Entretien avec Emmanuel Golou, président du comité Afrique de l’Internationale socialiste

“La nouvelle politique migratoire adoptée par le Maroc doit être partagée de tous”


Le voyage marocain du président du comité Afrique de l’Internationale socialiste, Emmanuel Golou, est assurément l’un des événements de la rentrée politique de l’USFP. Effectuée sous le signe des droits humains et la migration, la visite de celui qui est également le leader du Parti social-démocrate béninois coïncide avec la décision de mettre en œuvre une nouvelle politique migratoire au Maroc. « Cette décision Royale doit être partagée par nous tous Africains parce que nous sommes concernés. Nous sommes tous interpellés par des questions migratoires », souligne E. Golou avant de nous annoncer la tenue d’une grande rencontre sur le phénomène migratoire en Afrique. Le Maroc, a révélé à Libération ce membre influent de l’Internationale socialiste, sera sollicité pour « aider dans la conceptualisation et l’organisation de ce forum ».
Le président du comité Afrique de l’Internationale socialiste suit les soubresauts du continent noir. Il énumère les crises, les conflits, les dangers tout en plaidant pour la mise en place « d’une force africaine suffisamment équipée pour intervenir dans les situations de crise ».
Le regard rivé sur la bande du Sahel et ses risques, Emmanuel Golou est formel : rien ne peut se faire sans Rabat dans le cadre du volet sécuritaire.
Le Maroc a l’identité africaine plus que jamais affirmée. Cet homme politique béninois en appelle à dépasser la non présence de Rabat dans les structures de l’Union africaine. « Nous avons besoin du Maroc dans toutes les instances sous-régionales », fait-il valoir dans cet entretien accordé à Libération.
Leader de gauche et démocrate convaincu, cet ami traditionnel de l’Union socialiste des forces populaires aime à rappeler le parcours militant du parti de la Rose. «  C’est un parcours élogieux, malgré toutes les pénibilités. ll y a eu beaucoup de sacrifices, beaucoup de morts. Mais la démocratie a progressé, même s’il faut continuer à se battre » conclut-il.

Entretien réalisé par Narjis Rerhaye
Lundi 16 Septembre 2013

Entretien avec Emmanuel Golou, président du comité Afrique de l’Internationale socialiste
Le voyage marocain
du président du comité Afrique de
l’Internationale
socialiste, Emmanuel Golou, est assurément  l’un des événements de la rentrée politique de l’USFP. Effectuée sous le signe des droits
humains et la
migration, cette visite de celui qui est
également le leader du Parti social démocrate béninois coïncide avec la décision de mettre
en œuvre une nouvelle politique migratoire
au Maroc. « Cette
décision Royale doit être partagée par nous tous Africains parce que nous sommes  concernés.  Nous sommes tous
interpellés par
des questions
migratoires », souligne E. Golou avant de nous annoncer la tenue d’une grande rencontre  sur le phénomène
migratoire en Afrique.  Le Maroc, a révélé ce membre influent de l’Internationale
socialiste,  sera sollicité pour « aider dans
la conceptualisation
et l’organisation de
ce forum ».


Libé : Votre voyage au Maroc coïncide avec la décision prise par le Royaume de mettre en place une nouvelle politique migratoire. Vous avez d’ailleurs longuement rencontré à ce sujet le président du Conseil national des droits de l’Homme. En tant que président du comité Afrique au sein de l’Internationale socialiste, comment évaluez-vous cette prise de conscience du Maroc réalisant qu’il est aussi une terre d’asile ?

Emmanuel Golou: Comme je l’avais dit à d’autres occasions, je crois que le Maroc va continuer à nous étonner.  La décision prise par SM le Roi de régulariser la situation de ceux qui sont en situation irrégulière est extrêmement riche en enseignements. C’est  une décision humaine de justice et  de droit.
Pour moi, et en tant que président du comité Afrique de l’Internationale socialiste, cette décision Royale portant sur la mise en œuvre d’une nouvelle politique migratoire doit être discutée et partagée par nous tous Africains parce que nous sommes  concernés.  Nous sommes tous interpellés par des questions migratoires, à l’intérieur  de notre continent comme vis-à-vis de l’Europe.

« Une force africaine devrait
être mise en place pour intervenir
à chaque fois sur les crises
du continent »


Et l’idée qui nous est venue à l’esprit immédiatement, c’est d’organiser une grande rencontre,  un grand forum sur le phénomène migratoire en Afrique.  Nous allons  à ce titre demander à nos amis marocains de nous aider dans la conceptualisation et l’organisation de ce forum.

Vous vous êtes également intéressé à la question des droits humains en terre marocaine. Vous avez rencontré le président de l’Organisation marocaine des droits humains. Quel regard portez-vous sur le respect ou non des droits de l’Homme chez nous ?

Beaucoup de choses évoluent de manière positive au Maroc. Y compris la question du respect des droits humains. En fait, tout évolue et positivement. Je ne peux que demander que cela se poursuive et pour l’intérêt de tous.

Quels sont aujourd’hui et de votre point de vue de président du comité Afrique de l’Internationale socialiste les dossiers brûlants qui se posent à l’Afrique et qui doivent aussi interpeller le Maroc?

Les sujets sont nombreux. Nous avons en premier lieu la question sécuritaire en Afrique.  La crise au  Mali nous interpelle, nous interroge  et nous devons nous prononcer à ce sujet. Il faut qu’il y ait des échanges et que nous, Africains de gauche, nous fassions des propositions concrètes et cesser de parler seulement.  Il faut faire des propositions et les défendre auprès des organisations régionales comme  l’Union africaine, la CEDAO… Il est primordial que nous  donnions notre point de vue sur cette question sécuritaire pour que nous pussions nous en sortir.

