Frédéric Daerden, eurodéputé belge

“La confiance doit être renforcée dans les échanges commerciaux et industriels”


par Alain Bouithy
Samedi 22 Février 2014

Frédéric Daerden, eurodéputé belge
Député européen et membre du Parti socialiste belge, 
Frédéric Daerden est chargé de cours à l'Université 
de Liège et réviseur d'entreprises depuis 1995. Maire 
de Herstal depuis huit ans, une ville francophone située 
en région wallonne dans la province de Liège, 
il a également été vice-président de la fédération liégeoise du PS en 2003 et membre du bureau de cette formation de gauche en 2005. Frédéric Daerden était récemment 
au Maroc avec une délégation du groupe d’amitié 
Europe-Maroc en compagnie d’une vingtaine de chefs 
d’entreprises en mission de prospection. 
Au cours de son séjour, cette délégation a visité plusieurs sites, centres de formation et unités de production. 
Elle a également échangé avec plusieurs responsables 
marocains sur divers sujets liés au développement 
économique, à la sécurité juridique et fiscale, 
à la croissance, à l’environnement, à la formation 
et à l’accès de jeunes à l’emploi, entre autres. Avec en toile 
de fond, l’accord de libre-échange en cours 
de négociation. 
Entretien.
 
Libé : Vous êtes au Maroc dans le cadre d’une délégation de plusieurs entreprises. Pouvez-vous nous en dire plus?
 
Frédéric Daerden : Je suis ici en tant que député européen, membre de la Commission parlementaire mixte Europe-Maroc et du groupe d’amitié Europe-Maroc. J’ai été avec une délégation du groupe d’amitié présidé par un collègue français, membre du Parlement européen.
Nous sommes venus avec une vingtaine d’entreprises pour favoriser la mise en contact et surtout promouvoir l’échange en vue de contribuer au développement économique conjoint de l’Union européenne et du Maroc.
Je pense qu’il y a des défis communs importants à relever: développement économique, résorption du chômage, formation des jeunes, accès des jeunes à l’emploi. Je pense également aux défis de la croissance verte, environnementaux  et sociaux. Ceci pour dire qu’il était important de pouvoir travailler ensemble sur tous ces thèmes.

Vous vous êtes particulièrement intéressés à la région de l’Oriental. Pourquoi?
 
Nous sommes allés voir cette région pour diverses raisons. D’abord, c’est une région en développement qui a du potentiel et dans laquelle le Maroc a beaucoup investi. On n’a pu visiter la technopole et l’agropole d’Oujda et apprécier également le niveau de développement touristique au niveau de Saidia. Mais nous avons visité plusieurs sites où l’accueil de l’investisseur est prêt, ainsi que des centres de formation. 
Nous avons choisi cette région-là, non seulement parce qu’elle a un potentiel important, mais aussi à cause de sa position géographique clef, notamment au cœur du Maghreb. A ce propos, je pense qu’il faut souhaiter ce développement du Maghreb, à travers l’Union maghrébine économique. 
Ensuite, et la raison est plus liée au contexte belge, parce qu’il y a de nombreux Marocains vivant en Belgique qui sont originaires de cette région de  l’Oriental. Vu que nous célébrons cette année  le 50ème anniversaire de la Convention belgo-marocaine, c’était aussi important pour moi d’aller dans cette région.

Durant votre séjour, vous avez abordé avec les autorités marocaines plusieurs sujets touchant à la mobilité, la formation. Qu’est-ce qui ressortent des entretiens et quels sont, à votre avis, les points qui ont retenu votre attention ?
 
Plusieurs éléments ont été effectivement abordés durant ce séjour. Je crois qu’un des éléments importants, c’est la nécessité d’approfondir l’accord de libre-échange entre les deux parties. Les négociations sont en cours, mais je pense qu’il faut aboutir à un accord complet et approfondi (Aleca) et qu’il faut vraiment le finaliser. 
Je pense que cela doit aussi se traduire par des concrétisations. C’est-à-dire, il faut favoriser les investissements d’entreprises ou de pouvoirs publics européens au niveau du Maroc. Qu’on ne parle pas seulement d’un échange commercial profitable à l’un ou à l’autre, mais d’un accord bénéfique aux deux parties. 
Autre élément important, la formation des jeunes Marocains qu’il faut encourager dans le cadre d’un échange d’expériences. A ce propos, je pense qu’il faut faire part de nos expériences notamment dans nos centres de formation où nous avons une expérience en la matière à mettre au service du Maroc.  On peut concrétiser cela par la mobilité des formateurs ou encore des jeunes qui peuvent venir acquérir une expérience chez nous et  revenir dans leur pays pour contribuer au développement économique du Maroc. 
Il y a également un élément important à mon sens : profiter de la stabilité qui existe au Maroc par rapport à d’autres pays du pourtour méditerranéen. Il y a une stabilité politique, institutionnelle et des réformes ont été lancées dans divers secteurs. Il faut juste les concrétiser et donc les mettre rapidement en œuvre. Dans ce cadre, il me semble aussi urgent d’assurer davantage une sécurité juridique et fiscale pour l’investisseur. 
C’est important d’autant plus que la confiance doit être renforcée dans les échanges commerciaux et industriels. 
Ce sont donc tous ces facteurs qui ont été évoqués. Mais je dois préciser que s’il est un élément fondamental, c’est surtout le dialogue. C’est-à-dire les contacts entre les différents acteurs présents qui doivent communiquer le plus souvent. Mais il faut davantage intensifier les réseaux de contact, car il serait malheureux de ne pas en profiter davantage. 
 
