Entretien avec l’artiste peintre Hamid Bouhioui : L’art offre l’éternité


Propos  recueillis par ABDELLAH CHEIKH
Mercredi 9 Septembre 2009

Entretien avec l’artiste peintre Hamid Bouhioui : L’art offre l’éternité
Dr Hamid Bouhioui
est un artiste peintre
maroco-canadien travaillant entre Vancouver, Casablanca et Rabat, qui dédie toute
sa peinture à la femme.
Il est professeur de mathématiques pour ingénieurs et enseigne
la perspective et la géométrie
descriptive à Art’com. Il est aussi chroniqueur à «Aujourd’hui le Maroc», rubrique «De toutes
les couleurs ». Très discret,
méticuleux dans son travail
et doué d’une sensibilité
plastique qui ne  lui vaut que des éloges, Hamid Bouhioui sait allier pensée et création
en une synthèse originale,
en optant pour une
réinterprétation de la réalité
subjective. Ses écrits sur
la peinture et ses articles
journalistiques attestent
chez lui d’une maîtrise
artistique et culturelle
remarquable. Entretien.

Libé: Quelles sont les grandes escales de votre parcours artistique ?

Bouhioui : J’ai toujours dessiné. A quatorze ans, j’ai réalisé ma toute première exposition. C’était dans la salle des professeurs au collège Al Mansour Addahabi à Casablanca. Puis un léger ralentissement le temps d’obtenir mon doctorat en acoustique, j’ai repris la peinture de plus belle. En 2000, je me suis libéré totalement pour me  consacrer à la peinture en plus de quelques heures d’enseignement qui me procurent une grande bouffée d’oxygène.

Votre peinture connotative est  dédiée à la femme. Quel est le secret de ce choix ?

Je suis fasciné par la féminité. Au point que j’ai l’impression que les hommes ne sont finalement qu’un complément, un faire-valoir de la femme. J’ai perdu ma mère très jeune et j’ai passé le reste de ma vie à chercher la douceur et la compagnie féminine. Je n’ai jamais senti le besoin de peindre un homme. À chaque fois que je me mets devant une toile, je ne vois que des expressions de femmes. 

Quelle est votre conception d’art ?

Il y a 40 mille ans, alors que les humains ne mangeaient même pas à leur faim, ils éprouvaient déjà le besoin de peindre dans les grottes. Je conçois l’art comme une chose duale, à la fois futile et nécessaire. Que nous reste-t-il des Egyptiens, des Grecques, des Mayas et des anciens peuples ? Que des monuments architecturaux, des dessins, des sculptures… L’art offre l’éternité. L’art est ce qui reste quand on a tout oublié.

Vous êtes un artiste peintre maroco-canadien qui travaille  entre Vancouver, Casablanca et Rabat. Comment jugez-vous la création plastique d’ici et d’ailleurs ?

J’ai la fabuleuse chance de pouvoir suivre l’évolution de la création artistique dans deux pays (deux cultures) aussi éloignés que le Maroc et le Canada. Les Canadiens aiment généralement la peinture paysagiste. Cela se comprend facilement puisque la nature canadienne est ce qu’il y a de plus fascinant, de plus sauvage, de plus beau au monde. Les gens cherchent à ramener la nature et les paysages jusqu’à leur salle de séjour. Au Maroc c’est un peu différent. On aime un peu tout car la peinture est encore jeune. On aime les magnifiques paysages marocains mais on apprécie tout autant les petites scènes de la vie à l’ancienne.

Qu’entendez-vous par la création dans l’art ?

La création dans l’art, c’est quand le cœur se mêle au travail manuel et intellectuel.

Quel regard  portez-vous sur  la critique d’art  au Maroc?

L’art marocain est jeune. Et par conséquent il y a très peu de critiques d’art. Les quatre ou cinq qui sont sur la scène artistique marocaine sont très doués mais il en faut d’autres. Les écoles des Beaux-Arts devraient former des critiques d’art aussi, pas seulement des artistes !

Vous êtes parmi les écrivains sur l’art au Maroc sans jamais prétendre avoir toujours raison. En  quoi,  cette activité parallèle, peut–elle contribuer à la promotion de l’art contemporain au Maroc ?

Je passais mon temps à me parler tout seul comme un fou. Je me suis dit un jour que je devrais partager mes pensées avec les gens. Maintenant j’ai des lecteurs au Maroc, mais aussi dans plusieurs pays francophones. Ce que je raconte, beaucoup de gens le vivent. Je pense que l’essentiel de mes écrits est qu’ils excitent la curiosité des gens et les font réfléchir. J’essaie aussi d’inclure des choses et des histoires qui peuvent apprendre quelque chose de nouveau aux lecteurs.

