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Empoisonnement, saisie de drogue et kidnapping …(I) : Voici le nouveau responsable des relations publiques de Blatter


L
Mardi 15 Septembre 2009

Madrid, 18 décembre 2002

La famille FIFA se réunissait au Ritz pour une autre fiesta offerte par le football. Cette fois le prétexte était le gala donné en l’honneur du footballeur de l’année. Dans un coin de la salle, Jack Warner parlaiot en chuchotant à Chuck Blazer, dans un autre Ricardo  Teixeira s’entretenait discrètement avec Julio Grondona. Juan Antonio Samaranch, l’ex-président du Comité international olympique, était vêtu d’une de ses chemises bleues de cheval. Mais qui était ce type, là-bas ? Un visage nouveau dans la foule des invités, qui regardait dans ma direction.

« Vous êtes Andrew Jennings ? »

Dans sa veste de sport simple, avec son crâne luisant  et ses quelques mèches rebelles retombant sur le col, ses bajoues révélant la cinquantaine et sa moustache de  morse las, il avait plus l’allure d’un bookmaker espérant me revendre un tuyau pour le prochain congrès que d’un client d’un hôtel aussi luxueux que le Ritz.

« Et vous, qui êtes-vous ?

- Peter Hargitay, se présenta-t-il d’une voix rocailleuse, conseiller spécial du président Blatter. Pourrions-nous déjeuner ensemble un de ces jours ? Voici ma carte ».

M. Peter  Hargitay, « conseiller spécial auprès de la présidence », à en croire le bristol. Sa firme était European Consultancy Network, dont les bureaux étaient situés dans Noel Street, en plein quartier de Soho, à Londres. Et elle était également « conseillère du président de la FIFA ». Impressionnant.

Nous nous retrouvâmes donc à Londres, au bar à tapas El Pirata, où le nouveau conseiller spécial de Blatter entreprit de me raconter sa vie. Sa famille avait fui la Hongrie en 1956 et il avait grandi en Suisse. Il avait travaillé un temps comme journaliste d’investigation pour certaines publications internationales dont il ne prononça jamais le nom, et il ponctuait son discours de nombreux « putain », comme le font certains journalistes d’investigation endurcis. A un certain moment il était devenu « conseiller en entreprise », il avait travaillé au plus haut niveau, et à présent, il était au service de Sepp.

Peter est le genre de chargé de relations publiques qui sait flatter un journaliste. Il se déclara très impressionné par mon travail, se référa respectueusement à moi en employant le terme « écrivain », et se montra tellement ravi de se retrouver en ma compagnie que soudain, sans prévenir, il ouvrit son portable et prit une photo de moi –un portrait-, à quelques centimètres de mon nez. Je n’appréciai le geste que très modérément et le lui fis savoir. Il me donna sa parole qu’il effacerait le cliché.

Quand j’exprimais une opinion, il était systématiquement d’accord. Je mentionnai un journaliste particulièrement paresseux qui aimait qu’on lui mâche le travail. Exactement ça, un paresseux à qui il faut mâcher le travail ! approuva Peter. Et Jack Warner, quel problème pour l’image de la FIFA ! Oh oui, ça c’est bien vrai. Il alla jusqu’à me dire qu’il pensait possible que certains cadres supérieurs du groupe ISL de Jean-Marie Weber soient accusés pour avoir détourné l’argent versé par Globo TV.

Peter se fendit de quelques cancans sur ses nouveaux collègues. Il n’avait pas beaucoup de temps à consacrer au nouveau responsable des relations publiques, Markus Siegler. Quant au conseiller marketing de Blatter, Gido Tognoni : « Vous pouvez vous attendre à ce qu’il ne reste pas longtemps … » Il avait raison. Trois mois plus tard, l’Italien perdait son poste. Hargitay connaissait donc son affaire. Il savait même (et très peu de gens étaient au courant) que Blatter allait épouser  sa petite amie, une dresseuse de dauphins qui allait emménager chez lui avec son chien Queenie.

Peter avait un projet pour la FIFA : la création d’un « conseil consultatif des médias internationaux », et il m’invita à être le premier à m’y inscrire. Je lui rafraîchis la mémoire, lui parlai d’un temps pas si lointain, quand des agents du président du CIO Samaranch, furieux de mes révélations sur la corruption des membres de l’instance olympique et sur son propre passé fasciste, avaient obtenu illégalement mes relevés téléphoniques et espionné mes sources. Peter parut choqué. Nous partîmes ensemble dans le même taxi, qu’il tint à payer. J’attendis avec impatience nos prochaines rencontres, prévues pour après les fêtes de fin d’année.

Nous avions à peine fait connaissance que Peter manifesta tous les signes d’un grand intérêt pour moi, pour ma santé et pour ceux que j’aimais. Dans des courriels chaleureux il m’encourageait vivement à me “reposer un peu, en famille”. Après les fêtes il reprit contact, me souhaita une bonne année mais, par-dessus tout, une bonne santé et le succès dans mes “entreprises professionnelles”. C’était un changement de ton bienvenu après celui, généralement glacial, du bureau de presse de Zurich.

Mon nouvel ami ne s’était pas reposé pendant les congés de fin d’année. “J’ai réfléchi aux sujets dont nous avons discuté, et j’ai bon espoir pour le projet de conseil consultatif des médias.” Peter m’affirma que sa priorité était de garantir à tout moment ma “totale indépendance éditoriale”.

Il semblait se sentir personnellement responsable de la réputation de la FIFA. “Selon moi, il ne peut pas (et il ne doit pas )y avoir de “média hostile”, dit-il, car cela menait à “des incompréhensions, et partant à de possibles interprétations erronées de “faites” émanant de sources parallèles”. Les sources non officielles, les propos de personnes “vendant la mèche” ou d’auteurs de “fuites” entravaient le chemin vers la vérité. Peter allait soigner les blessures, nous rassembler et me procurer la matière d’articles sensationnels.

A SUIVRE



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