L’électricité et l’homme, quelle histoire ?

II - ...et la lumière fut


Libé
Dimanche 10 Janvier 2021

Les premières applications de l’électricité, avant l’avènement de l’électromagnétisme, se sont concentrées sur les charges électriques portées par des objets : ce sont les phénomènes électriques. C’est le domaine médical qui s’est en servi le premier, puisqu’en plein milieu du 18ème siècle, le physicien Jean Jallabert employa une machine électrostatique pour une personne paralysée ; il obtint une amélioration notable en dirigeant la décharge électrique sur les muscles du bras de son patient. L’utilisation thérapeutique de l’électricité s’est répandue en Angleterre, et elle était même documentée dès 1767 à Londres, avant même la découverte de Galvani.

Pour le monde du spectacle, les effets de l’électrostatique fascinent surtout lorsqu’on commencé à produire la charge électrique grâce à des machines à frottements, avec lesquelles ont débuté les premières expérimentations concrètes. Des spectacles ont rendu populaire ‘’l’électrique’’, avec de la physique amusante. Des présentateurs se chargent en électricité capable par décharge, de produire des étincelles, pouvant allumer de la poudre, enflammer l’alcool, ou produire des secousses aux spectateurs. C’est un peu l’équivalent des jeux par faisceaux laser dans les spectacles d’aujourd’hui.

Le 19ème siècle, siècle des grandes inventions

C’est un siècle qui a commencé avec l’invention du premier dispositif qui fournit de l’électricité en 1800, par le physicien italien Alessandro Volta (c’est de son nom qu’est venue l’unité des tensions électriques, le volt de symbole V) : c’est la pile voltaïque, ancêtre de la pile électrique. Pour cette réalisation, il a empilé de façon alternée des disques de cuivre et de zinc séparés par des disques de feutres imbibés d’une solution de chlorure de sodium, comme solution conductrice appelée électrolyte. Le dispositif de Volta peut se charger instantanément et permet la production d’un courant électrique stable et de forte intensité; l’électricité statique jusque-là, est devenue alors dynamique. Les deux phénomènes électrique et magnétique sont nés séparés et paraissaient indépendants, et toute lumière faite sur ces deux phénomènes, a révélé qu’il ne sont pas si indépendants que cela, puisqu’ils y a une influence mutuelle qui s’exerce entre les deux. En effet, quand un rapprochement est fait, entre l’aiguille aimantée d’une boussole et un courant électrique fourni par une pile Volta, il y a bien existence de cette influence. Et c’est même l’air d’une analogie qui a commencé à frôler les esprits. Ce qui a vivement été encouragé par les institutions et les sociétés savantes de l’époque, par le biais de concours lancés par ces organismes, en particulier la Royal Society britannique et l’Institut de France ayant pris la place de l’Académie de France en 1795, après la Révolution française, puis réhabilitée à partir de 1816.

Ce n’est qu’en 1814 que le physicien danois H. Christian Oersted a fait la nouvelle constatation : Il observe que le courant électrique produit par la pile Volta dévie l’aiguille d’une boussole. Il donne encore plus de précisions en indiquant que quand il place un fil de cuivre dénudé parallèle à cette aiguille aimantée, la boussole réagit en tendant à prendre la direction perpendiculaire à celle du fil. Il a démontré aussi que la déviation dépend de l’intensité du courant et qu’elle est égale mais de sens opposé si la boussole est placée, pour un même courant, à une même distance au-dessus puis au-dessous du fil. L’explication très cartésienne et prisonnière de la mécanique newtonienne avancée par l’auteur de ces découvertes, n’a pas convaincu les scientifiques, majoritairement newtoniens, car le nouveau phénomène dépasse ce cadre newtonien dominant. Ce n’est qu’en 1820 qu’un certain André-Marie-Ampère a pris connaissance de ces résultats, et pendant une semaine, il exposa ses interprétations à l’Académie de France, une grille d’expériences qu’il a bien complétées, systématisées de façon claire et bien expliquées, au moyen d’interprétations plus convaincantes : il démontre devant les membres de cette académie que deux fils électriques s’attirent quand les courants qui les traversent sont de même sens, qu’ils se repoussent dans le cas contraire et que les forces varient de façon inverse au carré de la distance. Il donna aussi sa règle qualitative de prévoir le sens de déviation de l’aiguille aimantée : ‘’C’est la règle du Bonhomme d’Ampère’’. Cette interprétation a donné à la nouvelle physique naissante, qui sera l’électromagnétisme, sa base phénoménologique.

