La campagne “Vaincre l'autisme” prendra fin demain : Le difficile parcours associatif


Par M'Hammed SAJIDI *
Mardi 6 Avril 2010

La campagne “Vaincre l'autisme” prendra fin demain : Le difficile parcours associatif
Les associations de malades ont pour rôle d'alerter les pouvoirs publics pour la prise en compte des maladies et de leurs besoins spécifiques. Au-delà de leur dimension militante et revendicatrice, les associations restent les plus averties des actions à mettre en place. Elles sont de fait des éléments ressources pour les professionnels. Elles ont aussi un rôle social à jouer pour soutenir les familles, d'abord dans l'appui suite à l'annonce du diagnostic, dans l'apprentissage des outils pour aider leur enfant et permettre la mise en place progressive d'une prise en charge adaptée.

L'espoir dans l'évolution associative

Avant 2004, l'autisme était complètement ignoré par la société marocaine. Les énergies associatives avaient besoin d'être stimulées, dynamisées et catalysées pour répondre aux besoins.  Les parents, démotivés, ne s'impliquaient guère et n'avaient pas conscience de leur rôle. A cela s'ajoutait un manque handicapant de professionnels. Seules deux associations de parents aisés, sans formation, étaient présentes sur le terrain, l'une à Rabat et l'autre à Casablanca.
Léa pour Samy a vu le jour en tant qu'association marocaine en août 2002, adoptant comme stratégie d'action de mobiliser les parents et de mutualiser leurs énergies pour leur transférer les connaissances. Riches de nouvelles compétences, les parents deviennent actifs à leur tour. Certains iront même jusqu'à créer leur association. Cette action nationale grand public avait pour objectif de sortir l'autisme de l'anonymat et les familles de l'isolement. Toujours dans l'objectif de catalyser les énergies, Léa pour Samy a fait intervenir des professionnels étrangers spécialisés dans l'autisme pour les mettre en relation avec les associations et les parents, notamment par le biais de formations.
On dénombre aujourd'hui environ quarante associations actives dans le domaine de l'autisme. Une dizaine d'associations en cours de création devrait voir le jour dans les mois à venir, pour la plupart du fait de la mobilisation de parents concernés, avec pour objectif la mise en place de prises en charge pour leur enfant et ceux qui les entourent. L'objectif d'une centaine d'associations devrait être atteint d'ici fin 2010.

L'association dans
la société marocaine

Au Maroc, l'association est souvent perçue comme liée à une « magouille ». De fait, de nombreuses associations ne sont pas transparentes et entachent l'image des associations de bonne gouvernance. De nouvelles associations (dans tous les domaines) œuvrent dans une démarche démocratique et apportent soutien et innovation.
Certaines associations sont malheureusement créées pour servir un profit personnel ou politique plus que  l'intérêt général. D'autres sont créées par des businessmen. Certaines personnes rejoignent une association dans le but de faire partie du bureau, du Conseil d'administration sans implication ou pour en tirer profit. La notion de but non lucratif n'est pas encore une culture, mais les mentalités évoluent.
Dans l'esprit marocain, une association représente d'abord de l'argent et des moyens. L'association est plus perçue comme un apport financier que comme porteur de projet qui a besoin d'investissement humain, en termes de bénévolat, et de l'investissement des administrations et des autorités pour que son ou ses projets voient le jour pour l'intérêt de tous. Si l'on prend exemple des pays européens,  les associations actives apportent à la société plus que les syndicats et les partis politiques. Leurs actions s'inscrivent dans un véritable mouvement de développement social. Au Maroc, les ministères de l'Education nationale et du Développement social doivent conjuguer leurs compétences pour l'éducation et la formation des nouvelles générations, afin de cultiver l'esprit associatif et de bénévolat.
Il est important de faire la différence entre association gestionnaire et association de défense.  Les associations créatives pour le développement social deviennent gestionnaires de structures et de lieux. Quant à l'association de défense, elle doit être représentative. N'étant pas gestionnaire, elle n'est pas juge et partie.

De la difficulté
d'accéder au financement

Les associations sont les meilleurs outils de développement de l'action sociale pour répondre aux besoins de la société. Leur travail ne bénéficie malheureusement pas de reconnaissance, et donc pas de facilité législative et administrative nécessaire pour que ces associations puissent être entendues et pérennisées. Situation particulière au Maroc : la législation autorise des déductions fiscales aux entreprises uniquement dans les cas de dons aux associations reconnues d'utilité publique, les autres associations accèdent par conséquent plus difficilement. Cet agrément n'est accordé qu'à une petite minorité d'associations, qui ne sont pas forcément les plus actives. Ce système verrouillé ne permet pas un développement associatif sein et transparent.  Comme c'est le cas dans les pays européens, les  dons aux associations devraient donner droit à déduction fiscale pour stimuler et encourager les mécènes et les donateurs. Cela permettrait aux associations d'accéder aux financements privés. Il est essentiel que certaines associations ayant beaucoup apporté à la société marocaine puissent accéder à la reconnaissance d'utilité publique et recevoir des legs et des donations pour pérenniser leur action. Ces associations doivent avoir des obligations en termes de transparence financière et de contrôle indispensable pour garantir la bonne utilisation des dons. C'est à l'Etat et aux administrations que revient cette responsabilité. Faute de mesures incitatives, le mécénat reste limité. Seule une évolution législative peut permettre aux mécènes et aux donateurs de s'impliquer et d'aider toutes les associations actives pour l'intérêt général. Il dépend donc du Ministère des Finances et des Administrations fiscales d'apporter ce changement tant attendu pour que des propositions innovantes puissent voir le jour.
De plus, les associations de proximité ne sont pas aidées par les collectivités pour deux raisons. Les élus financent leurs associations ou celles qui leur sont proches politiquement parlant. A contrario, les associations qui se mobilisent pour des causes sociétales ou humanitaires n'obtiennent pas de subvention ou des subventions ridicules de l'ordre de 2000 dirhams par an. A leur décharge, les collectivités ne reçoivent pas de budget pour le financement de l'action associative. Pourtant, ces collectivités doivent s'appuyer sur le monde associatif pour l'exécution de leur propre plan d'action dirigé vers les habitants de la ville, qu'ils soient âgés, démunis, handicapés, etc. Les associations de parents sont les premières touchées.
C'est ainsi que les personnes motivées pour servir l'intérêt de leur société s'épuisent et que l'énergie associative meurt à petit feu. Léa pour Samy, comme tant d'autres, se trouve dans le cas de ces associations qui ne sont prises en considération, financièrement parlant, ni par les pouvoirs publics ni par les collectivités locales.

* Président de l'Association Léa pour Samy - Mouvement Vaincre l'autisme
www.vaincrelautisme.org


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