En marge du nouveau modèle de développement au Maroc

Une réflexion sur les inégalités de revenus au niveau territorial


Par Mohamed Anwar El Hazziti
Jeudi 16 Janvier 2020

Les inégalités de revenus au Maroc constituent une question centrale d’actualité dans le discours économique et politique, car elle est considérée comme l'un des plus grands défis sociaux, économiques et politiques de notre pays. L'inégalité a un certain nombre de conséquences négatives sur le fonctionnement de la société. Elle participe à la détérioration du fonctionnement et de la stabilité des systèmes politiques, puisqu’elle peut concentrer le pouvoir politique entre les mains de quelques élites, entraînant la mauvaise affectation des ressources, la corruption et le népotisme. Pareillement, ce phénomène augmente le risque de diminution des recettes fiscales et des crises financières, provoquant une instabilité économique et réduisant la croissance. De plus, elle entrave les efforts de lutte contre la pauvreté. Enfin, l’inégalité de revenus à un impact remarquable sur la cohésion sociale et elle est parmi les causes principales des conflits et des mouvements de contestation sociaux, car elle réduit le transfert intergénérationnel des revenus et les opportunités d’amélioration de la situation des pauvres.
Les facteurs d'inégalité de revenus au Maroc pourront être liés à plusieurs forces motrices surtout au niveau territorial. La dynamique de la structure urbaine a évolué considérablement avec le temps. Les collectivités territoriales (surtout urbaines) ont connu une réorganisation de leurs activités de production et de consommation, entraînée par des facteurs de production ainsi que par des facteurs de demande. De ce fait, les citoyennes et les citoyens ayant différents niveaux d'éducation et dotés de compétences ont été différemment exposés aux opportunités offertes par les nouvelles évolutions économiques.
Parmi la myriade des facteurs d’inégalité de revenus nous pourrons citer : les facteurs relatifs au capital humain, ceux économiques, démographiques ainsi que les paramètres spécifiques locaux.
Pour le capital humain, on peut dire qu’il est largement considéré comme un facteur majeur déterminant la répartition des revenus. Ainsi, l'accès à l'éducation augmente les possibilités d'emploi et le potentiel de revenu pour les classes sociales démunies, facilitant leur mobilité ascendante vers les classes moyennes. Le niveau de scolarité a un effet compensateur sur la répartition de revenu. De ce fait, l'inégalité d’éducation se retrouve souvent corrélée à l'inégalité de revenu.
Concernant les facteurs économiques, leur lien avec l'inégalité de revenu est remarquable. Cependant, il est à noter que le développement économique semble augmenter les choix professionnels et les opportunités de revenu des personnes aisées. Aussi, la part de la valeur ajoutée territoriale par rapport à celle totale affecte les inégalités territoriales. L'effet du chômage a aussi un impact sur les inégalités, car un taux de chômage plus élevé diminue l'accès à un salaire, qui est la principale source de revenu. Par conséquent, la protection de l'emploi et les différents mécanismes d’aide aux chômeurs constituent des facteurs clés dans l'élaboration de la répartition des revenus en réduisant les inégalités via une plus faible distribution de revenus.
Les facteurs démographiques sont considérés comme essentiels pour créer la répartition de revenus. Beaucoup pensent que la part des immigrants internes et externes devrait être un facteur d'aggravation des inégalités, car ils ont tendance à gagner moins que les locaux et sont probablement en concurrence pour des emplois peu qualifiés malgré les différences en termes de niveau d’éducation, de redoublant ainsi les écarts de salaires existants. En outre, dans les grandes villes marocaines, l’accroissement de la taille des ménages produit une certaine complémentarité de consommation et des économies d'échelle de consommation, ce qui entraîne une réduction du besoin d'un revenu par habitant élevé, faussant ainsi, l’analyse réelle des inégalités de revenus. D’autre part, les zones à forte concentration dans les quartiers populaires affichent généralement des niveaux d'inégalité plus élevés, parce que, généralement, la population plus qualifiée cherche des endroits moins peuplés avec un niveau de vie plus élevé. Enfin, on assiste actuellement, malgré le niveau d’instruction dans les grandes villes, à une faible offre d’emplois convenables, favorisant ainsi, le développement d’emplois moins qualifiés.
Un autre facteur moteur de l’inégalité de revenus est fortement lié au développement des inégalités dans la planification urbaine (bidonvilles, quartiers défavorisés et sous-équipés, etc). Cette inadéquation est le résultat de plusieurs facteurs, notamment les mouvements de migration rurale vers les villes, la mauvaise planification urbaine, ainsi que la « réglementation » des quartiers non réglementaires, et ce sans les doter d’infrastructures et d’équipements de base. Le groupe à faible revenu n'ayant pas les moyens d’acquérir des logements bien équipés se tournent contraints vers les bidonvilles et les quartiers non réglementaires en périphérie. De ce fait, l'inadéquation entre les nouveaux emplois créés dans les zones périphériques et les faibles compétences professionnelles du groupe à faible revenu accentue le phénomène. Cette catégorie de population doit supporter de longs trajets et un coût de vie élevé. Ce type d'inadéquation spatiale semble généralisé au Maroc où les problèmes urbains d’inégalité spatiale, d'éloignement des lieux de travail et de commutation à longue distance pour les groupes défavorisés sont fortement prononcés. La « justice » urbaine restera toujours une question clé pour le Maroc, pour résoudre le phénomène des inégalités sociales.
En conclusion, les inégalités de revenus au Maroc représentent un grand défi dans le cadre de la recherche d’un nouveau modèle de développement. Ainsi, il faudra repenser les politiques de développement urbain pour assurer les principes d’équité et de justice en termes d’équipements, d’infrastructures et d’investissements en créant de l’emploi durable, car une ville équitable renforcera la mise en place d’un environnement de confiance aussi bien pour la population que les investisseurs. Ainsi avec des politiques sociales efficaces et des programmes économiques résilients et innovants, les différentes facettes des inégalités de revenus seront estompées à moyen terme.

En marge du nouveau modèle de développement au Maroc


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