Le discours propagandiste du Front Polisario


par Dr Hdouch Youcef *
Vendredi 7 Janvier 2011

Le discours propagandiste du Front Polisario
Propagande: Définition   
Selon l’Institut d’analyse de propagande (1937), «la propagande est l’usage de la communication pour propager des croyances et des espérances spécifiques».
La littérature sur le contrôle des émotions et l’explication de ce contrôle diffèrent d’une théorie à une autre. Par exemple, le freudisme &  le behaviorisme des années vingt essayaient de produire une vision simpliste de la propagande. Pour le premier, le comportement humain est le fruit d’un conflit entre l’id, l’ego et le superego. Satisfaire ces besoins mène à persuader un individu. Pour le deuxième (DeFleur & Ball-Rokeach, 1989), toute action humaine est une réponse conditionnée à un stimulus externe.
L’autre théorie qui a contribué à l’explication de la propagande est la théorie de la Balle Magique dont l’idée principale est que les mass-médias pénètrent le cerveau de l’individu et créent un effet instantané.  Les défendeurs de cette perspective théorique argumentent que les individus sont simples d’esprit et ne peuvent rien faire contre le pouvoir magique des médias.  Ceux-ci peuvent créer dans le cerveau de tout individu des associations qui oscillent entre le bien et le mal, forger ces attitudes et transformer ces pensées.
En tant qu’art de persuasion, la propagande s’est fixé des objectifs. Parmi les travaux classiques qui ont essayé de les déterminer, on cite Lasswell (1927) et Lippmann (1922). Ces objectifs sont au nombre de quatre :
-Mobiliser la haine contre un ennemi,
-Préserver l’amitié des alliés,
-Préserver l’amitié des alliés et si possible acquérir la coopération des neutres.
Démoraliser l’ennemi.
En réalité, la propagande politique actuelle, surtout en temps de guerre, doit beaucoup à l’ouvrage classique de Sun Tsu «L’Art de la guerre». Elle se base sur la désinformation qui vise à discréditer l’opposition.  Ainsi, à ce stade de notre étude, il est nécessaire de souligner le fait que la propagande est un mot-valise; en effet, elle se divise en trois catégories.
La première est la propagande noire dont l’objectif est de transmettre délibérément des mensonges (e.g. le mouvement nazi). La deuxième est la propagande blanche qui consiste à supprimer des idées douteuses ou pernicieuses tout en promouvant l’information positive pour détourner l’attention.
La dernière catégorie, la propagande grise vise à transmettre des idées qui peuvent être fausses ou vraies; par contre, dans ce type le propagandiste ne fait aucun effort pour déterminer leur crédibilité.
Selon Severin & Tankard (1997), la propagande dans la société contemporaine se base sur sept techniques qu’on trouve surtout dans les campagnes politiques, les spots publicitaires, les éditoriaux et les déclarations des groupes extrémistes. Ces moyens sont comme suit :
Appellation négative/ Nom d’appel est le processus de donner à une idée une mauvaise étiquette pour la rejeter et la condamner sans examiner vraiment l’évidence. Le propagandiste fait appel à nos émotions de la haine et la peur. Il procède par donner de mauvais noms à des individus, groupes, nations, races, politiques, croyances, etc. Son but est de nous amener à tout condamner. Par exemple, après les attaques du 11 septembre, les médias américains sont parvenus à associer le musulman au terrorisme. (Cf. Lee et Lee 1939)
 Généralité éclatante consiste à employer un mot de vertu «pour nous inciter à accepter et approuver sans examiner l’évidence» (Lee et Lee 1939). Dans la politique, les expressions comme «le droit de travailler», «le droit de voter» et «le combattant de la liberté» sont des exemples utilisés par le propagandiste pour faire appel à nos émotions de liberté, égalité, justice, démocratie,  etc. L’objectif final est de légitimiser son programme.  En un mot, le propagandiste cherche à nous allier à sa propre cause.
