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Forêts: S.O.S danger !


Libé
Mardi 27 Juillet 2010

L’illustration par Senoual

Forêts: S.O.S danger !
La forêt de Senoual fait partie du Parc national d'Ifrane, elle s'entend sur une superficie de 5900 ha. Selon les études d'aménagement concerté, la forêt de Senoual est composée d'une cédraie dynamique avec une avifaune forestière et une entomofaune très intéressante, ce qui constitue un ensemble naturel et paysager représentatif de la cédraie. Les études sectorielles de biodiversité qui ont identifié les pôles du zonage du Parc national ont classé le forêt de Senoual comme Site naturel géré (SNG).
Définition d'un Site naturel géré:
Un Site naturel géré (SNG) est un ensemble paysager contenant un ou plusieurs éléments naturels présentant des qualités naturelles, esthétiques et culturelles, rares ou uniques (emblématiques pour certaines). Pour cela, il nécessite d'être préservé des dégradations voire réhabilité pour une conservation à long terme de ses fonctions, notamment forestières, pastorales et paysagères ainsi qu'une valorisation touristique et éducative. Ces zones possèdent un intérêt biologique et écologique certain, et sont soumises à un usage traditionnel de leurs ressources. Les activités humaines traditionnelles font partie de l'écosystème, et elles modèlent les paysages; à ce titre, elles ont leur place au sein d'une gestion patrimoniale.
De part leur fonction de protection patrimoniale, paysagère et touristique, ces SNG nécessitent l'établissement de PAG spécifiques avec des zones de protection gérée pour la conservation et la réhabilitation des écosystèmes forestiers et le développement d'activités économiques et d'exploitation (tourisme, élevage) compatibles avec la durabilité de ces fonctions (c'est-à-dire des ressources).
Selon les mêmes études d'aménagement, les délits de coupes de bois, étaient très limités, dans l'espace et dans le temps, et n'avaient aucune incidence sur l'équilibre général de la forêt.
A cette époque, les interventions du forestier étaient basées sur des opérations préventives et dissuasives de police administrative, mais aussi et surtout sur un programme d'animation sociale qui permettait d'améliorer les revenus de la population riveraine grâce aux nombreux chantiers ouverts par l'administration forestière. Mais, au cours des dernière années, cette situation d'équilibre relatif va se dégrader d'année en année, sous la pression du parcours et des délits de coupes de bois. Les ventes illicites du bois de cèdre constituaient, en l’absence d'autres alternatives, une source de revenu non négligeable pour une population connue par le plus bas taux de pauvreté de la région.
Selon les gestionnaires forestiers, l'inversion de la situation d'équilibre dans cette forêt est la conséquence de la conjugaison de trois facteurs :
- La suppression de la quasi-totalité des programmes créateurs de revenus pour la population riveraine (chantiers des travaux utilisant la main-d'œuvre locale)
2- Le recentrage de la politique du Haut Commissariat sur les performances budgétaires; en d'autres termes, les gestionnaires évalués sur la base d'indicateurs financiers (taux d'engagement et d'émission des crédits) vont accorder la priorité aux travaux et aux équipements budgétivores au détriment notamment des programmes de lutte contre les délits en forêt. La mission de conservation se trouve, alors, reléguée au second plan.
Les magistrats de la Cour des comptes avaient, d'ailleurs, critiqué ce mode d'évaluation et ont suggéré au Haut Commissariat d'asseoir un système d'évaluation de la performance des gestionnaires qui tienne compte des difficultés et des enjeux réels du terrain, ainsi que la nature des essences forestières. (Tome rapport 2008 Page 117).
- La réduction des effectifs et la mobilité fréquente et arbitraire, du personnel forestier ont grandement perturbé le cumul du savoir-faire et la maîtrise des enjeux réels du terrain.
En l'absence, donc, d'une politique forestière fondée sur des programmes viables et une gestion efficiente des ressources humaines, les inquiétudes des spécialistes vont se confirmer de jour en jour. Ainsi, début 2009, le volume des délits de coupes de bois de cèdre dans la seule forêt de Senoual a dépassé les 3000 m3. Encore faut-il noter que ce volume ne comprend pas la partie enlevée et vendue, ce qui veut dire que le volume total de bois abattu serait alors plus du double soit plus de 6000 m3.
Face à cette recrudescence des coupes illicites de cèdre dans la forêt de Senoual, le Haut Commissariat, à court de solution, va opter, encore une fois, pour la vente du bois de délits à la coopérative forestière d'Ifrane, comme si le problème se limitait à un simple nettoyage esthétique de la forêt.
Pire encore, la cadence des délits va s'accélérer davantage pour atteindre « des vitesses de croisière » uniques dans les annales des forêts marocaines. Le volume du bois abattu estimé début 2009 à 3000 m3 va franchir la barre de 8000m3 soit une augmentation de 300% en l'espace de 9 mois.
