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L’économie marocaine face aux défis de la quatrième révolution industrielle

Le monde numérique qui paraissait comme une fiction est devenu une réalité qui changera radicalement notre style de vie


Youssef Mahassin Etudiant chercheur en économie
Lundi 12 Février 2018

Nous sommes à l’aube de «la 4ème révolution industrielle », le numérique occupera une place centrale dans nos vies. D’ici 2020, 50 milliards objets seront connectés entre eux, c’est ce qu’on appelle l’Internet des objets « internet of things ». Une fois rentrée chez soi, stressé et épuisé par une longue journée de travail, votre montre qui évalue votre système cardiaque va transmettre cette information aux différents objets de la maison, votre radio décidera de mettre de la musique douce pour vous détendre et la température à l’intérieur s’adaptera avec les informations sur le temps extérieur. De même, l’ambulance qui transporte le blessé transmettra le diagnostic complet sur son état de santé bien avant son arrivée à l’hôpital. 
La finalité des objets connectés est de s’adapter non seulement à nos besoins mais aussi à notre environnement, tout ceci grâce à une entité numérique «ID » spécifique à chaque objet qui leur permet d’être interconnectés. Le monde numérique qui paraissait une fiction il y a quelques années, est devenu actuellement une réalité qui changera radicalement notre style de vie. A cet effet, nos entreprises et nos banques, notamment les plus aisées d’entre elles, ne cessent de rappeler la nécessité de la transformation digitale. D’ailleurs la transition vers ce nouveau monde a déjà commencé, le paiement via Internet (e-commerce) a connu une hausse fulgurante en 2017 (+ 80%), c’est ce qui explique la place de choix qu’occupe le digital dans le plan stratégique 2018-2021 de Bank Al-Maghrib. Dorénavant, c’est la banque mobile nouvelle génération qui prendra la relève (N26, Orange Bank…).
La grande transition technologique, n’est pas aussi facile qu’on le pense, la robotisation accrue aura pour conséquence la suppression de plusieurs emplois, et avant que la fameuse destruction créatrice schumpetérienne ne fonctionne pour rééquilibrer le marché, les disparités entre les classes et les différentes régions du monde auront tendance à s’accroîre, l’évolution des inégalités de patrimoine du siècle dernier prouve ce constat. Le Maroc n’est guère à l’abri. En effet, d’après le dernier rapport de l’ONG Oxfam, le Royaume possède le niveau d’inégalité le plus élevé d’Afrique du Nord. 
Il est vrai que la quatrième révolution industrielle est née et a grandi dans les usines et les centres de recherche des pays développés. Sauf que la plus belle surprise dans l’histoire du progrès est qu’elle ne prête aucune importance aux frontières physiques, la connaissance est universelle. De plus, les grands bouleversements des rapports de force entre les pays se passent au moment des immenses mutations technologiques (la technologie informatique qui caractérise la 3ème révolution industrielle n’a-t-elle pas donné naissance à ce qu’on a appelé par la suite les nouvelles économies émergentes, telles que la Chine, l’Inde, la Malaisie ?).
Le concept de révolution industrielle 4.0 a déjà 5 ans, des mesures telles que la digitalisation des réclamations lancée par le régulateur de l’assurance et l’utilisation de la blockchain par les banques, la technologie de stockage utilisée par les crypto-monnaies sont bel et bien des transformations nécessaires mais encore insuffisantes. Du côté des entreprises non financières, l’Organisation internationale du travail a publié en juillet dernier une étude fort intéressante initulée «How technology is changing jobs and firms». La publication explique que malgré la perte potentielle de millions de postes de travail, cette quatrième révolution offre des créations d’emplois considérables, la main-d’œuvre bon marché ne sera ni un avantage concurrentiel, ni un argument de poids pour attirer les investissements étrangers. Face à ces défis, la recette magique du succès serait d’établir un écosystème propice axé sur l’innovation, l’encouragement des jeunes et la confiance dans la capacité du génie marocain à réaliser des miracles pour rattraper le retard accusé par le pays et prendre place dans l’économie mondiale.
S’agissant de l’investissement dans le capital humain, le Maroc a certes mis en place la nouvelle stratégie de la formation professionnelle à l’horizon 2021, mais il va falloir être plus opérationnel et créatif, les plans précédents manquaient de précision et ont connu plusieurs dysfonctionnements, les filières proposées dans le cadre de l’ISTA, l’OFPPT ainsi que les masters du cycle universitaires sont incompatibles avec les besoins du marché du travail.
En parallèle, le système de formation des ingénieurs devra être mis à plat tant au niveau du contenu que celui des approches pédagogiques afin de répondre aux défis d’intégration des industries automobiles et aéronautiques qui seront la locomotive dans la course d’industrialisation de l’économie nationale.
L’évolution spectaculaire des paiements en ligne au Maroc, ainsi que le nombre de données, si volumineux, qui peuvent être traitées et conservées pourront sans aucun doute contribuer au renforcement de la crédibilité dans la mesure où toutes nos transactions laisseront une trace et nos données personnelles et professionnelles seront plus transparentes.
L’exploitation intelligente de cette abondance d’informations serait un atout incontournable. Elle nous permettra non seulement de capter et contrôler les comportements abusifs de certains citoyens (rétrécissement du problème d’aléa moral) mais aussi de récompenser les bons comportements, chose qui consolidera la confiance entre les différents acteurs. Le bénévolat, le respect du Code de la route, le don de sang ou de reins, la baisse de l’absentéisme au lieu de travail, et l’achat des produis locaux sont tous des actes qui font de la personne un citoyen modèle et qui peuvent, par exemple, servir à demander un crédit auprès d’une banque à un taux préférentiel. 
Ces mesures ambitieuses qui paraissent à première vue utopiques sont déjà en phase de pratique, le projet qui porte le nom de « Crédit social » est déjà mis en place en Chine. Le géant de l’exportation mondiale qui, à lui seul, produit et exporte 70% des téléphones mobiles en circulation dans le monde, a lancé un programme de Scoring de ses citoyens basé sur leur note de crédit sésame, une invention du site d’achat en ligne Ali baba. Il faut tout de même reconnaître que le gouvernement chinois, toujours ambitieux, est allé un peu plus loin dans la sélection des critères de notation (sanctions envers les addicts des jeux vidéo), un choix qui lui vaut quelques critiques. Sauf que rien n’empêche de croire en notre intuition collective à créer un système de récompense purement marocain combinant entre prospérité sociale et développement économique tout en maintenant la liberté individuelle. 



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