Un concert aux couleurs d’été à Casablanca signé Laila Al Habash

Exposition de bijoux au Théatre Italia



Faire progresser l'équité environnementale grâce à l'IA


Libé
Vendredi 1 Septembre 2023

Faire progresser l'équité environnementale grâce à l'IA
Les changements climatiques constituent sans aucun doute l’enjeu déterminant de notre époque, mais leurs effets ne sont pas répartis équitablement. Tant dans les pays développés que dans les pays en développement, la détérioration de l’environnement touche de manière disproportionnée les collectivités marginalisées sur des critères de race, d’ethnicité, de religion et de classe sociale.

La plupart du temps, ces collectivités sont déjà confrontées à des inégalités systémiques comme les pénuries d’eau et une plus grande exposition à la pollution et aux événements météorologiques extrêmes — qui sont tous exacerbés par la crise climatique.

C’est une réalité que je connais très bien. Pendant mon enfance, ma famille exploitait une terre à La Dominique, un minuscule État insulaire des Antilles confronté chaque année à la menace des ouragans. Chaque tempête tropicale pouvait abattre les réseaux électriques et détruire les récoltes et les moyens locaux de subsistance.

Selon la Banque mondiale, les catastrophes liées au climat ont poussé 26 millions de personnes dans la pauvreté annuellement. Et puisque les populations les plus démunies du monde dépendent pour leur subsistance de l’agriculture — un secteur qui est tributaire de conditions météorologiques favorables —, il devient urgent qu’elles aient accès à des ressources techniques, financières et institutionnelles afin de se préparer aux événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses.

Étant donné sa capacité d’innover en apportant des solutions pour contrer la crise climatique, le secteur des technologies pourrait fournir les outils nécessaires pour déterminer, atténuer et enrayer les effets néfastes du réchauffement climatique. En fait, pour s’attaquer aux injustices environnementales du passé, ces entreprises ont le devoir de doter avant tout les premières victimes de la crise climatique des technologies les plus modernes et les plus efficaces.

Les outils qui exploitent la puissance de l’intelligence artificielle, en particulier, pourraient offrir un accès sans précédent à des informations et à des prévisions exactes, donnant les moyens aux collectivités de prendre connaissance des problèmes climatiques et de s’y adapter en temps réel. Inauguré en 2022, l’accélérateur de durabilité d’IBM est à l’avant-garde de cette initiative, prenant en charge le développement de projets comme l’application Deltares Aquality, un outil optimisé par l’IA qui aide les agriculteurs à évaluer et à améliorer la qualité de l’eau. Les agriculteurs peuvent ainsi exploiter des cultures selon des méthodes plus pérennes, prévenir la pollution par ruissellement et protéger la biodiversité.

Ces outils seront des plus utiles, si l’on considère également les autres problèmes auxquels les petits exploitants sont confrontés, comme la hausse des coûts, la difficulté de concurrencer les grands producteurs dotés d’outils et de technologies plus efficaces, et bien sûr, les effets dévastateurs des changements climatiques sur la biodiversité et les phénomènes météorologiques. Des données précises, en particulier sur les conditions du sol et la disponibilité de l’eau, peuvent désormais les aider à résoudre ces problèmes, car il était difficile pour eux d’y accéder dans le passé.

Il est maintenant possible de concevoir un scénario plausible où des fonctionnaires régionaux d’un pays en développement seraient chargés de déployer un algorithme d’apprentissage automatique pour produire des prévisions sur la croissance démographique et l’évolution correspondante de la demande d’énergie à l’aide de données temporelles et spatiales. Ce modèle prévisionnel permettrait ainsi aux responsables politiques d’optimiser le réseau énergétique du pays, de réorienter l’offre là où les besoins sont les plus pressants. Nous contribuons également à ces initiatives aujourd’hui.

La mise au point et la distribution massive d’applications mobiles et d’assistants virtuels optimisés par l’IA favorisent un accès plus équitable aux données et aux analyses techniques. Grâce à des prévisions météorologiques d’une grande précision, à des techniques avancées d’agronomie et à des calculs de l’empreinte carbone, ainsi qu’à d’autres prévisions générées par l’IA, les petits exploitants seraient en mesure de renforcer la résilience climatique et d’augmenter la production et les revenus en s’adaptant aux conditions variables plus rapidement et en adoptant des modes de gestion des cultures plus durables.

Il n’en reste pas moins que mettre ces outils à la disposition des collectivités défavorisées ne suffira pas pour régler le problème — les applications à elles seules ne constituent pas un antidote à l’injustice climatique. Pour une mise en œuvre réussie des technologies fondées sur l’IA, les entreprises doivent consentir à transmettre leurs connaissances aux usagers, dont des instructions sur la saisie des données. Elles doivent intégrer la capacité des usagers à collaborer indépendamment entre eux et demander l’opinion des agriculteurs et des autres usagers. À cette fin, un robot conversationnel d’IA qui automatise les séances de questions et de réponses pourrait contribuer à minimiser les enjeux de formation des utilisateurs tout en démocratisant l’accès à l’information. À mesure que des solutions d’IA sont mises au point, il faut également encadrer les entreprises technologiques locales et les développeurs d’applications, car ce sont les intervenants les mieux placés pour mettre ces outils en pratique.

Outre l’accès élargi aux nouveaux outils optimisés par l’IA, la communauté technologique, de concert avec les ONG, les autorités gouvernementales et les agences, peut contribuer à assurer un avenir résilient et équitable pour des collectivités défavorisées dans le monde entier en donnant une formation visant à l’acquisition des compétences et des connaissances techniques nécessaires pour occuper des emplois dans l’économie verte. Alors que s’accélère la transition vers une économie mondiale à faible intensité en carbone, la demande pour des compétences dans des secteurs écologiques devrait dépasser l’offre. La préparation des travailleurs aux emplois du futur, en conjonction avec l’adoption massive de nouvelles technologies, consolidera la résilience climatique, en particulier dans les économies en développement.

Nous tous — les citoyens, les entreprises, les organisations et les gouvernements — partageons la responsabilité de faire face aux menaces grandissantes qui pèsent sur l’environnement. Les entreprises technologiques, en particulier, doivent consacrer plus de ressources pour combattre le réchauffement climatique. Ceci signifie qu’il faut investir dans le développement et la mise en œuvre des outils de l’IA et les rendre accessibles à ceux qui en ont le plus besoin. Pour trouver des solutions climatiques et faire valoir la justice environnementale, l’expertise du secteur privé doit être mobilisée pour le bien commun.

Par Justina Nixon-Saintil, vice-présidente et directrice de l'impact chez IBM


Lu 2916 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.









L M M J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30          


Inscription à la newsletter



services