Est-ce qu’il n’y a pas une frustration chez les Africains que nous sommes, chez l’Africain que vous êtes lorsque c’est un pays comme la France qui a aidé le Mali dans sa transition démocratique et au rétablissement de l’ordre constitutionnel ?

 C’est bien plus qu’une frustration, c’est une interrogation forte.  Avant que les Français n’arrivent, j’ai constaté que les Africains essayaient déjà de s’organiser, avaient les armes aux pieds sans pouvoir bouger. Et c’est la France qui a fait ce travail. Nous devons là aussi prendre conscience que nous devons défendre nous- mêmes nos positions. Il n’est plus possible que nous soyons toujours de l’attente de celui qui va nous sauver.  Il faut que nous cessions d’être ces gens qui attendent, qui attendent de l’aide, de l’argent, des solutions. Il faut que nous cessions d’être des assistés. Il faut se prendre en charge.

« On ne peut pas régler le dossier
sécuritaire sans l’aide de Rabat. Nous pourrions travailler ensemble
sans avoir à évoquer la question
du Maroc en tant que membre
de l’Union africaine»


Une force africaine suffisamment équipée devrait être mise en place pour intervenir à chaque fois devant de telles situations.  
 .
Une Union africaine sans le Maroc… Est-ce que cela vous interpelle ?

Je pense que la résolution des problèmes liés au Sahara est une question importante et le comité Afrique doit pouvoir accompagner le processus politique. Si cette question est réglée, tout le monde sera à l’aise.
 Je sais aussi que le Maroc peut travailler dans beaucoup de structures et  pas l’Union africaine directement. Je pense particulièrement aux organisations sous-régionales ici.
Avec le Maroc, les pays africains peuvent réfléchir, ensemble, à des formules, des solutions. Je pense ici à la question sécuritaire qui touche le continent. Rien ne peut se faire sans Rabat dans ce cadre.  Le Maroc  a une organisation militaire très évoluée. Je pense que sur ce sujet-là, nous pourrions travailler ensemble sans avoir à évoquer nécessairement la question du Maroc en tant que membre de l’Union africaine.

 Vous évoquiez  le dossier sécuritaire en Afrique.  La question de la bande du Sahel se pose avec force.  Comment l’appréhendez-vous?

Vous parlez d’une bande entre le Mali et l’Algérie. Pour ma part, je parlais de l’Afrique toute entière. Car tout ce qui peut partir de cette partie du continent, c'est-à-dire de cette zone coincée entre l’Algérie et le Mali,  est un danger pour l’Afrique. Nous sommes tous concernés. Et nous devons tous nous battre. Je suis convaincu que l’une des premières batailles sur le plan sécuritaire se situe à ce niveau.

Sur la question du Sahara, comment avez-vous accueilli la proposition marocaine d’autonomie élargie ?

La proposition marocaine d’autonomie élargie est effectivement une avancée. Je pense que le Maroc a évolué  en ce qui concerne le dossier du Sahara. Je voudrais ajouter qu’on ne négocie pas seul. On négocie toujours à deux.  Notre souhait’est que les autres parlent aussi parce que chacun doit mettre du sien pour parvenir à une solution.

 Vous êtes leader d’un parti de gauche, le Parti social démocrate. Comment se porte la gauche dans votre pays, le Bénin ?

Au Bénin, la gauche n’est pas en évolution par rapport à la manière dont le parti lui-même se porte. Nous essayons de faire progresser la cause de la gauche au Bénin afin de pouvoir remporter de manière démocratique les prochaines élections.

« Le parcours de l’USFP est élogieux, malgré toutes  les pénibilités.  
Il y a eu beaucoup de sacrifices,  
beaucoup de morts mais la démocratie
a progressé »


Au regard de la mission qui est la mienne auprès  du comité Afrique de l’Internationale socialiste, j’essaie d’agir pour que la gauche s’installe sérieusement et profondément dans nos différents pays. C’est plus facile à dire qu’à faire ! Mais c’est la tâche qui m’est confiée.
Au  Bénin, je dois y travailler comme dans les autres pays où il y a une absence de gauche,  où la gauche n’est pas assez présente.

Selon vous, quels sont les défis qui se posent à une femme ou un homme de gauche aujourd’hui ?

Le premier défi  est sans conteste  la démocratie. Ce qui n’est pas évident dans tous les pays. En tant qu’hommes et femmes de gauche,  nous devons travailler pour que la démocratie entre dans ces pays qui précisément lui tournent le dos.
Au Maroc, j’ai vu le parcours de l’USFP.  C’est un parcours élogieux, malgré toutes  les pénibilités.  ll y a eu beaucoup de sacrifices,  beaucoup de morts. Aujourd’hui, la démocratie a progressé, même s’il faut continuer à se battre.  La démocratie me paraît être une chose importante et essentielle.

Est-ce qu’il peut y  avoir une réponse de gauche à la crise économique financière mondiale ?

C’est une grosse question que vous me posez ! D’autant que nous, au niveau de la gauche, nous sommes souvent des spectateurs de l’évolution économique. La gauche est souvent accusée de faire partie de ceux qui voient le danger et  se mettent à crier :  « Qu’est-ce qu’on va faire ? »
Plus sérieusement,  le capitalisme n’est plus d’actualité, et depuis longtemps. Je crois qu’il faut des réformes profondes au niveau de l’économie mondiale.  Le gain et le profit sont devenus le repère. Mais  on ne peut pas agir de la sorte tant que les populations souffrent de faim, n’ont pas d’abris, pas d’eau. En fait, c’est tout un travail que  nous devons effectuer au niveau international.


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