Comment appréciez-vous le marché de l’art au Maroc, ses contraintes et ses spéculations ?

Tout est neuf au Maroc ! C’est une chance pour l’art dans ce pays, car les gens qui ont les moyens viennent de comprendre que la peinture est parfois plus solide que le béton.
Le marché est un peu fou parfois, mais avec le temps tout va s’équilibrer. En attendant, profitons de cette agréable agitation artistique.

Quelle est votre position par rapport aux questions de plagiat et inspiration ?

L’inspiration est légitime. C’est ainsi que l’art devient culture. Le plagiat, quant à lui, est très tentant pour les jeunes artistes, les artistes qui ont du mal à se faire remarquer ou ceux qui cherchent la facilité. Mais il ne faut pas oublier l’histoire ! Car on peut tromper ses contemporains mais pas les générations futures

En qualité de professeur de mathématiques pour ingénieurs et enseignant  de  la perspective et la géométrie descriptive à Art’com, Comment se porte l’enseignement artistique au Maroc ?

L’enseignement public a l’air d’être en pleine chute libre. Le privé est divers. Certaines écoles sont excellentes pendant que d’autres ne font qu’encaisser des chèques. Côté art, l’enseignement est moyen à mon sens. On a encore beaucoup de choses à développer. Et puis, une école des Beaux-Arts n’est pas une usine à artistes, c’est un lieu où l’on apprend à apprécier l’art dans toutes ses formes.

Quel est, à votre avis, le plus beau métier du monde ?

Il y a une différence fondamentale entre la pratique d’un art à plein temps et la notion de travail. Je pense qu’une activité devient « travail » lorsqu’on préférerait faire autre chose, être ailleurs, et qu’on n’a pas vraiment le choix. Ce qui n’est pas le cas des activités artistiques car on s’y adonne toujours volontairement, avec joie, et pour les amateurs, souvent après de longues journées de travail. Comme si l’énergie que l’on dépense dans une activité artistique n’était pas perdue mais, plutôt gagnée.
Il y en a qui considèrent le métier d’artiste comme un travail. S’ils sont eux-mêmes créatifs, peut-être créent-ils pour vivre au lieu de vivre pour créer comme c’est le cas pour les artistes! Dans ce cas, il faudrait probablement ajouter que c’est le plus beau métier du monde.
Cela paraît un peu exagéré. C’est vrai que beaucoup de gens aiment leurs métiers, mais de là à les pratiquer gratuitement, je pense que le pas est difficile à franchir. Un très bon métier se fait avec beaucoup de plaisir, sans trop d’efforts, mais néanmoins, jamais gratuitement. Il y a par contre des millions de gens qui pratiquent de la musique, de la poésie ou de la peinture sans rien recevoir ! Les artistes amateurs s’adonnent généralement à l’art en dépensant de l’argent, juste pour le privilège de continuer à le pratiquer.
Pardonnez-moi d’oser dire que le travail n’est pas une chose naturelle ou noble comme on essaie de l’inculquer aux écoliers dès leur jeune âge. Il est indispensable au bon fonctionnement de la société, c’est tout ! Le travail, c’est une servitude tolérée contre paiement, ni plus ni moins. Et ce n’est pas George Carlin qui dirait le contraire : « Si le travail était si noble, on ne vous paierait pas pour le faire »
Le plus beau métier du monde, est un métier que l’on ne voudrait changer contre rien d’autre au monde. Que l’on est prêt à faire gratuitement ! Qui ne fatigue jamais ! Un métier dont on est prêt à parler sans se répéter et sans se lasser. Un métier qui procure de la dignité, un sentiment d’accomplissement, une joie immense et le respect des gens. C’est un métier sans maître ni esclave. Un métier qu’on souhaiterait à ses propres enfants. Un métier que l’on a hâte de retrouver après les vacances. Un métier où le produit n’est jamais exactement le même, pas de fabrication en série, pas de répétition ennuyeuse. C’est un effort qu’on est prêt à recommencer chaque matin et n’arrêter que pour dormir. Le plus beau métier du monde est aussi celui qui a le potentiel de vous faire vivre très confortablement.
En plus du travail des mains et de la tête, le plus beau métier du monde est une affaire de cœur !  « Celui qui travaille avec ses mains est un ouvrier, celui qui travaille avec ses mains et sa tête est un artisan et celui qui travaille à la fois avec ses mains, sa tête et son cœur est un artiste » écrivait Saint François D’assise.


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