèmes (qu’on regarde le désarroi de l’Europe économique et financière à sauver ses meubles et la survie de sa monnaie ou l’impasse budgétaire de la 1ère puissance mondiale…). Plus que jamais, l’imagination doit être au pouvoir, l’imagination des jeunes, des jeunes bâtisseurs qui n’arrêtent pas leur énergie et leur intelligence juste au seuil de leurs rêves et leurs cris d’indignation, fussent-ils des plus légitimes et des plus impressionnants.


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