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Déclaration finale de “l’Alliance social-démocrate dans le monde arabe” Soutien appuyé à l’intégrité territoriale du Royaume
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La Fête du travail sous l’ère d’une gestion gouvernementale calamiteuse
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Présence distinguée et fructueuse de la délégation ittihadie à la Conférence de l’Alliance Progressiste à Hyderabad
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Tenue à Rabat de la 11ème réunion de la Commission militaire mixte maroco-espagnole
Ce qui frappe dans cette interpellation, ce n’est pas uniquement l’absence de réaction gouvernementale aux intrusions et aux attaques qui ont secoué certaines infrastructures numériques du pays. C’est l’absence même d’un cadre de pensée stratégique, d’une vision claire, d’un lexique adapté à l’époque dans laquelle nous vivons. Car à l’heure où les Etats-nations redéfinissent leur puissance à l’aune de leur souveraineté numérique, à l’heure où les données sont devenues la ressource géopolitique par excellence, le Maroc semble flotter dans un no man’s land décisionnel.
La Stratégie numérique 2030, pourtant annoncée comme un jalon majeur vers la modernisation de l’administration et l’innovation technologique, se révèle, à l’examen, cruellement lacunaire. Nulle mention de souveraineté informationnelle. Aucun cadre opérationnel clair pour la protection des données personnelles. Une absence totale de réflexion articulée sur la cybersécurité. Cela va bien au-delà d’un oubli technique. C’est un vide doctrinal qui trahit une incompréhension structurelle du monde numérique contemporain.
Ce monde, précisément, est celui dans lequel les États les plus stratèges inscrivent la cybersécurité dans leur doctrine de défense nationale. Où les données personnelles sont classées bien plus haut que l’or noir sur l’échelle des ressources critiques. Où l’anticipation, la transparence et la capacité à répondre rapidement à une attaque sont autant de gages de stabilité institutionnelle. Dans ce monde-là, l’opacité et l’inaction constituent non seulement des choix irresponsables et des défaillances décisionnelles, mais aussi des failles de sécurité majeures.
Les crises récentes auxquelles fait allusion le député ittihadi n’ont pas seulement exposé les vulnérabilités techniques des systèmes d’information nationaux. Elles ont mis à nu un déficit de gouvernance. L’absence totale de communication institutionnelle, le silence face à la fuite massive de données, l’interruption brutale de services numériques essentiels : tout cela révèle une improvisation, voire un déni, à des années-lumière des standards internationaux.
Ce mutisme, interprété par beaucoup comme une forme d’indifférence, envoie un message dangereux. Il affaiblit le lien de confiance entre les citoyens et les institutions. Il sape les efforts de numérisation qui, sans garanties de sécurité, ne sont que des châteaux de cartes. Il nourrit enfin un terrain propice à la désinformation, au soupçon, à la panique numérique — des éléments que les parties hostiles exploitent habilement dans leurs stratégies hybrides.
Le Maroc, pourtant, ne manque ni d’ingénieurs brillants, ni d’experts en cybersécurité, ni d’exemples à suivre. La France, l’Estonie, ou encore Singapour ont montré que la cybersécurité n’est pas un luxe mais une nécessité souveraine. Elle ne peut être reléguée aux marges d’un programme technocratique. Elle doit en être le socle. Toute stratégie numérique qui ne la place pas au centre est vouée à l’échec ou, pire, à l’effondrement à la première attaque sérieuse.
Ce qui est en jeu n’est pas une querelle parlementaire. C’est une question de sécurité nationale. Les cyberattaques ne se contentent pas de voler des données : elles érodent les institutions, déstabilisent les économies, paralysent les services publics, manipulent les opinions. Elles sont désormais un levier de guerre à part entière. Or, en l’absence de doctrine claire, chaque citoyen devient une cible, chaque système un point faible, chaque silence un aveu d’impuissance.
Selon plusieurs spécialistes, ce qu’exige la situation, ce n’est pas simplement un plan technique ou un protocole d’urgence. C’est une refonte complète de la manière dont l’Etat conçoit sa présence dans l’espace numérique. Cela commence par une reconnaissance politique du problème. Par la mise en place d’une agence nationale dotée de moyens réels, autonome et coordonnée avec les autres organes de défense. Par l’adoption de normes strictes en matière de protection des données personnelles. Par une transparence exemplaire lorsqu’un incident survient, à l’image de ce que pratiquent les pays les plus avancés.
Enfin, cela passe par un changement de culture institutionnelle. Il faut cesser de considérer les cybermenaces comme de simples incidents techniques et les penser comme des événements stratégiques. Il faut sortir de la logique de réaction et entrer dans celle de la prévention. Il faut que chaque ministère, chaque institution, chaque service numérique soit partie prenante d’une sécurité collective.
Le Maroc a une opportunité historique de redéfinir son rapport au numérique non pas comme un espace neutre, mais comme un territoire stratégique. El Hassan Lachguar a lancé une alerte. Il appartient désormais au gouvernement d’y répondre avec la gravité que la situation exige. Car face aux cybermenaces, le silence n’est pas une neutralité. C’est une complicité passive avec le chaos.
Mehdi Ouassat