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Tous ont voulu être là, vivre ce moment tant rêvé, attendu depuis 36 ans, qui restera inoubliable et se contera de génération en génération. De tous âges, d'enfants à aïeux, ils crient, sautent, dansent sans fin se forgent des souvenirs à l'unisson.
"J'ai 35 ans. J'ai attendu 35 ans pour vivre ce moment-là. Je n'arrive pas à le croire. 35 ans à attendre ce rêve d'une vie", hurlait Soledad Palacios, le drapeau argentin noué autour du cou.
"On aime le football, on aime l'Argentine. Je suis heureuse, et heureuse de savoir que les gens sont heureux. Heureuse que ce pays avance, que malgré tout, malgré l'économie, tout, nous puissions aller de l'avant", ajoutait-elle transportée d'émotion.
Depuis le dernier penalty victorieux de Montiel, une surenchère de chansons, pétards, tambours, cornes de brume, klaxons, se disputaient sans fin l'espace sonore de la capitale.
Et sans même attendre que Lionel Messi soulève la Coupe à Doha, par milliers, dizaines de milliers, très vite davantage, toute une métropole a convergé vers l'Obélisque, monument emblématique du centre de la capitale et lieu traditionnel des célébrations sportives.
Ils étaient encore plus d'un million en début de nuit, selon plusieurs médias argentins, alors que l'obélisque de 67,5 mètres de haut servait d'écran géant pour des projections, entre des "Gracias Seleccion" (Merci la sélection), des images de joueurs, surtout l'idole Messi, d'actions de match, et du drapeau national.
Le centre-ville, sur un immense carré de 2 km de côté, était interdit à la circulation tandis que des feux d'artifice illuminaient le ciel dans une bronca continue. La nuit promettait d'être longue car la fête ne fait que commencer et atteindra son apogée avec le retour des héros à Buenos Aires, prévu lundi en toute fin de journée.
"C'est beaucoup de joie pour tout le pays. On le méritait", y répétait Gustavo Barreiro, 29 ans. "On est un pays qui a souffert, alors cette joie est bonne à prendre, pour souffler un peu", ajoutait-il, en référence aux mille et un maux de l'Argentine, de l'inflation chronique à une polarisation politique crispée.
"C'est notre destin de souffrir! Condition sine qua non pour être argentin!", lançait à l'AFP Joel Ciarallo, entre hilarité et émotion, incrédule encore.
"On est nés pour souffrir. On est comme ça, nous les Argentins. Mais on continue d'aller de l'avant. Il est comme ça, ce pays!", exultait Manuel Erazo, vendeur de bières à la sauvette transportées dans une glacière.
Comme lui, beaucoup avaient anticipé, espéré, une grande fête, pour améliorer l'ordinaire, dans un pays où l'inflation frôlera les 100% en 2022. Des centaines proposaient bières, burgers, saucisses grillées sur des parillas (barbecues) installées à même le trottoir.
Le président Alberto Fernandez a félicité l'équipe dans un tweet sitôt le match terminé "Toujours ensemble, toujours unis. NOUS SOMMES CHAMPIONS DU MONDE. Rien à dire de plus". Les bandeaux des télévisions, eux, rivalisaient de superlatifs: "historique", "fête sans fin", "gloire éternelle", "rêve accompli".
Sur l'Avenue 9 de Julio, l'une des plus larges du monde (140 m) où est plantée l'Obélisque, les bras fouettaient le ciel pour accompagner les chansons intimement liées au football en Argentine, et que tous connaissent par coeur.
"Somos campeones!" s'invitait à présent dans la playlist du supporter au côté du classique "Soooy Argentino, es un sentimiento, no puedo paraaar!" ("Je suis Argentin, c'est un sentiment, je peux pas arrêteeer!") chanté à tue-tête pendant le match autour d'écrans géants dans un parc, un stade, sur un front de mer, de Mar del Plata, sur l'Atlantique, à Jujuy au pied des Andes, et dans la Pampa argentine.
Résonnait aussi en boucle la toute dernière, "Muchaaachos", la chanson de l'année et devenue l'hymne officieux des supporters argentins dans ce Mondial. Invoquant à la fois l'Albiceleste, Maradona, Messi et les Malouines, elle avait été hurlée à pleins poumons, en début de match, pour couvrir la Marseillaise.
Après la victoire, un couplet a été changé et affirme désormais "Maintenant on a gagné la troisième, de nouveau champion du monde", remplaçant les "je veux gagner la troisième, je veux être champion du monde".
Peu avant minuit, la multitude s'éclaircissait un peu, les familles avec les plus jeunes rentraient il faudrait bien travailler lundi. Mais lundi s'annonçait le retour en début de soirée à Buenos Aires, des champions du monde, sans doute la "plus grande célébration à venir", prédisait Adriana Nuñez, 57 ans. "On les attend, et sûrement eux aussi".