A vous entendre, on a l’impression que le chemin est encore long. Avez-vous le sentiment que peu d’efforts ont été fournis pour rapprocher le Maroc et l’Union européenne ? Y a-t-il encore des étapes importantes à franchir ?
 
Je pense que la dynamique est là. Par contre, je constate qu’il n’y a pas suffisamment de prise de conscience au niveau de l’Europe de certains décideurs politiques du potentiel du développement commun que nous avons. Notamment à l’échelon régional et local, mais aussi au niveau des entreprises. J’évoquais dernièrement, avec un ami belge installé au Maroc, la grande différence de l’implication des entreprises françaises et belges au Maroc.
Je pense qu’on sous-estime en Belgique les opportunités d’implantation alors qu’il y a de nombreux entrepreneurs d’origine marocaine qui ont créé des entreprises en Belgique. Il y en a  même d’autres qui sont devenus Belges. Ils ont des liens avec le Maroc qui ne demandent qu’à être intensifiés. C’est aussi cela notre rôle, nous politiques, de mettre  en contact les investisseurs potentiels. C’est un peu ce que j’ai voulu faire ici pour créer ce réseau de contacts. Pas seulement pour la Belgique; mais il faut évidemment réfléchir aussi aux ressorts de ces attaches pour l’Union européenne en général. 

Le Parlement européen a adopté dernièrement des textes visant à améliorer l’emploi des travailleurs saisonniers des pays tiers. Pensez-vous que cette directive pourrait changer la vie des 100.000 personnes venant chaque année travailler dans l’Union européenne?
 
Je suis un grand partisan de la mobilité des travailleurs. Une mobilité interne à l’Europe, mais aussi avec les pays tiers avec lesquels nous avons noué des relations privilégiées. Tel le cas du Maroc et son Statut avancé. 
Je pense que cette mobilité doit être encadrée, ce qui permet d’assurer aux employés de ces pays,  quelle que soit leur origine, de  travailler dans des conditions meilleures. Cette législation permettra aux pays de l’Union européenne d’assurer à ces derniers des conditions de travail et de rémunération qu’ils méritent et de veiller à que celles-ci soient les mêmes que pour tous les autres travailleurs. C’est un élément important parce qu’il ne faut pas avoir des travailleurs à deux vitesses, cela crée le rejet de l’Autre. Je pense que cette législation est une avancée en ce domaine.

En tant que député européen, que pensez-vous du vote suisse en faveur du rétablissant des quotas d’immigrés avec l’UE? Comment réagit-on quand cela vient d’un partenaire privilégié de l’Union européenne?
 
Je constate une forme de repli sur soi au sein des différents pays européens comme en Suisse, qui ne fait pas partie de l’Union européenne, mais entretient des  relations privilégiées avec l’UE. Ce phénomène se rencontre aussi à l’intérieur de l’Europe et je pense qu’il est lié à différents phénomènes  dont celui de la crise. 
Je crois que c’est un réflexe, une attitude très négative. Car, nous sommes dans un monde où la mobilité doit être la plus grande, où le développement notamment économique se fait à travers le monde et où on vit une mondialisation. Donc, ce n’est pas par le repli sur soi qu’on pourra garantir notre avenir. Je crois que c’est plutôt par l’ouverture; évidemment celle-ci doit être organisée et encadrée. 
Je perçois de manière très négative l’attitude de certains pays, mais aussi certains partis politiques et une frange de population qui ont choisi ce pli sur soi. Je crois que c’est grâce à l’échange culturel, à la mobilité des jeunes, des étudiants, des travailleurs et des populations en général que nous avancerons. Il est important de favoriser cela. 
Dans ce contexte-là, il est plus qu’urgent non  seulement d’y veiller à l’intérieur de l’Europe, mais aussi par rapport à des pays vis-à-vis desquels il y a des liens historiques, affectifs et privilégiés. A ce propos, le Maroc est un bon exemple de pays avec lequel il y a déjà des liens forts à consolider.


Bio express de Frédéric Daerden

1991 : Licence en sciences commerciales et financières à HEC à Liège. 
1993 : Maîtrise en administration des affaires à l'Université de Liège. 
1995 : Réviseur d'entreprises. 
2000 : Réviseur agréé pour le secteur des mutualités. 
2002 : Réviseur agréé pour le secteur des assurances.
 1995 : Réviseur d'entreprises, chargé de cours à l'Université de Liège.
2003 : Vice-président de la Fédération liégeoise du Parti socialiste. 
2005 : Membre du bureau du PS.
2000-2006 : Échevin de la ville de Herstal. 
Depuis 2006 : Bourgmestre de la ville de Herstal.
1999-2009 : Député à la Région wallonne et à la Communauté française. 
2004-2009 : Président de la Commission de l'enseignement supérieur et de la recherche du Parlement de la Communauté française. 


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