Youness Arbaoui soutient que dans le contexte migratoire nord-africain, ce droit apparaît fragilisé par des politiques et des pratiques qui exposent les migrants à des risques graves, voire mortels.
Des obligations non respectées
Ainsi et selon ce chercheur, l’analyse des pratiques des Etats d’Afrique du Nord révèle plusieurs manquements majeurs. D’abord, la défaillance des mesures préventives. A ce propos, il souligne que ces Etats n’adoptent pas de dispositifs suffisants pour prévenir les pertes de vies humaines parmi les migrants, notamment lors des traversées périlleuses ou dans les zones frontalières. Ensuite, l’absence de révision des politiques migratoires. Selon lui, les politiques en vigueur ne sont pas réévaluées à la lumière des drames humains récurrents, perpétuant ainsi des situations à haut risque. Enfin, l’identification des migrants décédés. Les efforts pour identifier les victimes de la migration irrégulière restent insuffisants, privant les familles de toute possibilité de deuil et de justice.
Quand la prévention devient un danger
Plus inquiétant encore, ajoute Youness Arbaoui , certaines mesures dites « préventives » – telles que les contrôles renforcés aux frontières ou les opérations de sauvetage mal coordonnées – peuvent elles-mêmes mettre en danger la vie des migrants. Et de préciser que ces pratiques, loin de protéger, exposent parfois les personnes à des risques accrus de mort, constituant ainsi une violation de l’obligation négative des Etats de ne pas porter atteinte à la vie.
Vers une responsabilité internationale accrue
Face à ces constats, la question de la responsabilité internationale des Etats d’Afrique du Nord se pose avec acuité, affirme-t-il . « Hormis le Maroc, qui n’a pas ratifié la Charte africaine, ces pays pourraient être poursuivis devant la Commission africaine ou la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples pour manquement à leurs obligations. Cette perspective invite les Etats à réexaminer en profondeur leurs politiques migratoires et à mettre en place des dispositifs conformes aux standards internationaux de protection des droits humains », a conclu Youness Arbaoui.
Respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à la vie
Il faut rappeler que le droit international consacre également le respect du droit à la vie des migrants comme une obligation fondamentale des Etats, applicable à toutes les personnes relevant de leur juridiction, quel que soit leur statut migratoire. Ce droit est protégé notamment par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 6), qui garantit le droit à la vie à toute personne. Les Etats ont ainsi une triple obligation : respecter, protéger et mettre en œuvre ce droit, ce qui implique de prendre des mesures préventives pour éviter toute atteinte à la vie des migrants, de protéger ces derniers contre les violences et de leur garantir un accès aux soins et à une assistance adéquate.
Plusieurs instruments internationaux, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que diverses conventions relatives aux droits humains, renforcent ce cadre normatif en s’appliquant à tous les migrants, indépendamment de leur statut. Par ailleurs, le droit international humanitaire offre une protection spécifique aux migrants en situation de conflit armé, les considérant comme des civils protégés contre les effets des hostilités.
Le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies rappelle régulièrement que les Etats doivent veiller à ce que leurs politiques migratoires respectent pleinement les droits humains, notamment en évitant d’exacerber la vulnérabilité des migrants dans les pays d’origine, de transit ou de destination. Cela inclut l’obligation d’assurer la sécurité, la dignité et la protection contre les traitements inhumains ou dégradants, ainsi que la garantie d’un accès à la justice.
En résumé, le droit international impose aux Etats de garantir le droit à la vie des migrants via des mesures concrètes de prévention, de protection et d’assistance, tout en assurant le respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux, sans discrimination.
Pourquoi ce droit est si crucial ?
Le respect du droit à la vie est crucial dans les politiques migratoires actuelles pour plusieurs raisons fondamentales. D’abord, ce droit est un principe universellement reconnu en droit international, qui impose aux Etats l’obligation de non seulement ne pas porter atteinte à la vie des migrants (obligation négative), mais aussi de prendre des mesures actives pour la protéger (obligation positive). Dans un contexte où les migrants sont particulièrement vulnérables — exposés aux dangers des traversées, aux violences, aux expulsions forcées et à la discrimination — garantir leur droit à la vie est une condition essentielle pour assurer un accueil digne et respectueux des droits humains.
Ensuite, le respect du droit à la vie dans les politiques migratoires contribue à prévenir les violations graves des droits humains, telles que la détention arbitraire, la torture, ou les traitements inhumains, qui affectent fréquemment les migrants en situation irrégulière. Il s’agit aussi d’éviter que les mesures de contrôle aux frontières ou les opérations de retour ne mettent directement en danger la vie des personnes concernées, ce qui constituerait une violation de leurs droits fondamentaux.
Par ailleurs, garantir ce droit est indispensable pour équilibrer la souveraineté des Etats dans la régulation des flux migratoires avec la protection des droits fondamentaux des migrants, assurant ainsi une politique migratoire à la fois humaine et maîtrisée. Sans ce respect, les politiques risquent d’alimenter la stigmatisation, la marginalisation et la vulnérabilité des migrants, aggravant les tensions sociales et les crises humanitaires.
Enfin, le respect du droit à la vie est aussi une obligation morale et politique qui engage la responsabilité internationale des États. Il est au cœur des engagements pris dans plusieurs conventions internationales et résolutions onusiennes, qui appellent à des actions concrètes pour protéger les migrants, notamment en favorisant des voies migratoires sûres, des opérations de sauvetage efficaces, et un traitement humain quel que soit le statut migratoire.