Trois jours après cette démonstration, François Arago, membre de l’Académie de France, a fait une autre constatation : un fil électrique parcouru par un courant attire la limaille de fer, que celle-ci tombe quand le courant est interrompu. C’est une autre preuve que les courants électriques ont des actions à la fois électriques et magnétiques. Entre 1831 et 1839, les recherches du Britannique Michael Faraday ont donné une nouvelle dimension à l’électrolyse par le biais de la reconversion de l’énergie électrique en énergie chimique. Sur la même voie des explications d’Ampère, il a renouvelé profondément la manière dont le problème a été posé. Il proposa une description précise de l’action des courants et des aimants dans tout l’espace qui les entoure. A l’aide de moyens simples, Faraday définit l’ensemble des actions produites par aimant, ce qui sera appelé champ magnétique. D’autres constatations sont faites : une variation du champ magnétique crée un courant électrique. Ce courant électrique devient l’équivalent d’un champ magnétique du fait que ce même courant est synonyme de la charge en mouvement. Le courant électrique est le nouveau concept à donner à toute variation du champ électrique : c’est la belle symétrie qui a donné un nouvel élan à l’électromagnétisme initiée par Ampère. Rappelons que l’unité de mesure de la capacité des condensateurs est le Farad (de symbole F), revenant au nom de ce physicien.

Les deux notions, champs électrique et magnétique, sont des données fondatrices de l’électricité moderne, avec l’induction magnétique, elles constituent la base à toute l’industrie électrique.

En 1859, Gaston Planté, simple préparateur au Conservatoire des arts et métiers de Paris, créa une nouvelle source d’énergie qu’il nomma ‘’pile secondaire’’ : c’est la première batterie de l’histoire. La fabrication des accumulateurs au plomb actuels (batteries de voitures) se basent encore sur le modèle de Planté. En 1871, l’inventeur belge Zénobe Gramme crée le premier générateur de courant pouvant être utilisé à grande échelle : entraîné par une machine à vapeur, il génère un courant continu qui sert d’alimentation pour produire de l’énergie mécanique. C’est la naissance de la dynamo qui va concurrencer la pile de Volta et la batterie de Planté, comme sources d’électricité. L’utilisation de la dynamo comme moteur électrique fiable a entraîné une véritable mutation industrielle. Au cours de la décennie 1865-1875, le prodige physicien écossais J. C. Maxwell a fait la synthèse de tous les travaux de ces prédécesseurs, et formalisé les ondes électromagnétiques par le biais de quatre équations qui portent désormais son nom. En reprenant la belle symétrie de Faraday, ‘’la variation du champ électrique s’accompagne toujours d’un champ magnétique, et la variation d’un champ magnétique est toujours accompagnée d’un courant électrique’’, il démontre que toute modification dans l’équilibre des forces électriques ou magnétiques doit déclencher un train d’onde qui se répand à travers l’espace. Il tire les conséquences suivantes : l’électromagnétisme consiste en la propagation d’une onde et non une action instantanée, que cette propagation dépend des caractéristiques du milieu traversé (qui sont réunies dans ce qui est appelé impédance). C’est l’onde électromagnétique qui fait propager l’énergie électrique dans les lignes de transmission qui sont les câbles que nous voyons dans nos villes et campagnes.

