L’environnement de la sphère publique marocaine, impact sur la communication


Par Elhazziti Mohammed Anouar
Mercredi 22 Mai 2019

La communication publique est un domaine relativement récent dans la pratique administrative publique. Cependant, l’adoption des modèles et des techniques de communication dans les processus actuels ne fait pas de distinction entre les secteurs publics et privés, appliquant les mêmes pratiques à tous les scénarios.
C’est vrai que la communication publique est sans aucun doute influencée par le développement des habitudes dans la profession au sens large. Les communicants peuvent évoluer entre différents systèmes privé ou public, s’appuyant sur les expériences et les connaissances acquises dans un domaine et les transmettant à un autre. Néanmoins, la nature et l’environnement du secteur public sont caractérisés par des contraintes et des opportunités uniques qui distinguent la communication dans le secteur public de celle relative au secteur privé.
En général, l’environnement du secteur public marocain est marqué actuellement par six éléments essentiels : la relation avec la politique, la mission du service public, les obligations légales et procédurales, la faiblesse de la valorisation de la communication, les mauvaises perceptions du public et le développement tardif des métiers de la communication publique.
Concernant la relation avec la politique : bien que les organisations privées traitent également de politique interne et externe, le secteur public est un produit de la politique et les organisations publiques se définissent par des actions et des relations politiques. A cet effet, dans le secteur public, la pratique politique peut limiter la créativité et l'innovation dans le développement du processus de la communication, car parfois les décideurs « élus » veulent rester près du grand public. Aussi, le champ politique est marqué également par une plus grande variété d'influences externes en dehors des institutions publiques.
Pour le service public, la mission de l’administration est de servir les citoyens. Suite à cela, une communication efficace et performante entre les institutions publiques et les citoyens n'est pas simplement un aspect pratique de la gestion, mais plutôt une obligation politique, bien que morale, qui découle de l’idée que le gouvernement est le représentant du citoyen. Par contre, les entreprises sont créées pour faire des bénéfices. Ainsi, les institutions publiques sont généralement plus préoccupées par l'objectif de servir le citoyen que par les pressions du marché.  
Au sujet des obligations légales et procédurales, il faut dire que, si l'intérêt public est le principe de l'action administrative, les contraintes juridiques et procédurales freinent souvent la capacité des administrations à communiquer de manière complète, efficace et ouverte. Cependant, avec l’avènement des lois d’accès à l’information, les administrations se sont retrouvées face au défi de mise à niveau pour accompagner leurs mises en œuvre.
En conséquence du contrôle accru de la part des médias, les administrations publiques font l’objet d’un suivi rapproché, surtout avec la popularité des réseaux sociaux. La prise de décision publique est plus souvent suivie de près par les médias que les actions du secteur privé. Les médias peuvent constituer aussi le moment opportun pour prendre les décisions publiques, ce qui rend leur relation avec les administrations publiques comme mutuellement dépendante, ce qui ne s'applique pas pour le secteur privé. Les responsables publics ont également un devoir absolu de rendre compte en permanence des décisions et des actions par l’intermédiaire des médias afin de tenir les citoyens informés.
La faiblesse de la valorisation de la communication par les top managers publics est une autre contrainte importante pour la communication publique. Cette dévalorisation a eu beaucoup de répercussions négatives concrètes.  En raison de ce climat dans lequel la communication est sous-estimée, de nombreux communicateurs qualifiés préfèrent le secteur privé qui respecte davantage leur travail et offre de meilleurs salaires.
Dans des climats de méfiance et, parfois de contestation de légitimité, les mauvaises perceptions des citoyens peuvent également dévaloriser la communication publique. Malgré le fait que la majorité des informations du gouvernement sont honnêtes, les connotations négatives du terme propagande, dissimulation de l’information et l’utilisation péjorative de «complot» rendent souvent le public cynique quant aux intentions du processus de la communication publique. Cette situation pourra être expliquée par le fait que le gouvernement utilise traditionnellement des modèles de communication à sens unique, limitant assez souvent le dialogue et réduisant ainsi le rôle de la rétroaction du public.
Enfin, cette dévalorisation de la communication de la part des administrations et du public a fait que, le développement professionnel des communicants publics est en retard par rapport à celui du secteur privé. Le professionnalisme de la communication est nécessaire pour améliorer l'image publique de l’administration qui devra mettre en place des organisations professionnelles avec des normes et des directives professionnelles (code de déontologie par exemple).
En conclusion, le défi du développement de la communication publique reste tributaire des modes de mangement du secteur public et de la compréhension des différentes composantes de l’environnement de la sphère publique. Dans cet environnement, les communicants publics doivent choisir les moyens de communication les plus efficaces en fonction de la situation, de l'environnement et des ressources disponibles. Ainsi, il s’avère que la priorisation de la mise à niveau de la communication publique par Mohammed Benabdelkader (ministre de la Réforme de l’Administration et de la Fonction publique), dans le cadre du Plan national de la réforme 2018-2021, est venue à temps dans une approche de reconnaissance du métier et de la fonction de la communication au sein de la sphère publique.


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