Le transfert est un dispositif par lequel le propagandiste reporte l’autorité,  la sanction et le prestige de quelque chose que nous respectons. Par exemple, si le propagandiste réussit à convaincre une autorité religieuse ou une organisation respectable à adopter son programme, il transfère de ce fait son autorité, sanction, et prestige à ce programme. Si cette technique est employée, le propagandiste utilise des symboles comme le drapeau de la nation, le Coran ou la Bible. Ces symboles provoquent des émotions.  En effet, ils sont utilisés soit pour ou contre une idée ou une cause. L’affiche au-dessous était employée pendant la première guerre mondiale pour inciter les Britanniques à joindre l’armée.
L’utilisation des témoignages est l’emploi de personnalité respectée pour instiller la confiance publique. Dans la publicité, on cite les propos des célébrités (acteurs, philanthropes, athlètes, etc.). La raison pour l’usage de ces personnalités est due au fait que le public considère ces figures publiques comme des idoles. Souvent les politiciens citent les propos d’une personnalité publique hors de son contexte. En d’autres termes, cette citation préjudiciable est employée par des adversaires comme tactique de critique. C’est une édition sélective des citations qui peuvent changer des significations. Les documentaires politiques, conçus pour critiquer un adversaire ou un point de vue politique, sont des exemples par excellence.
L’homme ordinaire/le commun des mortels est une autre technique utilisée par les politiques, les syndicalistes, etc. qui vise à gagner l’opinion publique. En effet, le propagandiste veut être quelqu’un d’ordinaire.   Pour gagner la confiance de l’audience, il communique comme le public cible. Il montre son dévouement et sa dévotion pour les enfants et la famille. Plus encore, il s’habille comme le public cible. Les slogans comme «le candidat du peuple» ou «le fils du peuple» et les allocutions comme «chers frères et sœurs» montrent que le politicien n’est qu’un fils de la famille, de la tribu, ou de la nation.
Carte d’empilement vise à présenter l’information qui est favorable à une idée ou une opinion tout en omettant des informations contraires à celle-ci.  La carte d’empilement est utilisée dans presque toutes les formes de propagande, et est très efficace pour convaincre le public.  La meilleure façon de traiter avec cette carte est d’obtenir de plus amples informations. Par exemple, lors d’une campagne électorale, une interview se penche juste sur les propos des supporteurs d’un candidat. Ceux des opposants sont omis.  
Bandwagon
 Bandwagon est un appel à l’individu de suivre la foule, se joindre à d’autres. Cet outil tente de convaincre le sujet qu’il est gagnant s’il s’adhère à la position du groupe. Le message du propagandiste est le suivant : la victoire est inévitable et la défaite est impossible. Face à cette technique, il faut peser les avantages et les inconvénients de l’adhésion indépendamment de la quantité de personnes qui ont déjà rejoint, et, comme avec la plupart des types de propagande, nous devons chercher plus d’informations.
Pour approcher la propagande de façon appropriée, Ross (2002) soutient que l’on doit envisager un triple modèle de communication: l’expéditeur-message-récepteur. L’expéditeur est la personne qui cherche à convaincre une cible (le récepteur)  en utilisant des moyens pour atteindre cet objectif (message). Selon cet auteur, pour classifier un certain discours comme étant de la propagande, il y a quatre conditions à satisfaire :
1) La propagande dans l’intention de persuader ;
2) La propagande est envoyée au nom d’une institution sociopolitique, une organisation ou  une cause ;
3) Le bénéficiaire de la propagande est un groupe social important de personnes. Enfin, la propagande est un défi épistémique qui lutte pour d’autres pensées.
Dans ce cadre, l’analyse du discours du Front Polisario satisfait les quatre conditions mentionnées ci-dessus. Ce discours tente de persuader les Sahraouis de former un Etat ; il est délivré par un groupe qui clame sa propre «vision politique, sociale et économique»;  le groupe bénéficiaire se constitue «des habitants des régions du sud» et qui appartiennent  à des tribus plus ou moins partageant «les mêmes origines ethniques».
