L’or en Afrique : le bonheur des uns et le malheur des autres


Par Marie Joannidis - MFI
Mardi 12 Mai 2009

L’or en Afrique : le bonheur des uns et le malheur des autres
Valeur refuge traditionnelle, surtout en temps de crise, l’or reprend des couleurs à travers le monde avec la multiplication des prospections, y compris en Afrique, la remise en exploitation d’anciennes mines, comme aux Etats-Unis, et la fabrication à tour de bras de lingots, notamment en Suisse.
Si le record historique remonte au printemps 2008, avec un cours de l’or de plus de 1 000 dollars l’once, les experts, bien que partagés, estiment aujourd’hui que ce cours restera voisin ou dépassera 900 dollars. Mais le bonheur des uns – Etats producteurs et multinationales – fait aussi le malheur des autres – les populations locales, qui perdent leur terre et subissent les conséquences de la pollution des nappes phréatiques et de la destruction de l’environnement, en particulier pour les mines à ciel ouvert.
Premier producteur mondial et africain (suivi du Ghana, du Mali et de la Tanzanie), l’Afrique du Sud est talonnée et même dépassée par la Chine qui, comme l’Inde, est avide de bijoux en or. Selon des statistiques rendues publiques début février par l’Association chinoise de l’or, la production a dépassé les 282 tonnes en 2008, celle de trois provinces – Shandong, Henan et Jiangxi – ayant représenté 46 % de la production totale. Les transactions ont également été dynamiques sur ce marché : à la bourse de Shanghai, elles ont dépassé les 86 millions de yuans, soit 1,75 fois plus que l’année précédente. En fait, la production de l’or a connu une croissance continue ces dernières années en Chine, dépassant celle de l’Afrique du Sud en 2007. Pékin devrait conserver sa place en 2008 si la production en Afrique du Sud, qui possède les plus importantes réserves du monde, n’augmente pas trop. Les autres producteurs importants sont les Etats-Unis, l’Australie, la Russie et le Pérou. Au cours des 120 dernières années, la production sud-africaine a toujours représenté plus de 30% du total mondial. En 1970, elle a même dépassé les 1000 tonnes, un record jamais encore égalé par aucun autre pays.
Au Ghana, l’or représente près de 95% des revenus tirés des minerais ; le pays, qui a aussi découvert récemment de l’or noir, est en train de se relever de la crise énergétique qui l’a frappé, y compris dans ce secteur, l’extraction de l’or nécessitant beaucoup d’énergie.
Comme la Tanzanie, le Mali est un producteur récent qui tire désormais d’importants revenus de l’or. L’ouverture en 2009 de trois nouveaux sites, à Kara Koto dans la région de Kayes (ouest), Syama et Kodaira dans la région de Sikasso (sud), va encore augmenter la production aurifère, qui représente 70% des recettes d’exportation et 15% du PIB du pays. Les réserves sont estimées à environ 350 tonnes sans compter le reste du territoire national, susceptible d’être riche en or et en bauxite non encore exploitée.
Autre futur producteur, la Côte d’Ivoire où la société d’exploration minière Randgold Resources a découvert un gisement dont elle entamera l’exploitation d’ici la fin 2010. Situé dans la localité de Tongon, à 630 km au nord d’Abidjan, ce gisement « représente la plus importante unité minière de la Côte d’Ivoire avec plus de quatre millions d’onces (environ 120 tonnes) », a affirmé le directeur général de Randgold Resources, Dennis Marc Bristow. La mine de Tongon, dont « la durée de vie est estimée à près de dix ans », devrait être exploitée « par les méthodes à ciel ouvert normales en recourant à un entrepreneur minier sous-traitant », est-il précisé. La quantité totale de matière exploitable est estimée à 38,72 millions de tonnes d’une teneur de 2,24 grammes par tonne. La recherche, l’exploration et l’investissement ont nécessité 140 milliards FCFA (213 millions d’euros) et l’Etat ivoirien, qui détient 10% des parts de la société d’exploitation Tongon SA, devrait encaisser un bénéfice net de 500 millions de dollars à travers les taxes.
Si d’autres pays africains comme le Niger, le Burkina Faso, la Guinée ou la République démocratique du Congo produisent aussi de l’or, de nombreux experts et ONG pointent les dangers pour les populations.
L’ONG Fian, dont le secrétariat se trouve à Heidelberg, en Allemagne, affirme par exemple que 700 personnes ont été privées du droit à la terre et à l’eau à la suite de l’exploitation, par la sud-africaine AngloGold Ashanti, du site minier d’Iduapriem, au Ghana et que c’est loin d’être un cas unique. Dans un livre publié fin 2007 sur «l’or africain», le journaliste suisse Gilles Labarthe écrivait que «l’exploitation d’or à l’échelle industrielle apporte son lot de nuisances, parfois mortelles», auxquelles «s’ajoute la perte des terres cultivables et des sites d’orpaillage». De plus, selon plusieurs experts, l’exploitation de l’or par les multinationales est un vecteur important de pollution. L’utilisation du cyanure et du mercure a ainsi provoqué une pollution très inquiétante des nappes phréatiques, notamment au Mali.
Selon Gilles Labarthe «80% des plus gros gisements africains sont aux mains des multinationales». Il dénonce l’exploitation des gisements par « une poignée de firmes occidentales soutenues par la Banque mondiale qui ne se privent guère d’exploiter l’or africain et de bouleverser le mode de vie des populations locales : cadences infernales, normes de sécurité inexistantes, mouvements syndicaux réprimés, pollution catastrophique, etc», sans parler des conflits alimentés par le trafic de l’or, notamment en RDC. Même son de cloche dans un documentaire canadien intitulé «Le silence est d’or». Sa réalisatrice, Alexandra Sicotte-Lévesque, co-fondatrice de Journalists for Human Rights, affirme que l’exploitation de l’or au Ghana par les multinationales canadiennes est un scandale financier, environnemental et politique.



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