Il était une fois, une ville marocaine reconnue comme puissance industrielle mondiale !


Par Mehdi Alaoui Mhammedi *
Vendredi 16 Juin 2017

Le mois sacré du Ramadan reste l’occasion la plus propice pour le changement. Ces jours honorables nous permettent de faire le bilan de notre existence, de revoir nos actes quotidiens, d’abord en tant qu’individu et ensuite en tant que communauté ou peuple qui espère … Ramadan est aussi une occasion pour tester et développer notre système «self-control», maîtriser nos désirs et cesser les pratiques illicites. Bref, c’est un bon moment pour tester l’efficacité de notre système immunitaire intellectuel et de changer pour le meilleur.
Saisir cette occasion exige un minimum de paix et de sérénité. Eteindre nos téléviseurs et boycotter les chaînes diffusant des feuilletons et des émissions de mauvaise qualité me semble l’option la plus simple. Ne déprimez pas ! Au mois du Ramadan, le divertissement est garanti. Cependant, il serait préférable de recourir à d’autres sources d’informations et de distractions.
Quelques minutes avant la rupture du jeûne et l’appel à la prière, les réservoirs d’énergie s’épuisent, l’éloignement de la famille et de la terre natale devient plus pesant. En revanche, le bonheur et le plaisir atteignent leur paroxysme. Pour apaiser ce sentiment d’éloignement, je cherche de temps en temps des vlogs des visiteurs de la capitale spirituelle et intellectuelle du Royaume et je m’amuse à regarder les artères principales et les ruelles de la Médina. Tout à fait par hasard, je suis tombé sur un extrait vidéo de quelques minutes qui dévoile tout sur la ville de Fès.
Ragheb El-Sergany (1964), historien égyptien, auteur de plus de 50 ouvrages, présente plusieurs émissions télévisées sur une multitude de chaînes. Ses recherches l’ont conduit à un projet intellectuel baptisé «Ensemble, nous bâtirons la meilleure des nations » dont l’objectif est de tirer le meilleur enseignement de l’histoire de l’islam et reconstruire une nation par l’étude et le travail. Selon El-Sergany, Fès était une puissance industrielle non seulement au niveau continental, mais aussi mondial. A cause des effets de l’abstinence, je suppose que vous êtes dans un état de délire extrême ! Ce n’est pas un délire, c’est une réalité qu’on ignore. Ces lignes ont été écrites en toute conscience … Fès abritait plus de 3000 ateliers/usines de textile, 47 usines de savon, 86 usines de cuir, 116 ateliers de teinture, 12 usines de fer et cuivre, 11 usines de verre, 400 usines de papier, 135 usines de chaux, 188 usines de céramique. On la surnomme souvent la capitale intellectuelle, saviez-vous pourquoi ? Fès, en l’an 912, abritait plus de 400 bibliothèques pour vente de livres.  
Faute de données suffisantes datant de cette époque, on ne peut s’appuyer que sur l’époque coloniale pour confirmer le processus de détrônement de Fès au profit d’autres villes. Le chercheur A. Fejjal, dans un article intitulé «Industrie et industrialisation à Fès » dresse un bilan catastrophique : « Le fait industriel est demeuré modeste, les 28 établissements datant de cette époque furent en majorité créés par la bourgeoisie fassie locale ou installée à Casablanca ; ils sont caractérisés par la prédominance de l’agro-industrie ». Avec l’indépendance, la dynamique industrielle s’est relancée. Fès occupe désormais le deuxième rang des villes industrielles avec un total de 262 établissements industriels en activité,  représentant au total 14.325 salariés.
En 2011, l’activité industrielle crée plus de 3.008 752 DH de valeur ajoutée, soit 98,87% de la richesse créée dans la région Fès-Boulemane, le secteur industriel employait plus de 26.204 employés. Détrônement accompli avec succès ! L’année 2016 marque la fin officielle de l’activité industrielle dans la ville de Fès ; on parle désormais des activités économiques et du tissu économique. Plus de 1399 entreprises ont été créées, elles se répartissent entre le secteur du commerce avec une part de 33% du total des entreprises, suivi des services avec 32% et du BTP avec 24%.
Plus on avance dans le temps, plus les statistiques deviennent rares. Les politiciens et les organes déconcentrés évitent d’évoquer la désindustrialisation de la ville dans leurs discours. Les établissements publics évitent également de publier des données détaillées sur la structure du tissu industriel fassi et celle de l’emploi par secteur d’activité. Cependant, ils plongent le débat dans des futilités en utilisant des termes vagues, sujets à la confusion : «Ensemble d’atouts, pôles économiques, promotion du territoire… ».
Par une approche individuelle, prenons le temps de regarder où on en est, pointer du doigt les pièces manquantes et développer des solutions alternatives. Ramadan peut être le moment le plus propice. Profitez-en !

 * Doctorant en sciences de gestion
à l’Université de Bourgogne Franche-Comté


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