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Emmanuel Dupuy, professeur de sciences politiques et de géopolitique à l’Université catholique de Lille, préside également l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Spécialiste reconnu des questions de sécurité européenne et des relations internationales, il est aujourd’hui l’une des voix françaises les plus écoutées sur les relations franco-marocaines.
Nous l’avons rencontré au Sénat, où il intervenait dans le cadre de la célébration du 50ème anniversaire de la Marche Verte. À cette occasion, M. Dupuy animait un débat consacré aux «Regards croisés sur la portée historique et juridique de la Marche Verte», en compagnie du juriste Hubert Seillan, président de la Fondation France-Maroc Paix et Développement durable et auteur de « Le Sahara marocain, l’espace et le temps », ainsi que de l’historien Rahal Boubrik, directeur de l’Institut Royal pour la recherche sur l’histoire du Maroc.
A l’issue de cette rencontre, Emmanuel Dupuy nous a accordé l’entretien qui suit.
Libé : Lors de la conférence organisée au Sénat pour célébrer le 50ᵉ anniversaire de la Marche Verte, que vous avez animée, le Maroc a été mis à l’honneur au Palais du Luxembourg. Cette commémoration coïncidait avec l’adoption de la résolution 2797 par le Conseil de sécurité. Quelle portée donnez-vous à cette coïncidence ?
Emmanuel Dupuy : Ce n’est pas une coïncidence, puisque la conférence avait été programmée avant l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité. Elle était prévue pour célébrer le cinquantenaire de la Marche Verte, mais aussi le 70ᵉ anniversaire des accords de La Celle-Saint-Cloud (6 novembre 1955), qui avaient conduit à la fin du protectorat au Maroc.
Il se trouve qu’une autre date importante s’y est ajoutée : le 31 octobre 2025, jour du vote de la résolution 2797 par le Conseil de sécurité de l’ONU. Cette résolution clarifie la question du Sahara et constitue, à mes yeux, un cadre nouveau du débat international.
C’est donc une heureuse coïncidence qui reflète le long travail de la diplomatie marocaine sur ce dossier.
On peut aujourd’hui parler d’une “seconde Marche Verte” : non pas une marche physique comme en 1975, mais une avancée politique et économique vers le développement des provinces du Sud et vers un point de non-retour.
Il reste à savoir si les parties concernées l’acceptent ou non. On sait déjà que le Polisario refuse catégoriquement de négocier sur cette base, et l’on attend toujours la réponse de la partie algérienne.
La résolution consacre la proposition marocaine comme base de discussion, donc dans le cadre de la souveraineté marocaine.
Avec cette nouvelle résolution et le soutien affirmé de plusieurs grandes puissances, peut-on considérer que le conflit autour du Sahara est désormais en voie de règlement, voire clos ?
Ce n’est pas clos du tout, car la résolution 2797 appelle désormais à la mise en place d’un processus politique incluant des réunions quadripartites : Algérie, Mauritanie, Polisario et Maroc, sur la base de la proposition marocaine d’autonomie de 2007.
Ce projet doit maintenant être adapté au contexte actuel :
– en tenant compte de la Constitution de 2011, qui consacre le rôle des forces vives de la Nation ;
– en intégrant les avancées de la décentralisation, renforcées par la loi de 2015 ;
– en définissant de nouvelles modalités d’administration territoriale dans le cadre d’une autonomie.
L’intérêt majeur de cette résolution est qu’elle reconnaît que l’autonomie est la base la plus sérieuse et la plus crédible, posée par l’une des parties. Le Maroc n’est pas une “partie au conflit” au sens classique : il est le titulaire légitime de la proposition sur laquelle le règlement politique peut se construire.
A la suite de l’adoption de cette résolution, SM le Roi a prononcé un discours marquant une nouvelle étape pour l’unité nationale, tout en tendant la main à l’Algérie. Selon vous, les autorités algériennes sont-elles prêtes à saisir cette opportunité d’apaisement ?
Espérons-le. En tant qu’observateur, je note que les États-Unis ont adressé une lettre aux autorités algériennes affirmant qu’il n’y aura pas de retour en arrière sur le cadre posé. Ils attendent que l’Algérie s’y inscrive.
