
Le vent de colère qui a fait 125 morts et des milliers de blessés ne s'affaiblit toujours pas. Les contestataires continuent encore à occuper la rue malgré le couvre-feu et l'arrêt total de l'activité ferroviaire, principal moyen de transport des Egyptiens.
L'Egypte vit ainsi un processus révolutionnaire et non plus une révolte, puisque toutes les institutions et les acteurs politiques et sociaux sont en mouvement.
Toutes les questions économiques, sociales, politiques qui ne sont pas réellement traitées par le pouvoir depuis trois décennies et qui se sont aggravées au cours de la dernière décennie se sont conjuguées pour donner au mouvement populaire toute sa force.
La souffrance sociale était devenue objectivement insupportable tandis que se formaient depuis quelques années des mouvements de contestation d'abord très localisés puis de plus en plus structurés.
Les Egyptiens étaient connus pour leur aversion pour le risque. Ils disaient toujours mieux vaut celui que l'on connaît plutôt que celui que l'on ne connaît pas, mais cette fois-ci ils ont préféré l'inconnu.
Le système tout entier a été ainsi ébranlé et cet Etat qui est l'Etat le plus ancien du monde va se refonder de fond en comble.
On a connu l'Egypte monarchique, puis l'Egypte des militaires depuis 1952. Nous assistons à l'avènement de la nouvelle Egypte. C'est en réalité la première révolution que n’a jamais vécue l'Egypte dans toute son histoire puisque le peuple a toujours accueilli pacifiquement et passivement l'arrivée d'un «pharaon» après l'autre. Leur nom changeait, mais leurs prérogatives très peu !
Ce qui paraissait impensable il y a quelques jours est en train de se produire à une vitesse fulgurante. Le poids stratégique de l'Egypte laissait croire que le système sécuritaire était invincible, verrouillé et garanti par des forces extérieures.
On croyait le pays enchaîné par ses accords de paix avec Israël, de coopération militaire et sécuritaire avec les Etats-Unis et l'Europe et les programmes d'aide dont il bénéficie de la part de ces pays.
Or c'était le régime qui était enchaîné parce qu'il s'était posé en serviteur des intérêts de ces pays. Le peuple voulait la protection de sa sécurité à lui non de celle de la classe dirigeante et des autres pays.
Totalement paralysé, le pays a donc plongé graduellement dans le chaos et le pire est à craindre. L'économie qui est à l'arrêt depuis plus d'une semaine déjà, aura du mal à retrouver rapidement ses marques. L'après Moubarak pourrait donc pas être de tout repos.