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Entretien avec Françoise Atlan, chanteuse et directrice artistique du Festival des Andalousies Atlantiques d’Essaouira : “Il ne s’agit pas de gommer les différences, mais d’en faire des spécificités qui circulent librement entre elles”


Propos recueillis par Abdelali Khallad
Mercredi 19 Octobre 2011

Entretien avec Françoise Atlan, chanteuse et directrice artistique du Festival des Andalousies Atlantiques d’Essaouira : “Il ne s’agit pas de gommer les différences, mais d’en faire des spécificités qui circulent librement entre elles”
Françoise Atlan parcourt le monde des concerts et  festivals (Carnegie Hall
à New York, Festival de Mexico, Festivals de Fès et d’Essaouira) et ceux des conférences et master class (Genève, Paris, Montréal,...).
Directrice artistique du Festival des Andalousies Atlantiques d’Essaouira pour la troisième année consécutive, cette dame a une aura particulière. Elle la doit à son
appartenance à une
double culture, à son  attachement à ses racines judéo-maghrébines,
à sa curiosité musicale
et intellectuelle, à son ouverture sur le monde
et à son parcours
exceptionnel de
chanteuse et de
musicologue.
A travers son chant, Françoise Atlan est
porteuse d'un message d'espoir, de partage, d'émotion et de
tolérance. Autant de valeurs qui caractérisent la démarche et les choix du Festival des Andalousies Atlantiques. Entretien.

Libé :  Cette année, le Festival des Andalousies Atlantiques éteindra sa huitième bougie. Quelle est la particularité de cette édition?

Françoise Atlan : Chaque édition, depuis huit ans, possède sa singularité…
Cette année encore, la ville d’Essaouira accueille des artistes dont la personnalité est elle aussi singulière. Pour cette nouvelle édition du Festival des Andalousies Atlantiques d’Essaouira,  un Festival créé, porté et soutenu par l‘Association Essaouira-Mogador, présidée par André Azoulay,  et en partenariat avec la Fondation des Trois Cultures à Séville, nous avons voulu donner un sens à une notion qui nous est particulièrement  chère, celle de la transmission.. La transmission  d’un savoir, d’un apprentissage, qui se perpétue de génération en génération,  en l’occurrence l’héritage musical. Mais une transmission qui nous mène vers l‘avenir aussi. Nous ne sommes pas dans la nostalgie, bien au contraire. Ne pas prendre conscience de cela, et en même temps, occulter le rôle du savoir de nos aînés, c‘est un peu comme si l’on voulait construire une forteresse…. sans les éléments architecturaux qui font que cet édifice se tient debout ….et perdure, enrichi des apports novateurs des jeunes générations.
 Le choix de la  programmation, cette année encore,  se veut l’image, nette et précise, de cette notion, et nous pourrons en juger dès la soirée d’ouverture, avec l‘Orchestre des jeunes talents du Conservatoire  de Fès, qui constitue en quelque sorte la « relève »  de la prestigieuse Ecole d’Abdelkrim Rais, actuellement représentée par Si Mohamed Briouel, et dont la majorité des  membres des jeunes talents fait partie aujourd’hui.

Comme directrice d'un festival international placé sous le thème de l'interculturalité, quelles idées et  sentiment  vous confère cette responsabilité ?

Tout d’abord, je dirai que le fait d’être artiste moi-même, apporte à mon engagement un sentiment à la fois de grande responsabilité ainsi que vous le dites,  animée par une urgence : une urgence à faire entendre, à faire savoir, ce que j‘ai toujours chanté et continuerai  à chanter : Convivencia, l’art de vivre ensemble, de partager nos cultures et nos mémoires, additionnées certes, mais non assimilées les unes aux autres : ce serait les annihiler que de nier leurs spécificités, et elles sont nombreuses.
En ce sens, le Maroc, et plus particulièrement Essaouira, la ville qui abrite ce Festival, constitue le  terreau fertile et inaltérable de cet art de vivre ensemble. Il ne s’agit pas de gommer les différences, mais d’en faire des spécificités qui circulent librement entre elles, se côtoient et se frôlent -, parfois même se « frottent »- !, mais toujours se rencontrent. C‘est une constante du «  fait » musical maghrébin, à travers également  le Melhoun qui emprunte au style « Ala », par exemple.
Et bien sûr, le « fait musical » reste indissociable du « fait » culturel et social : c’est cela que nous nommons « Convivencia ».