Pourtant, durant les cinq dernières années, de nombreux spécialistes et ONG locales ont alerté les responsables sur la gravité de la situation de la forêt de Senoual. Le chiffre de 8000m3 de bois de délits, évalué par une commission régionale fin 2009, a surpris tous les hauts responsables forestiers et à leurs tête le Haut Commissaire qui, dans la précipitation, a conclu à une malversation ou à une erreur de gestion locale et a choisi le bâton pour répondre à cette catastrophe Résultat : un ingénieur est limogé et deux autres ingénieurs en plus de trois techniciens attendent le même sort, tandis que le directeur régional est suspendu pour 6 mois.
L'opinion publique nationale et les médias, aiguillonnés par les décisions du Haut Commissaire, ont fait de larges commentaires sur cette affaire qui, par la force de la rumeur, s'est convertie en une grave erreur de gestion d'une poignée de responsables locaux. Ces derniers, choqués par l'attitude de l'administration et traumatisés par l'incompréhension de l'opinion publique, vont porter l'affaire en justice, estimant que leur limogeage n'a servi qu'à étouffer la dimension réelle de l'affaire.
La version officielle qui incriminait, uniquement, les gestionnaires locaux, va s'effriter de jour en jour, puisque 6 mois après l'installation de nouveaux responsables locaux, le volume des délits va, encore une fois, grimper pour atteindre le chiffre astronomique de 18.000m,3 soit une augmentation de 100% en six mois; et là encore, il ne s'agit que de la partie visible de l'iceberg, puisque le volume réellement abattu serait de l'ordre de 36000m,3 soit plus 4000 ( quatre mille) cèdres âgés en moyen de près de 350 ans (3 siècles et demi)
Il s'agit de la plus grande catastrophe écologique dans l'histoire moderne du Maroc. Il n'y a pas de mots pour qualifier ce crime, c'est un carnage, une vraie hécatombe…. Juste pour la comparaison, un grand industriel a écopé de 2 ans de prison et plus de 600 millions d'amende pour avoir abattu une dizaine d'arbres de cèdre. (Affaire Krabatou ; 2002)
Mais ce qui est encore plus grave, c'est la façon avec laquelle le Haut Commissariat a géré cette crise écologique sans précédent. En effet, dans la difficulté de céder ce grand volume à une coopérative forestière, le Haut Commissariat a lancé un appel d'offres pour sélectionner cinq grandes entreprises pour effectuer le ramassage du bois de délits, comme s'il s'agissait d'un jardin à nettoyer! Cinq entreprises et des centaines de millions pour effacer toute trace de cet odieux crime et qu'on n'en parle plus!
S'il est vrai que cette catastrophe écologique est sans précédent, dans l'histoire moderne du Maroc, il n’en reste pas moins vrai que la gestion du Haut Commissaire est, également, sans précédent pour ne pas dire caricaturale.
- Face à une catastrophe écologique exceptionnelle, un plan de crise sans précédent!
- Si le volume du bois de délits est faible, il est cédé à la coopérative forestière.
- Si le volume du bois de délits est très important, il faut faire appel aux professionnels
- Et si la rumeur s'installe, il faut licencier tous les nivaux hiérarchiques des responsables locaux.
Le seul souci du Haut Commissariat est de nettoyer et au plus vite la forêt. Dans ce cas, il aurait été plus sensé d'exiger aux délinquants de nettoyer eux-mêmes la forêt. Ainsi, il n’ y aura plus de traces gênantes pour lui.
- Face a une catastrophe écologique sans précédent, un programme prioritaire sans précédent!
N'importe quel autre responsable au monde aurait au moins pris la peine de se déplacer sur les lieux pour constater l'ampleur des dégâts. Mais notre Haut Commissaire préfère se déplacer, en grandes fanfares à Dakhla, pour assister à un lâcher symbolique d'une espèce de gazelle, question de vendre l'image de l'écolo intellectuel, plutôt que de mettre les pieds à Bekrit, question d'éviter le risque de se noyer « médiatiquement » dans la tourbière de Senoual. A ce sujet, l'intervention de Driss Radi, au Parlement est significative: « Un Haut Commissaire qui construit un ascenseur pour son bureau d'un seul étage ne peut pas faire la montagne et encore moins gérer la forêt! », s’est-il exclamé.
- Face a une catastrophe écologique sans précédent, un plan de communication sans précédent!
- Non seulement, il n'a jamais mis les pieds à Senoual, mais pire encore, pas un seul communiqué de presse pour informer l'opinion publique nationale. Notre Haut Commissaire préfère le nettoyage de la forêt et un silence radio total (n'importe quel juge au monde aurait conclu à un délit d'initié)
- Malgré l'ampleur de la catastrophe, notre Haut Commissaire réserve l'intégralité de ses rares sorties médiatiques pour débattre des problèmes de la planète, réchauffement de la terre, effet de serre, changement climatique. Mais pas un seul mot sur le carnage de la forêt de Senoual.
Peut-être que le Haut Commissaire n'a aucune idée sur l'effet de serre politique qui a conduit aux changements de mentalités, et aux réchauffements des volontés d'assainissement


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