La question est donc: l’Algérie osera-t-elle défier la position de la communauté internationale? Nous sommes dans une situation nouvelle. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ont voté la résolution — deux se sont abstenus (Chine et Russie) — mais aucun ne soutient une autre option que celle proposée par le Maroc.
Plus de 120 pays reconnaissent la marocanité du Sahara ou soutiennent la position marocaine, et 84% des Etats membres de l’ONU ne reconnaissent pas la “RASD”.
Une quarantaine de pays africains ont même retiré leur reconnaissance.
L’Algérie se retrouve donc isolée, y compris en Afrique et sur la scène internationale. Même la MINURSO travaille aujourd’hui sur l’accompagnement du plan marocain d’autonomie.
La résolution 2797 ne mentionne pas le Polisario mais les “représentants du peuple sahraoui”, ce qui pourrait ouvrir la voie à d’autres acteurs, comme le Mouvement sahraoui pour la paix, fondé par des Sahraouis.
Pour le moment, aucun signal positif ne vient d’Alger. Pourtant, les pressions diplomatiques — occidentales, américaines, voire russes et chinoises — invitent l’Algérie à répondre à la main tendue par le Roi.
Dans cette dynamique possible de rapprochement entre Rabat et Alger, la France peut-elle jouer un rôle de facilitateur ?
Je crains que l’Algérie ne l’accepte pas. La libération récente de Boualem Sansal a été obtenue sous la pression de la diplomatie allemande, non de la diplomatie française.
L’Italie pourrait aussi être un acteur, en raison de l’importance de ses contrats gaziers avec Alger.
Je doute donc que la France puisse jouer ce rôle, même si l’on peut le regretter.
L’Allemagne pourrait en revanche s’y employer. Mais les Etats-Unis restent sans doute l’acteur le plus crédible : Steven Wiktorowicz et Jared Kushner ont proposé un plan de paix et fixé un ultimatum jusqu’à la fin de l’année.
Les Etats-Unis pourraient donc être les véritables facilitateurs d’un rapprochement entre l’Algérie et le Maroc, davantage que la France.
Paris : Entretien réalisé par Youssef Lahlali
Nous l’avons rencontré au Sénat, où il intervenait dans le cadre de la célébration du 50ème anniversaire de la Marche Verte. À cette occasion, M. Dupuy animait un débat consacré aux «Regards croisés sur la portée historique et juridique de la Marche Verte», en compagnie du juriste Hubert Seillan, président de la Fondation France-Maroc Paix et Développement durable et auteur de « Le Sahara marocain, l’espace et le temps », ainsi que de l’historien Rahal Boubrik, directeur de l’Institut Royal pour la recherche sur l’histoire du Maroc.
A l’issue de cette rencontre, Emmanuel Dupuy nous a accordé l’entretien qui suit.
Libé : Lors de la conférence organisée au Sénat pour célébrer le 50ᵉ anniversaire de la Marche Verte, que vous avez animée, le Maroc a été mis à l’honneur au Palais du Luxembourg. Cette commémoration coïncidait avec l’adoption de la résolution 2797 par le Conseil de sécurité. Quelle portée donnez-vous à cette coïncidence ?
Emmanuel Dupuy : Ce n’est pas une coïncidence, puisque la conférence avait été programmée avant l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité. Elle était prévue pour célébrer le cinquantenaire de la Marche Verte, mais aussi le 70ᵉ anniversaire des accords de La Celle-Saint-Cloud (6 novembre 1955), qui avaient conduit à la fin du protectorat au Maroc.
Il se trouve qu’une autre date importante s’y est ajoutée : le 31 octobre 2025, jour du vote de la résolution 2797 par le Conseil de sécurité de l’ONU. Cette résolution clarifie la question du Sahara et constitue, à mes yeux, un cadre nouveau du débat international.
C’est donc une heureuse coïncidence qui reflète le long travail de la diplomatie marocaine sur ce dossier.
On peut aujourd’hui parler d’une “seconde Marche Verte” : non pas une marche physique comme en 1975, mais une avancée politique et économique vers le développement des provinces du Sud et vers un point de non-retour.