Vous avez pris le relais de la direction depuis deux ans maintenant. Est-ce que vous pouvez nous dresser  un constat des acquis d’une part, du plus que vous avez apporté et du travail qui reste à faire en perspectives d’autre part ?

Effectivement, et pour la troisième année consécutive, la   visibilité à l’international (nous avons eu l’an dernier un magnifique « Carnet Nomade «de la journaliste Colette Fellous de France-Culture par exemple) ne cesse de croître. En même temps, le Festival, qui a été créé par l’Association Essaouira–Mogador, reste éclectique, absolument pas élitiste : d’aucuns pourraient le penser, ou lire une programmation « pointue », et exigeante dans ses choix.
Pourtant, on peut y voir se côtoyer, -aussi bien lors de nos matinées-colloques à Dar Souiri que de nos concerts de l’après-midi à Dar Souiri encore,  ou  des concerts du soir à Bab El Menzeh- les habitants d‘Essaouira, femmes, enfants,  qui viennent très souvent en famille, la jeunesse souirie,  des journalistes des chaînes nationales et internationales, des touristes de passage ou venus spécialement pour l ‘évènement, ou encore des ministres. Nous avons également cette année décidé de donner encore plus aux Souiris, la possibilité de s’exprimer,  et de nous montrer combien ils sont attachés à leur patrimoine musical et culturel, et combien nous sommes nous-mêmes conscients de sa valeur et de l’urgence à la sauvegarder, la pérenniser,  à la prolonger à travers la jeune génération. C‘est ainsi qu’au-delà de minuit, après le dernier concert de Bab El Menzeh, et ce, à partir du jeudi 27 octobre, nous nous retrouverons tous à Dar Souiri, en compagnie des confréries d‘Essaouira, à travers chants et danses : encore  un témoignage extraordinaire de la vitalité des habitants de la cité des Alizés. Les talents à Essaouira en particulier,  comme dans tout le Maroc, sont nombreux et cette  créativité est nourrie par un savoir ancestral et le respect de ce savoir. Nous nous devons de  le faire non seulement éclore, mais aussi veiller  à ce qu’il puisse constituer un témoignage vivant de cette formidable « pépinière », le donner à voir et à entendre.

Il n'est jamais évident de gérer un si grand projet culturel et artistique avec des interférences à la fois culturelles, ethniques et politiques ainsi que  des contraintes financières importantes. Pouvez-vous nous donner une image des difficultés  que vous rencontrez à chaque édition?

Bien sûr, c’est un projet immense que d’avoir choisi d’être attentif aux valeurs que porte le Festival des  Andalousies   Atlantiques d‘Essaouira,  et ce depuis sa création, lui-même porté  par l‘Association Essaouira-Mogador. Par ailleurs, le Festival des Andalousies Atlantiques d‘Essaouira n‘a pas vocation à être  un Festival «ethnique », ni de « musiques du monde », même si le Monde s’y rencontre et y participe, aux côtés des Souiris.
Effectivement, nul doute que la « barque» reste fragile, non pas quant à notre désir de bien faire, mais de manière plus pragmatique, en raison des difficultés financières que nous rencontrons et ce,  malgré l’apport de la Fondation des Trois Cultures sise à Séville,  ainsi que  la participation de nos sponsors. Il faut rappeler que le Festival des Andalousies Atlantiques d‘Essaouira   est grand par sa qualité,    mais petit   par rapport aux autres Festivals en termes de budget. De plus, nous n‘échappons pas au contexte international de la crise. Mais cette année encore, tous les concerts et colloques sont gratuits, et nous espérons conserver cet accès libre.