A ce stade de notre travail, nous proposons d’analyser le discours dudit président du front Polisario, Mohammed Abdelaziz du  21/05/2005 à Tifariti à l’occasion des festivités marquant le 32ème anniversaire de la naissance du Front Polisario. Les paragraphes portent des numéros pour faciliter la référence aux différentes idées.
«Au nom de Dieu, Clément et Miséricordieux, Honorables hôtes,
Combattants de l’Armée de Libération Populaire sahraouie,
Mesdames et Messieurs,
1-Aujourd’hui, jour pour jour, trente deux années ont passé depuis le déclenchement de la lutte armée menée par le «peuple sahraoui» sous la conduite du Front populaire pour la libération de Saguiet El Hamra et Rio de Oro (Front Polisario) pour faire valoir ses aspirations légitimes et exercer son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance.
2-En ce moment où nous célébrons cet événement décisif de l’histoire de notre peuple, il est impératif de glorifier nos martyrs qui ont jalonné le chemin devant nous par leur propre sang et à leur tête, le martyr de la liberté et de la dignité, El Wali Moustapha Sayed, que Dieu ait son âme.
3-Par cette même occasion je voudrais hautement saluer les combattants de l’Armée de libération populaire sahraouie (ALPS), ces héros qui, aujourd’hui comme hier, sont stationnés sur le front de combat dans les territoires libérés, avec tout ce que cela suppose d’abnégation, de sacrifice, d’endurance et de gloire, dont cette parcelle libérée de notre territoire où nous nous trouvons aujourd’hui peut en témoigner. Ces mêmes combattants qui demeurent plus que jamais acharnés pour défendre nos acquis et résolus au sacrifice pour le parachèvement de la libération de la patrie. Je voudrais les féliciter en ce mémorable anniversaire, qui coïncide avec la journée de l’ALPS.
4-Par la même circonstance, nous voulons exprimer notre solidarité et notre ferme soutien à nos vaillants compatriotes  dans les territoires occupés et au sud du Maroc, qui ont pu déjouer, durant plus de 29 ans, les tentatives marocaines tendant à altérer l’originalité authentique de la personne sahraouie et braver les multiples campagnes de répression, de supplice  et de persécution, matérialisées encore aujourd’hui contre les activistes sahraouis des droits humains, qui n’ont été que renforcés davantage dans leur conviction, leur patriotisme, leurs objectifs et leur résistance.
Mesdames et Messieurs,
5-Dans un laps de temps très court, la révolution sahraouie a réussi à poser la première pierre d’un projet de société moderne, basé sur les principes de la démocratie et du respect des droits humains, ouverte sur le monde et fondée sur le bon voisinage, le respect mutuel et la coexistence entre les religions et les cultures. Une société qui respecte la femme et qui y bénéficie de tous ses droits. Egale à l’homme, elle a occupé une place prépondérante à tous les niveaux, politique, parlementaire et administratif au sein de la jeune République.
6-Nous ne pouvons pas énumérer dans un court discours les importants acquis réalisés dans les domaines politique, militaire, diplomatique et social au niveau de la santé, l’enseignement, l’éducation et la culture dans des conditions extrêmement difficiles et en un temps record, grâce aux efforts gigantesques fournis par le «peuple sahraoui» et au soutien indéfectible des amis de notre peuple et leur solidarité avec sa juste cause.
7-En ce moment où nous sommes aujourd’hui à Tifariti, dans les territoires libérés, nous avons à nos côtés des centaines de ces amis en provenance de l’Algérie, le pays d’un million et demi de martyrs, le pays de positions et de principes historiques aux côtés des causes justes dans le monde, sous la conduite de son Excellence, notre respectueux frère et ami, le Président Abdelaziz Bouteflika.
De l’Afrique du Sud, le pays de Nelson Mandela et d’Oliver Tambo, symboles de la lutte pour la liberté en Afrique et dans le monde, nous comptons parmi nous également l’ambassadeur de ce pays qui présente ses lettres de créance dans la ville de Tifariti libérée.