En 1887, l’allemand F. Heinrich Hertz découvre des ondes produites par une source électromagnétique, décrit leur propagation, fait toute une série d’expériences prouvant la transversalité du champ électrique au champ magnétique, de leur coexistence au sein d’une seule entité qu’est l’onde électromagnétique. Le dispositif est un dipôle de deux sphères entre lesquelles jaillit une étincelle, et c’est cette étincelle qui génère des trains d’onde, et ces trains d’onde ne sont autres que les ondes électromagnétiques prédites par la théorie de Maxwell. Le nom de ce physicien sert aujourd’hui comme unité de fréquence qui est le Hertz (Hz). Les deux inventions de Planté et de Gramme ont permis de produire de l’énergie électrique et de la déporter vers des lieux d’usage qui n’étaient pas nécessairement situés à côté des lieux de cette production. Ce qui a donné naissance aux premières machines tournantes, même si elles étaient de faible puissance due notamment à la nature même du courant continu. Les éclairages domestique et public ont été parmi les premiers domaines à en bénéficier. Dès 1813, le Britannique Hamphrey Davy invente la lampe à arc électrique, provoquant une forte incandescence lorsqu’elle a été branchée à des piles Volta mises en série.

Au cours du dernier tiers du 19ème siècle, l’installation des lampes d’éclairage sur les voies publiques et leur alimentation en énergie électrique, se sont effectuées grâce aux câbles aériens parcourant les bâtiments, où des générateurs électromagnétiques sont disséminés. En 1876 déjà, l’électricité pour l’éclairage public est utilisée de façon intense dans les rues des grandes capitales : Paris, Londres et New York. Les travaux et les découvertes scientifiques ont laissé la place aux inventions et réalisations des firmes industrielles qui se sont mises à produire de l’énergie électrique et à la distribuer aux consommateurs. En 1878, Thomas A. Edison, inventeur américain, créa la société Edison General Electric Co. à New York. L’année suivante, il présenta la première lampe électrique à incandescence et à filament de carbone, qui restée allumée pendant 45 heures. Son usage industriel ou domestique était très demandé par rapport à la lampe à l’arc de Davy, qui était trop puissante. Le but d’Edison était de rendre les espaces urbain et domestique confortables, surtout quand les réseaux électriques sont enterrés depuis les centrales de production. La même année, un industriel suisse construit la première centrale hydroélectrique de 7 KW à Saint-Moritz. En 1881, la France a organisé du 1 août au 15 novembre la première ‘’Exposition internationale de l’électricité’’, qui a marqué la naissance de l’électrotechnique. En août 1883, le Français Marcel Deprez réalise l’expérience de transport d’électricité entre la commune de Vizille et la ville de Grenoble sur une distance de 14 km, en allumant en courant continu 108 lampes Edison.

La même année, un autre Français, Lucien Gaulard, présenta à la Société française des électriciens un dispositif qu’il a nommé transformateur, faisant passer le continu en alternatif. Mais comme l’institution est dirigée par les partisans du courant continu, son dispositif n’a pas été le bienvenu et a fini par être considéré comme objet sans valeur. Il a sollicité l’appui du Britannique J. Dixon Gibbs pour le présenter à l’exposition de Turin en 1883, où ils ont obtenu le premier Prix. Ce qui les a encouragés, à mettre en service une liaison bouclée alimentée en courant alternatif de 133 Hz sous 2000 Volts, qui a fait l’aller-retour sur une distance de 80 km. 

L’électricité et l’homme, quelle histoire ?
Depuis, l’intérêt du transformateur est acquis, en vue de faciliter le transport d’énergie électrique par des lignes de haute tension. Le prototype de 1883 était d’un rendement médiocre, mais la version améliorée de 1886 des mêmes inventeurs, est proche des transformateurs actuels, son circuit magnétique fermé est constitué d’une multitude de fils de fer annonçant le circuit à tôles feuilletées.

Par Abdelkrim Nougaoui 
Enseignant chercheur à Oujda
A suivre


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