Est-ce que vous pensez que sur le plan  institutionnel, la ville d'Essaouira accompagne suffisamment la vision et les objectifs du projet  ?

Le Festival des Andalousies Atlantiques d’Essaouira a été créé par l’Association Essaouira-Mogador, dont le président est André Azoulay. Depuis 20 ans, elle  s’investit pleinement pour la ville d’Essaouira, avec un but : celui de dynamiser et optimiser le potentiel créatif  de la ville et de ses habitants. Le potentiel humain est immense, sa capacité d’ouverture au monde en fait  un atout de premier choix. Sauvegarder le patrimoine économique et social, être attentif  à la préservation du patrimoine urbanistique et culturel de la ville, la promotion d’Essaouira  et de sa région : tels sont les choix de l’Association Essaouira–Mogador, et tous les Festivals créés  à Essaouira se veulent et sont le résultat de cette volonté. L’Association Essaouira-Mogador  vise également au renforcement du tissu économique et de l’infrastructure locale, et lors de chaque Festival à Essaouira, la population est impliquée. En ce sens, on peut véritablement dire que le Festival des Andalousies Atlantiques d‘Essaouira participe à cette valorisation.
Ce festival n’a pas vocation à être uniquement    un événement artistique désolidarisé des préoccupations et des réalités  de  la vie souirie. Il s’inscrit pleinement dans la vie de la cité, et participe à son essor. Ainsi, nous travaillons étroitement tous ensemble, et ce, à tous les niveaux institutionnels.

Quels sont les moyens que vous entendez mettre en place pour pérenniser les résultats du Festival ?

Il faut continuer à échanger, à collaborer, de la même façon qu’aujourd’hui, et veiller à ce que   la population d‘Essaouira soit de plus en plus impliquée. La présence  de plus en plus importante des Souiris aux concerts, que ce soit à Dar Souiri, (siège de l‘Association et espace emblématique de la vie culturelle de la ville), ou aux matinées-colloques ou aux soirées A Bab El Menzeh, nous montre le chemin et nous renforce dans notre conviction et notre détermination.


