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Au centre Annajda,
on côtoie la violence au quotidien. Celle de dizaines de femmes qui s’y rendent fuyant leurs bourreaux. Prises en charge, consolées, elles acquièrent plus de confiance. Fatima
Maghnaoui a bien voulu nous parler du combat
que livrent les ONG sur
le terrain afin de prêter main forte à ces victimes. Une lutte qui
se place également
au niveau des textes
de loi. Entretien.
Libé : Ce 25 novembre marque la Journée mondiale de lutte contre la violence faite aux femmes. Quels constats faites-vous de ce fléau?
Fatima Maghnaoui : Fort malheureusement, on assiste à une montée conséquente de la violence. Le foyer conjugal est devenu une sphère de violence dont sont témoins les enfants : violences physique et psychologique. D’ailleurs, d’après les rapports du réseau Annajda, qui compte 12 centres à travers les villes du Royaume, il s’avère que la violence psychologique arrive en premier lieu. C’est ainsi que les femmes et les jeunes filles qui s’adressent à nous sont traumatisées voire angoissées. C’est vraiment effarant. Et puis la famille est devenue un espace de viol. Preuve en sont toutes les affaires d’inceste qui ne manquent pas de défrayer la chronique. Il en est de même des mariages des mineures. On se retrouve ainsi en présence de violation des droits humains car la violence est la forme extrême de discrimination envers les femmes. Par ailleurs, la femme ne devrait pas être liée à la seule famille. C’est d’abord une citoyenne et en tant que telle, elle ne se sent en sécurité ni dans la rue, ni au travail, encore moins à l’usine où elle souffre de harcèlement.
Face à cette sombre réalité, qu’avez-vous entrepris en tant que société civile?
On a pu au moins briser le silence relativement. C’est déjà un grand pas. Mais en tant que société civile, on ne peut pas tout faire, c’est plutôt le rôle de l’Etat. Lors de visites effectuées dans certains pays, on a découvert que les communes sont très impliquées dans la lutte contre la violence faite aux femmes. Il en est de même de l’Etat voire des élus. Mais cela n’empêche pas qu’on milite pour changer les lois discriminatoires à l’égard des femmes à travers des réseaux. Ainsi l’Union de l’Action féminine fait partie du réseau du Printemps de la dignité qui milite particulièrement pour la refonte globale du Code pénal qualifié de discriminatoire de par aussi bien sa philosophie, sa structure que son contenu. Pour ce, on milite pour une loi qui garantit la prévention, la protection et la sanction. Ce qui est loin d’être le cas dans le texte présenté par la ministre de la Solidarité, de la Femme, et du Développement social, Bassima El Hakkaoui, qui nous a déçus à plus d’un titre. Tout d’abord, nous n’avons pas été impliquées en tant qu’ONG dans l’élaboration de ce projet et pourtant on ne cesse de parler de partenariat. Il n’en est rien en réalité. Nous considérons même que c’est là une violation pure et simple de la disposition constitutionnelle relative à la démocratie participative. Et puis le référentiel de la loi qualifie la violence d’acte immoral alors qu’il s’agit de violation de droits humains. Par ailleurs, le texte proposé fait référence à des cellules d’accueil voire des commissions en omettant de mentionner la société civile et les centres d’écoute. On s’emploie à nous marginaliser. Et pourtant, nous avons travaillé sur un projet de loi relatif à la violence contre les femmes des années durant en mettant en œuvre des moyens humains et financiers conséquents. Et d’un revers de la main, tout a été mis de côté.
Pour faire entendre leurs voix, quelles dispositions ont été prises par les ONG?
Nous avons mis en place une étude critique et avons établi un mémorandum de cadrage qui comporte notre référentiel et nos propres valeurs. Nous avons envoyé un courrier au chef du gouvernement, au Conseil national des droits de l’Homme et au Conseil économique et environnemental leur faisant part de nos remarques et de notre vision de la question. Nous avons également sollicité une entrevue avec le chef du gouvernement.
Par ailleurs, le 25 novembre, un sit-in devait être organisé à Rabat et ce, à l’initiative du Printemps de la dignité mais qui reste ouvert à tous les réseaux et mouvements militant pour la défense des droits des femmes. Le 7 décembre, une marche blanche aura lieu également à Rabat sous le thème «Non à la violence, la violence tue» en hommage à toutes les victimes de la violence, en l’occurrence Bouchra de Casablanca, Wafa d’Agadir, Lallathoum de Taounate, Latifa de Fqih ben salah et Amina de Larache, pour ne citer qu’elles.
Et qu’en est-il des efforts déployés au niveau de vos centres d’accueil?
Ce sont des dizaines de femmes que nous recevons dans nos centres. Nous leur offrons un soutien psychologique, juridique et médical. Quant au soutien social, il est assuré par une assistante sociale qui effectue des enquêtes de terrain concernant des cas qui ne se limitent pas à la seule ville de Rabat. Nous recevons des personnes de toutes les régions du Maroc.
Parallèlement, les centres s’occupent également du suivi des affaires pendantes devant le tribunal parfois même s’ils se chargent de revoir certains dossiers afin de dénoncer l’impunité, le cas échéant. On organise aussi des ateliers de conscientisation juridique pour les femmes. Il va sans dire que celles-ci ne peuvent évidemment pas se défendre si elles ignorent leurs droits. On s’attelle à les sensibiliser autant faire se peut aux droits humains et à diffuser la culture de l’égalité. L’objectif étant de rendre les victimes de violence plus actives en reprenant à leur tour le flambeau de la lutte pour les droits des femmes.
on côtoie la violence au quotidien. Celle de dizaines de femmes qui s’y rendent fuyant leurs bourreaux. Prises en charge, consolées, elles acquièrent plus de confiance. Fatima
Maghnaoui a bien voulu nous parler du combat
que livrent les ONG sur
le terrain afin de prêter main forte à ces victimes. Une lutte qui
se place également
au niveau des textes
de loi. Entretien.
