"Si la crise persiste, on assistera à un effondrement de l'économie. Il y aura la famine notamment en milieu rural, et cela conduira à une catastrophe humanitaire", avertit M. Afandi. Des pénuries récurrentes de produits pétroliers et de gaz domestique, qui se vendent aujourd'hui 200% et 300% plus cher que le prix officiel, se sont accompagnées de fréquentes coupures d'eau courante et d'électricité, accentuant les difficultés de la population. La production pétrolière du Yémen, de quelque 300.000 barils/jour en 2010 et générant 60% des revenus de l'Etat, a été très largement perturbée par l'insécurité qui accompagne le mouvement de contestation contre le président Ali Abdallah Saleh, déclenché en janvier dernier.
"Nous espérons une détente rapide sur le plan politique pour sauver la situation économique d'autant que l'activité pétrolière a repris son rythme habituel pour la production et l'exportation", a déclaré à l'AFP un responsable yéménite, qui a requis l'anonymat. Mais le président, au pouvoir depuis 33 ans et actuellement en convalescence en Arabie saoudite où il a été soigné après avoir été blessé dans un attentat en juin, ne semble pas prêt à céder à ses détracteurs qui l'accusent notamment de corruption et de népotisme. Le taux de croissance économique au Yémen, qui était de 4,5% en 2010, a chuté à 3% au premier trimestre de cette année, puis à 1,5% cinq mois plus tard, a indiqué Anwar Eshki, directeur de l'Institut du Moyen-Orient pour les études stratégiques, basé à Jeddah en Arabie saoudite.
La persistance de la crise a dissuadé les capitaux étrangers, dont le flux s'est actuellement tari au Yémen où seules 17 nouvelles sociétés d'investissement ont été recensées au premier trimestre, contre 92 au cours de la même période de l'an dernier, a-t-il ajouté. Selon lui, 500 usines ont fermé leurs portes depuis le début de la crise. L'activité dans les secteurs du bâtiment et du commerce a régressé de 80% à 90% et le tourisme est quasiment paralysé, a-t-il ajouté, soulignant que le manque à gagner pour le secteur privé est estimé à 17 milliards de dollars depuis le début de l'année.
La détérioration des conditions de vie et l'affaiblissement de l'Etat dans ce pays à structure tribale, où la population est fortement armée et Al-Qaïda est actif, "risquent de conduire à une guerre civile aux conséquences imprévisibles sur l'ensemble de la région du Golfe", grand fournisseur du monde en brut, a estimé M. Eshki. "La situation est encore sous contrôle à la faveur des médiations régionales et internationales dans la crise, mais le temps presse et il incombe à la communauté internationale d'apporter une aide humanitaire d'urgence aux Yéménites pour éviter le pire", a-t-il averti. En août, le Conseil de sécurité de l'ONU a déjà tiré la sonnette d'alarme en exprimant ses "graves inquiétudes" face à la détérioration de la situation humanitaire et économique, après une mission dans ce pays de l'envoyé spécial des Nations unies, Jamal Benomar.