8-De l’Espagne, il faut aussi compter la présence massive du mouvement associatif solidaire et actif dans son soutien à la cause sahraouie, qui rejette toute position officielle de son gouvernement qui ne tienne pas compte du droit du «peuple sahraoui» à l’autodétermination et à l’indépendance.
9-Et enfin de l’Europe, nos amis ici présents, fustigent toute position européenne soutenant l’occupation marocaine illégale du Sahara occidental ou participant au pillage des richesses halieutiques ou du sous-sol sahraoui sans le consentement de son peuple.
10-Nous vous saluons tous, vous qui êtes venus de toutes les contrées pour vous joindre à ce rassemblement sahraoui et pour participer à une manifestation populaire pacifique qui dénonce un crime contre l’humanité et une honte en ce monde du 21ème siècle, je veux dire le mur érigé par les forces d’occupation marocaines, qui divise le Sahara occidental, son peuple et son territoire par un affreux rempart de soldats, de mur de sable, de pierres, d’armement et de millions de mines  antipersonnel, interdites par les conventions internationales.
11-Ce mur, le plus long du monde, dont nous réclamons aujourd’hui son démantèlement à l’instar du Mur de Berlin, n’est que la face visible des crimes odieux contre l’humanité commis par les autorités d’occupation marocaines contre des milliers d’innocents, femmes, enfants et vieillards durant trente années de colonialisme.
Mesdames et Messieurs,
12-Depuis trente ans le «peuple sahraoui» a eu recours à la lutte armée après que les autorités coloniales en leur temps avaient refusé d’accepter la solution pacifique et précisément après le soulèvement pacifique de Zemla le 17 juin 1970, qui s’est soldé par une hécatombe pour des citoyens sahraouis innocents et à leur tête le héros et le leader symbolique, Mohamed Sidi Brahim Basiri.
13-La continuité de la lutte armée légitime et soutenue par la communauté internationale contre l’occupation marocaine trouve ses causes dans le refus du gouvernement marocain de répondre aux appels pacifiques répétés et aux avertissements fraternels que lui a adressés le «peuple sahraoui» afin de s’abstenir de marcher dans cette aventure coloniale.
14-Nous avons toujours opté pour la solution pacifique, nous y croyons et nous continuons à y croire. Nous voulons une solution démocratique juste. Tout ce que nous demandons, c’est de laisser les urnes arbitrer entre les deux belligérants, le Front Polisario et le gouvernement marocain, en permettant au «peuple sahraoui» d’exprimer sa volonté que lui confèrent le droit et les conventions internationales.
15-Partant de la position dangereuse du Maroc, exprimée officiellement depuis avril 2004, de rejet du principe du référendum et de l’autodétermination pour parachever la décolonisation du Sahara occidental, étant la base principale de l’accord qui a engendré le cessez-le-feu, et considérant que la communauté internationale n’a pas encore pris de position ferme face à cette rébellion contre la légalité internationale, le «peuple sahraoui» ne peut rester les bras croisés indéfiniment. Il luttera pour faire valoir ses droits nationaux par tous les moyens légitimes, dont la reprise de la lutte armée.
16-En ce moment où nos mains sont tendues pour une paix véritable, juste et durable, nous lançons un appel pressant au gouvernement marocain pour faire valoir la voix de la sagesse et pour se conformer à la légalité internationale en appliquant les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale et pour ne pas perdre l’occasion de paix ouverte par  le plan de paix pour l’autodétermination du «peuple sahraoui», le plan Baker. Nous appelons également avec insistance la communauté internationale, représentée par le Conseil de sécurité et l’ONU d’assumer leur responsabilité et d’être fidèles à  l’engagement de parachever la décolonisation du Sahara occidental, de permettre au «peuple sahraoui» d’exercer son droit à l’autodétermination et d’éviter à la région de rentrer dans un tourbillon d’insécurité et d’instabilité.
17-Encore une fois, je remercie infiniment tous les hôtes de notre peuple qui ont supporté la fatigue du voyage pour participer avec nous à cet anniversaire. Je félicite nos citoyens partout où ils se trouvent, dans les camps de réfugiés, ici dans les territoires libérés, dans les territoires occupés et ailleurs au sein de la diaspora et je renouvelle encore une fois de plus mes félicitations aux combattants pour la journée de l’ALPS. Merci.»