Programme de la 8ème édition

Jeudi 27 octobre
21h00 – 22h15 : Bab El Menzeh
Soirée d’ouverture avec l’Orchestre des jeunes talents du Conservatoire de Fès dirigé par le talentueux  Driss Berrada : Les dignes héritiers de l’Ecole prestigieuse d’Abdelkrim Rais et de leur Maître d’aujourd’hui Mohamed Briouel,  nous invitent à  un pur moment  d’Ala, dans la continuité de l’Ecole de Fès.
22h30-00h00 : Bab El Menzeh
Le grand  chanteur Maxime Karoutchi, originaire d’Essaouira, dont la voix exceptionnelle parcourt le monde entier, connu et adulé de tous les mélomanes du Maghreb,  rendra un hommage aux grands chanteurs  d’Essaouira dont il est l’héritier, et  nous offrira son répertoire de prédilection : le répertoire          judéo-marocain, à travers les chansons de Salim Hallali et de Samy  El Maghrebi  : un grand moment en perspective !
Au-delà de minuit ….à Dar Souiri
La fête se poursuit  avec les confréries d’Essaouira,  pour un moment plein de joie et d’allégresse, à travers leur répertoire multiséculaire, ancré dans la tradition marocaine et en particulier, celle d’Essaouira.
Vendredi 28 octobre
10h30 –12h30 : Dar Souiri
Colloque : «  Partage autour de nos mémoires et cultures additionnées  ».
Des moments d’échange à la fois  de grande intensité, et de respectueuse écoute de  l’Autre, auxquels chacun est convié,  en marge des concerts. La présence des artistes nous donnera l’occasion de les entendre aussi à travers les chants et musiques qu’ils nous offriront de manière tout à fait intemporelle et généreuse.
      15h30-16h30 : Dar Souiri
«L’Etoile du Melhoun», la chanteuse  Laila Lamrini,  nous emmènera la fois  dans le monde du «Chaa’bi El Maghrebi » »,  du Melhoun et des chansons de Samy El Maghrebi : un répertoire  admirablement servi  par sa voix mélodieuse, nous donnant ainsi un bel aperçu de son talent.
16h45-18h00 : Dar Souiri
«La diva du Hawzi », pour la première fois au Maroc, Naima Dziria invite le grand  pianiste Maurice Medioni pour un duo inédit : un  incroyable moment de complicité, à la fois intimiste et chaleureux, pour un clin d’œil au répertoire populaire de l’Alger des années 40.
21h00-22h15 : Bab El Menzeh
Hommage à Maître  Ahmed Piro : le chantre du Gharnati,  accompagné de sa talentueuse  élève, la chanteuse Baha Ronda, nous  transportera  dans le monde   de  la Nouba  au parfum de la ville de Grenade. Ils seront accompagnés par l’Orchestre Chabab Al Andalous,  dirigé de main de maître par Amine Debbi.
 22h30-00h00 : Bab El Menzeh
Naima Dziria, la «diva du Hawzi », que nous retrouvons à présent sur la grande scène, une chanteuse  à la voix tour à tour fascinante et bouleversante, nous fera découvrir  ou redécouvrir le répertoire Hawzi et Chaabi, dont elle est l’incarnation absolue, dans la plus pure tradition de la ville d’Alger dont elle  est originaire. A ses côtés, l’orchestre Tarab dirigé par le sémillant  violoniste  Fouad Didi,  l’un des meilleurs représentants de l’Ecole de Tlemcen.
Au-delà de Minuit….   à Dar Souiri
En compagnie des confréries et artistes d’Essaouira
 Samedi 29 octobre
10h30-12h30 : Dar Souiri
Colloque : « Partage autour de nos mémoires et cultures additionnées »,  ponctué par des instants musicaux de pure poésie nous invitant à la réflexion.
15h30-16H30: Dar Souiri
«Flamencos de Moron»,  un moment  de  «Flamenco Puro» suivant la tradition gitane d’Andalousie, authentique  et savoureuse : un moment précieux dans le bel écrin de Dar Souiri.
16h45-18h00 : Dar Souiri
Hommage à Lili Labassi
L’orchestre Tarab de l’Ecole de Tlemcen que  nous retrouverons avec le fabuleux violoniste et chanteur Fouad Didi pour revisiter les pièces exceptionnelles du répertoire du Maître Lili Labassi.
20h30-21H00 : Bab El Menzeh
«Brises de ballet»  avec la troupe du Royal Ballet de Londres, l’occasion unique de découvrir, à travers le travail musical et chorégraphique de deux jeunes et déjà  grands  solistes du Royal Ballet de Londres, l’influence des traditions arabo-andalouses sur la danse classique occidentale.
Ils offriront une occasion merveilleuse aux petites filles d’Essaouira : participer à des ateliers de danse classique, tout au long  du Festival.
 21h15-22h30 : Bab El Menzeh
 «Flamencos de Moron » pour un «Duende» Flamenco à l’état pur, à travers le « Cante Jondo » et le « Baile » de ces magnifiques artistes venus de Séville qui nous invitent à une véritable « fiesta » gitane et andalouse.
22h45-00h00 : Bab El Menzeh
Hommage à Samy El Maghrebi
Une découverte : la jeune et talentueuse chanteuse  Sanaa Marahati dont la voix expressive et colorée rend hommage à Samy El Maghrebi. Entre  Mawal et Qaçayed, idylles ou chansons existentielles, elle chante l’amour  et la beauté, thèmes chers au Maître Samy El Maghrebi.
Au-delà de minuit…  à Dar Souiri
Ultime rendez-vous dans une ambiance qui promet d’être des plus festives pour continuer et clore en beauté la 8ème Edition du Festival,  en compagnie des artistes  d’Essaouira ….. et  des autres !




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