Libé : Ce 25 novembre marque la Journée mondiale de lutte contre la violence faite aux femmes. Quels constats faites-vous de ce fléau?
Fatima Maghnaoui : Fort malheureusement, on assiste à une montée conséquente de la violence. Le foyer conjugal est devenu une sphère de violence dont sont témoins les enfants : violences physique et psychologique. D’ailleurs, d’après les rapports du réseau Annajda, qui compte 12 centres à travers les villes du Royaume, il s’avère que la violence psychologique arrive en premier lieu. C’est ainsi que les femmes et les jeunes filles qui s’adressent à nous sont traumatisées voire angoissées. C’est vraiment effarant. Et puis la famille est devenue un espace de viol. Preuve en sont toutes les affaires d’inceste qui ne manquent pas de défrayer la chronique. Il en est de même des mariages des mineures. On se retrouve ainsi en présence de violation des droits humains car la violence est la forme extrême de discrimination envers les femmes. Par ailleurs, la femme ne devrait pas être liée à la seule famille. C’est d’abord une citoyenne et en tant que telle, elle ne se sent en sécurité ni dans la rue, ni au travail, encore moins à l’usine où elle souffre de harcèlement.
Face à cette sombre réalité, qu’avez-vous entrepris en tant que société civile?
On a pu au moins briser le silence relativement. C’est déjà un grand pas. Mais en tant que société civile, on ne peut pas tout faire, c’est plutôt le rôle de l’Etat. Lors de visites effectuées dans certains pays, on a découvert que les communes sont très impliquées dans la lutte contre la violence faite aux femmes. Il en est de même de l’Etat voire des élus. Mais cela n’empêche pas qu’on milite pour changer les lois discriminatoires à l’égard des femmes à travers des réseaux. Ainsi l’Union de l’Action féminine fait partie du réseau du Printemps de la dignité qui milite particulièrement pour la refonte globale du Code pénal qualifié de discriminatoire de par aussi bien sa philosophie, sa structure que son contenu. Pour ce, on milite pour une loi qui garantit la prévention, la protection et la sanction. Ce qui est loin d’être le cas dans le texte présenté par la ministre de la Solidarité, de la Femme, et du Développement social, Bassima El Hakkaoui, qui nous a déçus à plus d’un titre. Tout d’abord, nous n’avons pas été impliquées en tant qu’ONG dans l’élaboration de ce projet et pourtant on ne cesse de parler de partenariat. Il n’en est rien en réalité. Nous considérons même que c’est là une violation pure et simple de la disposition constitutionnelle relative à la démocratie participative. Et puis le référentiel de la loi qualifie la violence d’acte immoral alors qu’il s’agit de violation de droits humains. Par ailleurs, le texte proposé fait référence à des cellules d’accueil voire des commissions en omettant de mentionner la société civile et les centres d’écoute. On s’emploie à nous marginaliser. Et pourtant, nous avons travaillé sur un projet de loi relatif à la violence contre les femmes des années durant en mettant en œuvre des moyens humains et financiers conséquents. Et d’un revers de la main, tout a été mis de côté.
Pour faire entendre leurs voix, quelles dispositions ont été prises par les ONG?
Nous avons mis en place une étude critique et avons établi un mémorandum de cadrage qui comporte notre référentiel et nos propres valeurs. Nous avons envoyé un courrier au chef du gouvernement, au Conseil national des droits de l’Homme et au Conseil économique et environnemental leur faisant part de nos remarques et de notre vision de la question. Nous avons également sollicité une entrevue avec le chef du gouvernement.
Par ailleurs, le 25 novembre, un sit-in devait être organisé à Rabat et ce, à l’initiative du Printemps de la dignité mais qui reste ouvert à tous les réseaux et mouvements militant pour la défense des droits des femmes. Le 7 décembre, une marche blanche aura lieu également à Rabat sous le thème «Non à la violence, la violence tue» en hommage à toutes les victimes de la violence, en l’occurrence Bouchra de Casablanca, Wafa d’Agadir, Lallathoum de Taounate, Latifa de Fqih ben salah et Amina de Larache, pour ne citer qu’elles.
Et qu’en est-il des efforts déployés au niveau de vos centres d’accueil?
Ce sont des dizaines de femmes que nous recevons dans nos centres. Nous leur offrons un soutien psychologique, juridique et médical. Quant au soutien social, il est assuré par une assistante sociale qui effectue des enquêtes de terrain concernant des cas qui ne se limitent pas à la seule ville de Rabat. Nous recevons des personnes de toutes les régions du Maroc.
Parallèlement, les centres s’occupent également du suivi des affaires pendantes devant le tribunal parfois même s’ils se chargent de revoir certains dossiers afin de dénoncer l’impunité, le cas échéant. On organise aussi des ateliers de conscientisation juridique pour les femmes. Il va sans dire que celles-ci ne peuvent évidemment pas se défendre si elles ignorent leurs droits. On s’attelle à les sensibiliser autant faire se peut aux droits humains et à diffuser la culture de l’égalité. L’objectif étant de rendre les victimes de violence plus actives en reprenant à leur tour le flambeau de la lutte pour les droits des femmes.