La place de l’eau dans un monde post-Covid-19 plus solidaire et durable


Par Abdoulaye Sene *
Jeudi 25 Juin 2020

La place de l’eau dans un monde  post-Covid-19 plus solidaire et durable
L’accès à l’eau est essentiel à la réalisation de tous les droits humains, au développement socioéconomique, à la santé, à la construction de la paix et de la résilience, tant au niveau des pays qu’à l’échelle internationale. L’eau joue un rôle clé dans la causalité, la transmission et la prévention de nombreuses maladies, tout en étant essentielle à la santé et au maintien des écosystèmes qui fournissent notre alimentation ainsi que d’autres biens et services.
L’actualité de la pandémie de Covid-19 a mis à nu les carences dans les politiques d’accès à l’eau et à l’hygiène, notamment dans les pays en développement où la faiblesse des systèmes d’approvisionnement en eau et d’accès aux services sociaux de base remet en cause toutes les stratégies de prévention, d’adaptation et de résilience. Cette pandémie nous rappelle également le long chemin qui nous sépare encore de l’atteinte de l’accès universel à l’eau, une des cibles majeures des ODD en 2030.
Dans plusieurs régions du monde, le Sahel en particulier, les crises liées à l’eau, exacerbées par la croissance démographique, les conflits armés et les changements climatiques, accentuent les inégalités, l’insécurité et les hydro-conflits entre communautés.
L’amélioration de l’accès à l’eau devient ainsi une priorité impérative pour renforcer la résilience des populations et la sécurité alimentaire et stabiliser le Sahel où la montée de l’extrémisme violent pose des défis sécuritaires, de paix et de développement. Ainsi, il est heureux de constater que le G5 Sahel ait adopté une stratégie qui repose sur un Programme d’investissements prioritaires qui vise notamment à réduire les vulnérabilités à travers un meilleur accès à l’eau.
Elément fondamental pour l’harmonie et la résilience des sociétés et des écosystèmes, l’eau est également vitale pour la sécurité globale de la planète. En effet, l’insuffisance d’instruments politiques et de cadres formels de coopération pour la gestion des ressources hydriques en partage entre plusieurs Etats, est source de conflits potentiels dans de nombreuses régions du monde, comme dans le bassin du Nil et dans le Proche-Orient.
La diplomatie de l’eau s’impose aujourd’hui comme un instrument privilégié pour garantir la sécurité de l’eau, la paix entre pays riverains de bassins partagés et pour la gestion efficace des eaux transfrontières, qui doivent être un vecteur de coopération et non de conflit.
A ce titre, fort de son expérience en matière de coopération transfrontalière, le Sénégal a lancé le premier débat formel sur le triptyque « Eau, paix et sécurité » au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), en novembre 2016.
La « coopération » apparaît assurément comme la voie du salut pour la gestion durable des ressources en eau partagées, bien que 158 des 263 cours d’eau internationaux partagés ne disposent toujours pas de cadre de coopération bien établie.
Il s’y ajoute, selon de nombreux spécialistes, que l’accès inégal à l’eau, la pénurie d’eau et des structures de gestion insuffisantes pourraient être les causes principales des conflits interétatiques et régionaux de demain.
Déjà, dans plusieurs conflits, même si l’eau n’est pas la principale raison déclarée, son contrôle n’en constitue pas moins un enjeu important pouvant attiser les conflits. Dans d’autres situations, l’eau est tout simplement utilisée comme arme pour exercer la pression sur des populations vulnérables.
Il faut relever, à cet égard, que la construction de nouveaux barrages en Afrique de l’Ouest ou du Centre, à cause du morcellement politique de la région, va nécessiter des négociations serrées et engendrer des tensions autour du partage de l’eau, du fait aussi des considérations environnementales importantes à prendre en compte.
La situation est délicate pour le fleuve Niger qui compte dix pays riverains, mais elle est aussi complexe ailleurs en Afrique, notamment autour de la gestion des eaux du Nil entre pays situés en amont et en aval, ou autour du Lac Tchad. La question de l’eau reste assurément au cœur de l’Agenda de la paix et du développement.
Dans le cadre du renforcement de sa volonté politique à promouvoir la coopération et l’hydro-diplomatie et dans une perspective de diplomatie préventive, le Sénégal a adhéré à la Convention des Nations unies sur l’eau de 1992. Il a lancé la mise en place du Pôle de l’eau de Dakar qui va participer à concrétiser les recommandations du Panel mondial de haut niveau sur l’eau et la paix. Le Sénégal a engagé aussi, avec plusieurs institutions financières, l’opérationnalisation d’un Fonds bleu, un mécanisme de financement innovant, afin de renforcer la coopération et de promouvoir la construction d’infrastructures d’intérêt commun de mise en valeur des ressources en eau partagées, et l’accès universel à l’eau.
Les bassins partagés apparaissent comme des lieux privilégiés pour bâtir des économies solidaires et résilientes. Dans le Sahel, les conditions climatiques sont marquées par une grande variabilité spatiale et temporelle, avec des dérèglements chroniques et catastrophiques qui ont poussé les Etats riverains du fleuve Sénégal à mettre en place en 1972 l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS).
Aujourd’hui, l’exemple réussi de l’OMVS est assez emblématique. Il a permis de bâtir, grâce à la réalisation d’activités autour du Nexus Eau-énergie-agriculture, des infrastructures et des programmes structurels d’envergure qui contribuent au renforcement de la résilience des systèmes de production des quatre Etats membres.
C’est au regard de ses acquis, de son leadership dans le domaine de l’eau et de la diplomatie de l’eau, que le Sénégal a été choisi pour abriter, en mars 2021, le 9ème Forum mondial de l’eau. L’organisation du 9ème Forum dans la période post-Covid-19 offre l’occasion de repenser la manière d’aborder les enjeux vitaux de l’eau, dans le cadre du grand chantier de la relance et de la résilience de l’économie post-Covid-19, où l’eau occupera assurément une place importante.
Facteur clé de résilience et de paix, la sécurité de l’eau sera au cœur du cadre d’action du 9ème Forum mondial de l’eau, dont les composantes s’articulent :
• Premièrement, autour d’un processus inclusif décloisonné multi-acteurs avec l’ensemble des parties prenantes, qui vont intervenir dans les groupes de travail structurés autour des 4 priorités : « Sécurité de l’eau et de l’assainissement », « Coopération », « Eau et développement rural » et « Outils et moyens ».
• Deuxièmement, autour d’un Sommet des chefs d’Etat, de gouvernement et des grandes institutions internationales, pour lancer un message et une initiative politiques historiques, en vue de catalyser les actions, notamment pour la réalisation rapide de l’accès universel à l’eau et à l’assainissement.
• Troisièmement, autour de la mise en œuvre de l’Initiative Dakar 2021 qui vise, durant la phase préparatoire, à sélectionner des projets pertinents, innovants, reproductibles, produisant des résultats à court terme, à impact durable autour des priorités du Forum.
La pandémie de Covid-19 conforte l’urgence de mobiliser la communauté internationale dans toute sa diversité et à tous les niveaux, pour faire du Forum mondial de « Dakar 2021 », un forum efficace (aux plans social, politique, économique), innovant, catalyseur de l’action pour des engagements continentaux et mondiaux, afin que la sécurité de l’eau pour la paix et le développement soit assurée partout et pour tous, aujourd’hui et demain.

Secrétaire exécutif du 9ème Forum 
mondial de l’eau
Article paru le 23 juin 2020 
sur les colonnes de notre confrère dakarois Le Soleil


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