Il reste à savoir si les parties concernées l’acceptent ou non. On sait déjà que le Polisario refuse catégoriquement de négocier sur cette base, et l’on attend toujours la réponse de la partie algérienne.
La résolution consacre la proposition marocaine comme base de discussion, donc dans le cadre de la souveraineté marocaine.
Avec cette nouvelle résolution et le soutien affirmé de plusieurs grandes puissances, peut-on considérer que le conflit autour du Sahara est désormais en voie de règlement, voire clos ?
Ce n’est pas clos du tout, car la résolution 2797 appelle désormais à la mise en place d’un processus politique incluant des réunions quadripartites : Algérie, Mauritanie, Polisario et Maroc, sur la base de la proposition marocaine d’autonomie de 2007.
Ce projet doit maintenant être adapté au contexte actuel :
– en tenant compte de la Constitution de 2011, qui consacre le rôle des forces vives de la Nation ;
– en intégrant les avancées de la décentralisation, renforcées par la loi de 2015 ;
– en définissant de nouvelles modalités d’administration territoriale dans le cadre d’une autonomie.
L’intérêt majeur de cette résolution est qu’elle reconnaît que l’autonomie est la base la plus sérieuse et la plus crédible, posée par l’une des parties. Le Maroc n’est pas une “partie au conflit” au sens classique : il est le titulaire légitime de la proposition sur laquelle le règlement politique peut se construire.
A la suite de l’adoption de cette résolution, SM le Roi a prononcé un discours marquant une nouvelle étape pour l’unité nationale, tout en tendant la main à l’Algérie. Selon vous, les autorités algériennes sont-elles prêtes à saisir cette opportunité d’apaisement ?
Espérons-le. En tant qu’observateur, je note que les États-Unis ont adressé une lettre aux autorités algériennes affirmant qu’il n’y aura pas de retour en arrière sur le cadre posé. Ils attendent que l’Algérie s’y inscrive.
La question est donc: l’Algérie osera-t-elle défier la position de la communauté internationale? Nous sommes dans une situation nouvelle. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ont voté la résolution — deux se sont abstenus (Chine et Russie) — mais aucun ne soutient une autre option que celle proposée par le Maroc.
Plus de 120 pays reconnaissent la marocanité du Sahara ou soutiennent la position marocaine, et 84% des Etats membres de l’ONU ne reconnaissent pas la “RASD”.
Une quarantaine de pays africains ont même retiré leur reconnaissance.
L’Algérie se retrouve donc isolée, y compris en Afrique et sur la scène internationale. Même la MINURSO travaille aujourd’hui sur l’accompagnement du plan marocain d’autonomie.
La résolution 2797 ne mentionne pas le Polisario mais les “représentants du peuple sahraoui”, ce qui pourrait ouvrir la voie à d’autres acteurs, comme le Mouvement sahraoui pour la paix, fondé par des Sahraouis.
Pour le moment, aucun signal positif ne vient d’Alger. Pourtant, les pressions diplomatiques — occidentales, américaines, voire russes et chinoises — invitent l’Algérie à répondre à la main tendue par le Roi.
Dans cette dynamique possible de rapprochement entre Rabat et Alger, la France peut-elle jouer un rôle de facilitateur ?
Je crains que l’Algérie ne l’accepte pas. La libération récente de Boualem Sansal a été obtenue sous la pression de la diplomatie allemande, non de la diplomatie française.
L’Italie pourrait aussi être un acteur, en raison de l’importance de ses contrats gaziers avec Alger.
Je doute donc que la France puisse jouer ce rôle, même si l’on peut le regretter.
L’Allemagne pourrait en revanche s’y employer. Mais les Etats-Unis restent sans doute l’acteur le plus crédible : Steven Wiktorowicz et Jared Kushner ont proposé un plan de paix et fixé un ultimatum jusqu’à la fin de l’année.
Les Etats-Unis pourraient donc être les véritables facilitateurs d’un rapprochement entre l’Algérie et le Maroc, davantage que la France.
Paris : Entretien réalisé par Youssef Lahlali









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