Le discours se divise en trois parties. Chacune se penche sur une thématique spécifique. La première se fixe comme objectif de dresser et de rappeler l’histoire du mouvement Polisario. Elle  commence par des salutations adressées aux honorables hôtes et surtout aux
«combattants de l’Armée de libération populaire sahraouie». L’appellation de ce mouvement séparatiste est très significative. Elle accentue le programme/la cause et l’identité homogène du mouvement. En effet, on essaye de nous faire croire qu’il s’agit là d’une organisation qui lutte pour la liberté  d’une ethnie, d’une minorité. Le terme liberté présuppose un occupant. Ici on reconnaît la technique de Généralité éclatante. Ledit président attribue une légitimité au combat mené par les Sahraouis ; ce sont des «combattants», des «martyrs», des «héros» et pas des terroristes. Il fait appel aux émotions de la liberté et le droit de vivre. Ce message est réitéré dans le premier paragraphe qui accentue l’idée que «la lutte armée menée par le «»peuple sahraoui»» sous la conduite du Front Populaire pour la libération de Saguiet El Hamra et Rio de Oro (Front Polisario) [a pour objectif]… valoir ses aspirations légitimes et exercer son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance».
A ce stade du discours, ledit leader du Polisario fait appel à la technique de la carte d’empilement. En effet, le terme «peuple sahraoui» présuppose l’existence d’un peuple homogène qui n’a pas de relations avec les Marocains du Nord. Pourtant, l’histoire nous a enseigné que les habitants du Sud ont immigré vers le Nord et vice-versa. D’ailleurs les tribus de Dlim se trouvent dans le Sud et dans le Centre et le Nord du Maroc. Les Zaouïas comme les Al Mohads, qui ont gouverné tout le Maroc pendant des siècles, sont d’origine sahraouie. Les tribus de Jbala  au nord du Maroc, dites les Aroussis, sont originaires du Sud. Finalement, l’ironie implicite dans ce discours est que le leader lui-même est né et a grandi à Marrakech.   
Dans le 3ème et le 4ème paragraphes, on reconnaît deux techniques essentielles, notamment, le Bandwagon et la carte d’empilement. Les combattants sont décrits comme des héros, des martyrs d’une cause suprême et honorable.  En effet, la citation des noms comme El Wali Moustapha Sayed est un appel explicite pour joindre ce groupe de militants. Ce groupe est une marque déposée dont le sort est la victoire et la vie éternelle dans la mémoire collective. Les propos de Mohamed Abdelaziz supporte cette interprétation : «Les combattants de l’Armée de libération populaire sahraouie (ALPS), ces héros qui, aujourd’hui comme hier, sont stationnés sur le front de combat dans les territoires libérés, avec tout ce que cela suppose d’abnégation, de sacrifice, d’endurance et de gloire, dont cette parcelle libérée de notre territoire où nous nous trouvons aujourd’hui peut en témoigner».
Sur un plan stylistique, on remarque un changement dans l’usage des pronoms. En effet, tandis qu’en paragraphe 3 le pronom «je» est utilisé (Je voudrais les féliciter …) en paragraphe 4 on trouve le pronom «nous» (nous voulons exprimer notre solidarité…). Le «nous» renvoie à un groupe dont les qualités morales font l’objet d’un consensus. Ici le discours s’adresse à notre sens de ce qui est juste et vrai. Le propagandiste Mohamed Abdelaziz fait appel aux émotions de liberté, égalité, justice, démocratie, etc. Son objectif suprême est de légitimiser son programme.  En un mot, il cherche à allier les Sahraouis à sa propre cause.
Les généralités éclatantes dont fait usage le dit président sont tirées d’un lexique universellement reconnu, celui des droits de l’Homme. Il argumente que «les tentatives marocaines tendant à altérer l’originalité authentique de la personne sahraouie et braver les multiples campagnes de répression, de supplice  et de persécution, matérialisées encore aujourd’hui contre les activistes sahraouis des droits humains, qui n’ont été que renforcés davantage dans leur conviction, leur patriotisme, leurs objectifs et leur résistance».
