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L'Union pour la Méditerranée, intégration régionale ou déclin de la rive Sud ?


Par Dr. Hassan FAOUZI *
Vendredi 2 Octobre 2009

Nouvellement élu Président de la république française, Nicolas Sarkozy a placé l'union de la Méditerranée au rang des priorités de son quinquennat. Quelques mois après son élection et suite à l'enlisement du processus de Barcelone ainsi qu'en réponse à l'initiative américaine du «Grand Moyen-Orient», il propose la création de l'Union pour la Méditerranée (UPM). Doté d'une énergie débordante, il court les capitales, de Rabat à Amman et d'Alger à Riyad. Empruntant des accents poétiques, il proclame sa passion pour le Sud.
Que cache cet engouement soudain ? A-t-il pour objectif d'évacuer l'épineuse question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ? Veut-il mettre sous le boisseau la question palestinienne et le conflit israélo-arabe au moment où il s'emploie à démanteler la fameuse politique arabe de la France ? Cherche-t-il à se barricader face à la montée en flèche de l'émigration clandestine ?
Les bouleversements géopolitiques de ces dernières années appellent en effet à s'interroger à nouveau sur le sens de cette initiative. Le 11 septembre et ses multiples conséquences font plus que jamais ressentir l'urgence et la nécessité d'un dialogue entre les cultures ainsi que l'importance de l'affirmation de l'Europe sur la scène internationale.
Malgré ses crises et guerres persistantes qui sont à l'origine de l'augmentation des dépenses militaires, de la confrontation et de l'incompréhension entre ses peuples à la recherche de nouvelles identités, la Méditerranée se présente comme un espace de dialogue et de communication forcés et difficiles depuis 2001, de la multiplication et de la recomposition des Etats-nations ethniques traditionnels dans le cadre des grands ensembles dont l'Union européenne et l'Union africaine, de la promotion de la globalisation/mondialisation économique qui favorise l'éclosion de l'économie des marchés. Elle est aussi le lieu où se croisent les flux migratoires naturels et multi-ethniques des trois grands continents qui le marquent sur tous les plans (Dominique Bendo-Soupou, 2005).
Dans les pays du Sud de la Méditerranée, l'élargissement a suscité la crainte que l'Union européenne délaisse ses voisins et s'attache exclusivement au renforcement de sa sécurité ainsi qu'à la défense de sa prospérité. Le mythe récurrent d'une Europe « forteresse » peine à être dissipé par les généreux discours sur une « politique de voisinage » aux contours encore assez flous (Hervé de Charrette, 2005).
L'Europe est liée géographiquement, historiquement, charnellement à la Méditerranée. Depuis les temps immémoriaux, la Méditerranée a joué un rôle exceptionnel de carrefours de peuples et de civilisations. A l'heure de la mondialisation et de l'interdépendance croissantes, de la constitution de grands ensembles, le partenariat euro-méditeranéen, mis en place par l'Union européenne et ses voisins des rives méridionales et orientales de la Méditerranée, a pour objet de marquer un tournant dans les relations de l'Union avec ses voisins méditerranéens. Il cherche à rompre avec une approche traditionnelle, essentiellement bilatérale et commerciale, et opté pour une stratégie globale, multilatérale durable, visant à établir une zone de paix et de stabilité partagées (Abdelkhaleq Berramdane, 2005).
Relancer l'intégration euro-méditerranéenne, en créant les conditions politiques et institutionnelles de l'intégration régionale suppose de développer des projets à la hauteur des défis économiques, écologiques et humains existants. De là dépend le succès de l'Union pour la Méditerranée en tant que processus d'intégration régionale.
Le libre-échange avec l'Europe impose aux pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (PSEM) une révolution économique : passer d'une économie fermée, fortement encadrée par l'Etat, à une économie déprotégée, régulée selon une logique de marché ouvert. Les acteurs économiques des PSEM doivent apprendre à fonctionner dans le même univers concurrentiel que leurs homologues européens. Ceux-ci sont habitués de longue date à l'ouverture régionale et à la déprotection multilatérale : d'où l'asymétrie d'impact de l'intégration euro-méditerranéenne et les efforts d'adaptation et de révisions stratégiques qui incombent aux seuls PSEM. Les réactions des acteurs économiques des PSEM à ce défi se cristallisent dans la définition de stratégies diverses : stratégies offensives de conquête de positions dans le cadre de la nouvelle donne, stratégies plus défensives d'adaptation et de maintien des positions actuelles ou stratégies de gestion d'un déclin (Henri Regnault, 2003).
La Méditerranée entre dans une phase cruciale qui pourrait permettre de remédier aux asymétries qui caractérisent ses relations avec les pays européens. Mais, tout dépendra de la capacité des pays méditerranéens à supprimer les rentes et les pouvoirs excessifs qui subsistent encore dans de nombreux pays. Tout dépendra aussi de l'engagement et des responsabilités que l'Europe acceptera de prendre (Jean-Louis Reiffers, 2000).
Dans cette zone géographique extrêmement diversifiée, riche des plus hautes civilisations de l'humanité, mais aussi perpétuel foyer de conflits de toute nature, quel sera l'avenir du partenariat euro-méditerranéen ? Quelles seront la nature et l'intensité des relations avec les Etats du Maghreb surtout que les frontières de l'Union européenne commencent à Sebta et Mellilia, deux villes marocaines occupées par l'Espagne ?
Pour les pays au Nord de la Méditerranée, les pays du Maghreb représentent des fournisseurs de proximité (la Libye, l'Egypte et l'Algérie sont parmi les principaux producteurs de pétrole et de gaz dans le monde). Dans le contexte actuel de tension autour des pays du Golfe, et donc de hausses constantes du prix des matières premières, cela est un pas vers la sécurisation d'une part des besoins européens en hydrocarbures, mais aussi vers l'établissement d'une stabilité des pouvoirs politiques maghrébins.
Le projet tel qu'il se dessine est ambitieux. Si ce partenariat atteint son but, les pays du Sud de la Méditerranée bénéficieraient de nombreux avantages, majoritairement d'ordre économique et financier avec la création d'une banque euro-méditerranéenne et des facilités d'investissement subventionnées par l'Union européenne afin de permettre une entrée dans la mondialisation en gagnant plus d'un point de croissance. De plus, un tel accord leur permettrait une mise à niveau par le biais de transferts de technologie et la facilitation d'échanges d'étudiants.
Toutefois, les pays des rives méridionales et orientales de la Méditerranée peuvent-ils se passer de l'Union, leur premier partenaire commercial, premier investisseur direct étranger dans la région, première source d'assistance et de moyens de financement, première source de tourisme et première destination de migrants de ces pays ? N'y va-t-il pas de leur prospérité et de leur stabilité en bâtissant une puissance, en tant que système de rapports non seulement de compétition mais également de collaboration entre Etats et régions et essayer de construire un destin commun en s'inspirant de ce qui a été fait pour l'élaboration de l'Union européenne?
De son côté, l'Europe peut-elle ignorer cet espace hétérogène, traversé de conflits (mer Egée, conflit maroco-algérien, Moyen-Orient, etc.), marqué par le repli identitaire et la violence, mais nécessaire à la paix et à la sécurité de l'Union ?

* Docteur en géographie,
aménagement de l'espace, environnement et paysages à l'Université Nancy 2


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