Exposition "Portes de la Mémoire : Sculpture de lumière et identité"

Lundi 6 Octobre 2025

Dans sa dernière exposition, l'artiste Mohamed Boussacsou propose un voyage visuel qui convoque une histoire multicouche à travers les portes de villes côtières marocaines : Azemmour, Essaouira, El Jadida, et Safi.

L'exposition ne se contente pas de documenter ces portes comme de simples éléments architecturaux, mais les transforme en tableaux plastiques qui dialoguent avec la philosophie des arts visuels dans leur interaction avec la lumière, la couleur et le temps. Ici, l'appareil photo devient un pinceau qui peint le passé et le présent des villes, révélant un dialogue esthétique entre l'homme et la nature, entre la mémoire et l'innovation.
 
 La sculpture visuelle : Une lumière qui écrit un poème de couleurs
 
Les photographies reposent sur une grande maîtrise dans l'utilisation de la **couleur** et de la **lumière**, transformant les surfaces en bois et en métal des portes en tableaux abstraits. Les couleurs terreuses—du bleu marin pâle au cuivre rouillé et chaud—s'harmonisent avec les rythmes de la lumière tombant en angles aigus, comme si le soleil collaborait avec l'artiste pour sculpter les détails. Les facteurs climatiques tels que le vent et l'humidité ajoutent une couche esthétique inattendue ; les fissures du bois deviennent des lignes qui épousent l'ombre, et la rouille s'écoule comme une peinture naturelle racontant des histoires d'érosion et de survie. Cette interaction entre les éléments naturels et le travail humain confère à l'œuvre une dimension existentielle, comme si les portes étaient des témoins de la rigueur du temps et de la délicatesse de l'art.
 
 Les portes comme texte culturel : Seuils de la mémoire collective 
 
L'esthétique ici ne se dissocie pas de son héritage historique. Les villes choisies—avec leur patrimoine juif, amazigh, andalou et portugais—incarnent une harmonie culturelle rare. Les portes, avec leurs motifs géométriques et leurs ornements végétaux, se lisent comme des codes visuels reflétant le mélange des civilisations : l'étoile de David s'entrelace avec les arabesques raffinées, et les couleurs vives portugaises se réconcilient avec la simplicité amazighe. Boussacsou ne capture pas simplement des images, il "déconstruit" les couches de l'identité ; chaque porte est une passerelle vers un monde exceptionnel, où la pluralité n'est pas un simple empilement, mais un tissu cohérent.
 
 L'art comme acte de valorisation : Renaissance du patrimoine et redécouverte du créateur
 
L'exposition s'inscrit dans la continuité du travail de Boussacsou visant à documenter le patrimoine immatériel, mais elle dépasse l'idée traditionnelle de préservation pour entrer dans l'espace de l'appréciation et de la sensibilisation. Les photographies poussent le spectateur à se demander : qui a conçu ces chefs-d'œuvre? Comment l'artisan a-t-il transformé des matériaux simples en un héritage intemporel? L'artiste met en lumière le "créateur anonyme" qui a maîtrisé le choix des pigments naturels et inventé des techniques résistant à la violence de la mer, transformant la porte d'un objet fonctionnel en une œuvre d'art. Cette valorisation redonne sa place à l'artisan en tant qu'artiste et dessine l'image d'une société où la création était un acte collectif, et non individuel.
 
Les seuils de l'art vers la conscience
 
A travers son objectif, Boussacsou ne documente pas des portes, il les ouvre. Chaque image est une invitation à contempler la beauté dans les détails quotidiens négligés et à lire l'histoire à travers le langage de l'art qui transcende les lettres. L'exposition, bien qu'enracinée dans un contexte local, pose des questions universelles : comment l'homme transforme-t-il l'environnement en beauté? Comment l'art devient-il un pont entre le passé et l'avenir ? Ici, les vieilles portes nous enseignent que la création n'est pas un luxe, mais une nécessité pour l'âme, et que l'artisan—aussi modeste soit-il—est un gardien de la beauté.

Libé

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