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Ils sont prisés par les amateurs d'antiquités, vénérés par des passionnés d'histoire, mais le piéton d'aujourd'hui ignore souvent leur utilité: tombés en désuétude, les modestes décrottoirs sont à l'honneur d'une exposition à Bruxelles.
Ces petits objets de ferronnerie abondaient au XIXe siècle notamment, dans les rues de métropoles comme New York, Londres, Paris ou Bruxelles.
Contrairement à ce que leur nom laisse supposer à des oreilles contemporaines, ils ne se rapportaient pas spécifiquement à des excréments, mais plus généralement à de la boue que l'on raclait des semelles des bottes et des chaussures.
Si, souvent, les aménagements de voirie ont conduit à leur disparition, la capitale belge en offre aujourd'hui encore un très large panel, relèvent des chercheurs de l'Université Libre de Bruxelles (ULB) qui ont recensé plus de 700 modèles différents de décrottoirs.
Une exposition présente jusqu'à la fin du mois 1.000 photos de décrottoirs glanés dans Bruxelles par le photographe Christophe Holemans.
"Les décrottoirs sont nés en même temps que les trottoirs", à la fin du XVIIIe siècle, une phase-clé de l'histoire urbaine, a expliqué à l'AFP Christian Loir, professeur d'histoire à l'ULB. "Ils font partie de l'histoire de la marche dans nos villes".
Généralement en fonte, on en trouve de toutes sortes, à côté des portes d'entrées, souvent nichés dans de petits trous au pied de la porte, de style Art nouveau, éclectique ou classique, ils fascinent les nombreux expatriés qui s'installent chaque année dans la capitale de l'Europe.
"J'aime dire aux enfants qu'ils sont les portes d'entrées des gnomes de la maison", raconte un bloggeur anglo-saxon.
"Je suis devenu légèrement obsédé par ces bidules, et j'aime à relever les plus beaux quand je me promène sur les trottoirs pavés de Bruxelles", confie un autre internaute.
Pour Laurence Rosier, qui a rédigé les textes de l'exposition "1.000 décrottoirs", ils sont un témoignage de l'art de la maçonnerie et de la ferronnerie d'antan, mais aussi de l'invention du trottoir contemporain.
Alors que les cités romaines étaient déjà équipées de trottoirs, ceux des villes du XVIIIe étaient très étroits. Il s'agissait davantage d'un seuil entre la chaussée et la maison que d'un espace pour déambuler, souligne Laurence Rosier.
Les villes étaient alors très sales, parcourues par des calèches tirées par des chevaux et des petits métiers, comme celui du décrotteur, consistaient à proposer aux passants de leur épousseter les vêtements, souligne-t-elle.
"Tout d'un coup, marcher est devenu à la mode", relève Christian Loir.
"L'élite a découvert la ville. L'impact a été énorme". Les villes modernes étaient nées, avec des trottoirs larges, des grands boulevards bordés d'arbres, des parcs publics et des passages couverts. L'espace public a gagné en qualité.
La nécessité de se décrotter les pieds avant d'entrer était mentionnée dans des guides "de l'enfant bien élevé" ou dans des manuels d'hygiène, souligne Laurence Rosier.
Durant la première moitié du XIXe siècle, certains modèles trop saillants ont même été interdits par divers règlements urbains, afin de ne pas encombrer les trottoirs d'obstacles potentiellement dangereux.
Les décrottoirs ont alors été placés dans des trous de la façade, allant souvent jusqu'à être pleinement intégrés dans la conception des façades, et aiguisant, à la fin du XIXe, la fantaisie des architectes de l'Art nouveau.