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Il y a presque plus de gardes armés que de candidats sur le tournage, dans la banlieue de Kaboul, de "The Voice" (La Voix), adaptation d'un programme de télé-réalité occidental qui fait un malheur en Afghanistan.
Vêtu d'un treillis, l'un d'eux balaie du regard le plateau avec l'air de trouver tout le monde suspect. Il porte une kalachnikov, l'index sur le pontet, en position de sécurité. Véritable pop-star en Afghanistan, Aryana fait partie des jurés de l'émission. Sur scène, elle écoute deux candidats se livrer un duel en chansons. D'un signe de tête, elle les encourage, danse doucement, sans excès: les images seront diffusées dans tout le pays.
"Il faut que je fasse attention à tout ce que je fais", explique à l'AFP la chanteuse de 28 ans. "Parce que tout va être étudié, même la façon dont je ris".
Une robe trop moulante? On attaque sa vertu. Des boucles d'oreilles "peace and love"? Elle devient l'émissaire du diable. "En Afghanistan, beaucoup de gens n'acceptent pas de voir une femme chanter sur une scène, en particulier si elle n'est pas voilée", dit cette jeune femme à l'épaisse chevelure noire, à la féminité assumée.
"J'ai envie de changer les choses dans ce pays dominé par les hommes. Je suis là pour montrer l'exemple de quelqu'un qui se bat", assure la chanteuse, qui partage sa vie entre Londres et Kaboul.
Cet engagement, Aryana le traduit dans ses chansons. L'un de ses clips raconte la vie de ces Afghanes que des hommes ont privées des droits les plus élémentaires. "Parce que je suis femme, je suis esclave", chante-t-elle sur fond d'images de femmes en burqa. Cette liberté de ton a un prix: Aryana n'est pas seulement la cible de critiques, mais aussi de menaces de mort. "J'ai peur d'être attaquée", confie-t-elle. "J'ai fait un pacte avec mon manager: si un jour on tente de m'enlever, je veux qu'il me tire dessus, qu'il me tue avant qu'on me prenne".
Il y a moins d'un an, les médias afghans rapportaient l'assassinat de l'actrice Benafsha en pleine rue à Kaboul. Plus récemment, le parlementaire Abdul Satar Khawasi a appelé au "jihad" contre les émissions comme "The Voice".
Et il suffit de se rendre dans une mosquée de Kaboul pour se rendre compte du poids des traditions en Afghanistan. "Si une femme choisit de faire carrière dans le cinéma, elle perdra sa dignité", lance Enayatullah Baleegh, imam de la mosquée Pul-e-Khishti.
"Les conservateurs sont en train de revenir en force avec le retrait progressif des troupes étrangères" du pays, qui doit s'achever fin 2014, analyse le sociologue afghan Barayalai Fetrat.
"On les entend régulièrement à la télévision" et "les artistes comme Aryana sont des cibles prioritaires", ajoute-t-il. "Ce sont des signes inquiétants pour les droits des femmes".
Vivre sous tension, se savoir épié, c'est aussi le quotidien de Fereshta Kazemi qui, malgré tout, répond avec un trait d'humour quand on lui "demande comment (elle) fait pour +survivre+ à Kaboul": "ce n'est finalement pas très différent de Hollywood: vous ne savez pas qui est honnête et qui ne l'est pas".
Cette actrice de 33 ans, qui rêve de tourner avec Steven Spielberg, a grandi aux Etats-Unis et s'est installée l'année dernière en Afghanistan. "Je me suis rendu compte après quelques mois que ce serait difficile", dit-elle. "Ma vie privée n'est pas respectée. (...) Pour certains ici, les actrices sont des prostituées".
Mais comme Aryana, Fereshta veut croire qu'une nouvelle génération fera taire ces conservateurs qui les vouent aux gémonies. Et ce changement, elle croit y avoir déjà goûté, après une projection du film "The Icy Sun", dans lequel elle incarne une femme violée, un sujet tabou en Afghanistan.
"A la fin, dit-elle, il y avait toutes ces jeunes filles qui sont venues m'embrasser. Elles étaient heureuses, parce que j'avais fait un film qui parle, honnêtement, de la situation des femmes".