Les termes droits humains, répression, persécution, patriotisme et résistance forment un champ sémantique qu’on trouve dans la déclaration universelle des droits de l’Homme. La désinformation dans ce discours est flagrante; elle cherche à discréditer le Royaume du Maroc comme étant un violeur des droits humains et des conventions internationales. La vérité est tout autre chose. Tout le monde sait que le Maroc a investi beaucoup de moyens pour promouvoir les provinces du Sud. En effet, tout le Maroc s’est sacrifié pour satisfaire les droits économiques, politiques, sociaux et intellectuels des citoyens sahraouis. Ces provinces sont parmi les mieux équipées en matière d’infrastructures (routes, hôpitaux, eau potable, écoles, ports, etc.). Le mensonge dans le discours du Polisario devient plus clair si on prend en compte la position de plusieurs associations humanitaires internationales qui ont cessé d’envoyer des denrées alimentaires aux camps des réfugiés (e.g: France Libertés). La raison est  que les leaders du Front vendent ces denrées dans les marchés mauritaniens et maliens.
Le mensonge devient plus fragrant pour le lecteur averti et connaisseur  des intrigues du conflit. La région de Tifariti est considérée par les Nations unies comme région tampon. Alors que les propos de Mohammed Abdelaziz qualifient cette région de «parcelle libérée de notre territoire …».
La deuxième partie du discours se penche sur une autre thématique, celle des accomplissements réalisés par ladite république. Selon ledit président, le Polisario a réussi à fonder un Etat où règnent la démocratie et le respect des droits de l’Homme.   Il réclame que  «dans un laps de temps très court, la révolution sahraouie a réussi à poser la première pierre d’un projet de société moderne, basé sur les principes de démocratie et du respect des droits humains … une société qui respecte la femme et qui y bénéficie de tous ses droits. Egale à l’homme, elle a occupé une place prépondérante à tous les niveaux, politique, parlementaire et administratif au sein de la jeune république».
Ces dires font usage de la technique de la carte d’empilement car ils présentent «la jeune république» comme un Etat utopique. Alors que la vérité est tout autre chose. En effet, Mohammed Abdelaziz est «président» depuis plus que trois décennies. Il est toujours élu à plus de 99% des voies.  Toute tendance et toute tentative de changer le dispositif politique en place est rapidement avortée. Dans ce cadre, je cite l’exemple du mouvement «Ligne du Martyr» siégé à l’étranger et qui lutte pour instaurer la démocratie qui caractérise les vrais régimes républicains. Seuls  les notables des tribus sahraouies occupent les positions clés dans le gouvernement de ladite république (ministres, membres du Parlement, ambassadeurs).  Tandis que les Sahraouis issus de familles modestes vivent dans la soumission et la misère.
La famille est sacrifiée au nom de «la république». En effet, les enfants et les parents sont séparés. Les enfants sont envoyés dans les pays communistes comme Cuba pour apprendre et accéder à l’école. Pire encore, les enfants kidnappés en 1975 vivent seuls dans les camps de concentration à Tindouf.  Ces réalités contredisent les propos dudit leader qui prétend avoir accompli d’«importants acquis … dans les domaines politique, militaire, diplomatique et social au niveau de la santé, l’enseignement, l’éducation et la culture».  
La deuxième partie du discours emploie la technique du témoignage. Ledit «président» cite les noms de pays (Algérie, Afrique du Sud, Espagne), de célébrités (Nelson Mandela et Oliver Tambo) et des associations des droits de l’Homme. L’illusion communiquée par le présent discours est que la lutte des Algériens contre le colon français, et les Africains du Sud contre l’Apartheid est identique à celle menée par les «Sahraouis» dans le Sud du Maroc.
