C’est dans ce contexte que l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) a publié un rapport détaillé consacré à la situation des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile dans le Royaume, dressant un bilan sans complaisance des avancées réalisées et des défis encore non résolus.
Depuis le lancement, en 2013, de la Stratégie nationale pour la migration et l’asile, le Maroc s’est positionné comme un acteur régional adoptant une approche fondée sur les droits humains. Cette orientation, saluée à l’échelle internationale, a permis à des milliers de migrants d’accéder à des services essentiels, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation, et a marqué une rupture avec une logique strictement sécuritaire.
Cependant, plus d’une décennie après sa mise en œuvre, l’OMDH estime que cette stratégie nécessite une évaluation approfondie. Le rapport souligne des lacunes structurelles, notamment une coordination insuffisante entre les institutions concernées, un déficit de ressources humaines et financières, ainsi qu’une faible territorialisation des politiques migratoires. A cela s’ajoute l’absence de réformes législatives majeures, en particulier concernant la loi encadrant l’entrée et le séjour des étrangers, pourtant largement critiquée pour son inadéquation avec les engagements constitutionnels et internationaux du Maroc.
L’année 2025 a été marquée par une intensification notable des flux migratoires, notamment à la frontière maroco-algérienne, où près de 6.000 migrants et demandeurs d’asile ont été recensés. Les centres d’assistance juridique et administrative de l’OMDH, implantés dans plusieurs villes du Royaume, ont accueilli plus de 5.000 personnes issues de différentes régions du monde, principalement d’Afrique subsaharienne et du Soudan, ce dernier représentant à lui seul plus de 75% des demandeurs d’asile enregistrés. Cette population se caractérise par une grande vulnérabilité notamment les femmes.
Le rapport de l’OMDH consacre une large place aux atteintes au droit à la vie, l’un des droits fondamentaux les plus gravement menacés dans le contexte des migrations irrégulières.
Malgré les efforts déployés par les autorités marocaines pour prévenir les départs et secourir les embarcations en détresse, de nombreux drames continuent de se produire sur les routes migratoires, notamment dans l’océan Atlantique et en Méditerranée.
En 2025, la Marine Royale marocaine a porté assistance à plus de 9.500 personnes en situation de naufrage. Toutefois, plusieurs embarcations ont disparu en mer, entraînant la mort ou la disparition de centaines de migrants. L’absence de données officielles exhaustives complique l’évaluation précise de l’ampleur de ces tragédies, renforçant la souffrance des familles restées sans nouvelles de leurs proches.
Face à cette situation, l’OMDH plaide pour la création d’un mécanisme national indépendant chargé de documenter les disparitions, d’identifier les victimes et de coordonner les efforts avec les institutions nationales, les organisations humanitaires et les pays voisins.
L’OMDH appelle à un renforcement des mécanismes de prévention, à une meilleure formation des forces de l’ordre et à une mobilisation accrue des médias et de la société civile afin de lutter efficacement contre ces réseaux criminels.
Le rapport insiste également sur la nécessité d’intégrer pleinement la dimension de genre dans les politiques migratoires. Les femmes migrantes, confrontées à des violences spécifiques, ont besoin de dispositifs adaptés en matière de protection, de santé reproductive, de soutien psychologique et d’insertion socioéconomique. De même, les politiques publiques doivent tenir compte des besoins particuliers des mineurs non accompagnés, en garantissant leur accès à l’éducation, à la formation et à une prise en charge adaptée à leur âge et à leur situation.
A cet effet, l’OMDH formule une série de recommandations visant à renforcer la protection des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile. Parmi celles-ci figurent la dépénalisation de la migration irrégulière, l’adoption rapide d’une loi sur l’asile, la réforme du Code du travail afin de garantir les droits des travailleurs étrangers, ainsi que la mise en place de mécanismes de lutte contre toutes les formes de discrimination, de racisme et de discours de haine.
A travers ce rapport, l’OMDH rappelle que la migration n’est ni une menace ni un phénomène temporaire, mais une réalité structurelle qui exige des réponses durables, humaines et inclusives. Plus qu’un simple plaidoyer, ce document se veut un appel à la responsabilité collective, afin que le respect des droits humains demeure au cœur des politiques migratoires du Maroc.
H.T