 La comparaison manque de crédibilité historique. Les Algériens  luttaient contre un Etat étranger qui a envahi leur pays. Les Africains du Sud  luttaient contre un régime raciste et injuste. Cependant, le Maroc n’est pas un pays envahisseur : les Marocains sont chez eux. Le gouvernement n’est pas raciste ou injuste. Les habitants des provinces du Sud gèrent leurs affaires locales eux-mêmes (municipalités, conseils régionaux, etc.). Mieux   encore, le Maroc a fait preuve de bonne foi en proposant le projet d’auto-gouvernance : parlement régional, gestion des ressources naturelles, éducation, etc.  Ce projet innovateur est accepté par les grandes puissances du monde : Les Etats-Unis, la Communauté européenne, la Ligue arabe, etc.
La troisième partie oscille entre la menace de reprendre la lutte armée et l’appel à établir la paix. Ledit président fait usage de la technique de transfert. En effet, il fait appel à des conventions internationales ratifiées par l’ONU. Les termes comme camp de réfugiés, référendum, autodétermination et décolonisation ne sont pas utilisés dans leur propre contexte. Selon Abdelhamid El Ouali, cité par Ould Sidi Baba, il est «nécessaire de fermer les camps des réfugiés de Tindouf, dans le sud algérien, car ce sont des camps militaires gardés par les forces du Polisario et de l’Algérie et que les populations dites réfugiées dans ces camps sont gardées par la force des armes et la menace de représailles et qu’elles ne peuvent ni bouger ni exprimer le désir de vivre ailleurs. Situation paradoxale et unique au monde, car les camps de réfugiés dans le monde entier bénéficient du libre choix de se mouvoir et de se déplacer».
Cette dé-contextualisation sémantique s’applique aussi aux autres termes, notamment référendum et autodétermination. Dans une interview avec le quotidien néerlandais «NRC Handelsblad» (édition du 24 mai, 2009),  le représentant du Secrétaire Général de l’ONU  Peter Van Walsum a déclaré l’impossibilité d’organiser un référendum au Sahara. Cette position est légitime puisqu’elle met à nu toute la propagande mensongère menée par l’Algérie et le Polisario. La proposition marocaine d’auto-gouvernance est la meilleure solution pour en finir avec ce conflit qui a duré pendant des décennies.  Celle-ci est une décision rationnelle et juste qui dépasse de loin l’attitude démagogique adoptée par le Polisario.
Conclusion
Les propos démagogiques et propagandistes dudit président ont pour but l’obtention du soutien d’un groupuscule qui défend ses intérêts politiques et économiques.  Pour cela, ce démagogue utilise des discours délibérément simplistes, sans nuances, dénaturant la vérité et faisant preuve d’une complaisance excessive. Il fait ainsi appel à la facilité, voire à la paresse intellectuelle, en proposant des analyses et des solutions qui semblent évidentes et immédiates. Il ne fait pas appel à la raison et il ne cherche pas réellement l’intérêt général.

* Enseignant chercheur
Faculté des Lettres –Kénitra

Références
DeFleur, M. L. & Ball-Rokeach, S. (1989). Theories of Mass Communication (5th ed.). White Plains, NY: Longman.
Institut d’Analyse de Propagande (1937). «How to Detect Propaganda« . Dans Gary Goshgarian (ed.) Exploring Language. (10eme edition) 2004.
Lasswell, Harold (1927). Propaganda Technique in the World War. Peter Smith.
Lee. Alfred M & Elizabeth B. Lee (1972). The Fine Art of Propaganda. Octagon Books.
Lippmann (1922). Public Opinion. New York: The Free Press.
Ould Sidi Baba, Khalid (2009). « Sahara: Nécessité de fermer les camps militaires des séquestrés de Tindouf«. Droits HUMAINS .ORG.
Ross, Sheryl Tuttle. (2002). «Understanding Propaganda: The Epistemic Merit Model and Its Application to Art.» Journal of Aesthetic Education.
Severin & Tankard (1997). «Theories of Persuasion«. Communication Theories, 4th edition, 197-214.


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1.Posté par abc le 07/01/2011 09:16
faire du bien et que du bien pour le plaisir du bon Dieu

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